Cendrillon ne fait pas grève

par Antoine Dumini 22/10/2014 paru dans le Fakir n°(55) mai - juillet 2012

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Fakir poursuit son dictionnaire des conquêtes sociales. Sauf qu’il s’agirait plutôt, ici, d’une non-conquête, d’une preuve par l’absurde avec les domestiques : eux n’ont jamais lutté, et n’ont obtenu le repos hebdomadaire, le salaire minimum, les congés payés avec des décennies de retard…

La petite Jeanne Bouvier arrive à Paris, en 1890, et alors âgée de 14 ans, son enfance est derrière depuis longtemps. Après quelques emplois dans des fabriques, elle entre comme bonne :

***

"Ma sœur me trouva une place à Meudon, chez des marchands de couleurs. Je devais faire les courses, le ménage, la vaisselle et la cuisine, laver le linge. Il y avait trois enfants, le monsieur et la dame. Le garçon de sept ans, particulièrement gâté, était très méchant. Il me battait à chaque instant et il ne fallait pas me plaindre, il avait toujours raison. Un jour il me donna dans le dos un coup de brosse qui me fit si grand mal que je pleurai une partie de la journée, et tous se moquaient de moi à me voir pleurer. La vie n’était pas heureuse pour moi dans cette maison. J’avais de l’ouvrage au-dessus de mes forces. Je devais laver le linge des cinq personnes, plus le mien. Je lavais même les draps. Ce lavage était très dur. Je devais descendre l’eau nécessaire au lavage dans le jardin qui se trouvait en contrebas d’un étage."

Toutes les maisons bourgeoises ont ainsi leur Cendrillon. Paul Chabot évoque la jeunesse vite enterrée de sa mère, elle qui, dès ses treize ans, devait :


« entretenir le manoir ; faire la cuisine, assurer le service de ces dames, le lavage, le repassage, il y avait toujours une tâche qui débordait sur l’autre. Depuis six heures, le matin, elle se démenait pour allumer les feux. Elle attaquait la journée par les corvées de bois. À quatre pattes, courbée sur sa paille de fer, elle décapait le parquet, l’encaustiquait et, au chiffon de laine, le faisait reluire. Il lui fallait sortir les tapis dans la cour, les jeter à cheval sur un fil et les battre avec une tapette. Yvonne, qui était toute petite, avait un mal fou à les hisser. »

[*Une « sensibilité »*]

Ces récits manquent d’objectivité ? Sont animés par le ressentiment personnel ?
Sauf que cette situation est inscrite dans le Code civil édicté par Napoléon :

« La femme, les enfants mineurs, les serviteurs n’ont point de propriété, car ils sont une propriété eux-mêmes, comment le comte de Mintlosier, contemporain de l’Empereur. La femme parce qu’elle fait partie de l’homme, les enfants car ils en sont une émanation, les serviteurs parce que simples instruments ; leur temps, leur peine, leur industrie, tout appartient au maître ».

Par ailleurs, ce constat - que les bonnes sont exploitées, méprisées, maltraitées - toute la société, quasiment, le dresse à la fin du XIXème siècle.

Le mouvement féministe, d’abord, qui dénonce lors de meetings, en 1896 :

« Il existe une classe de travailleuses, véritables parias, qui semblent hors la loi, et dont nul ne prend souci : nous voulons appeler l’attention sur la situation des femmes et des filles, appelées : "bonnes à tout faire" qui sont logées et nourries par les maîtres, qui les emploient. »

Cette misère indigne la presse, et même Le Figaro :

« Les domestiques à Paris, employés dans de bonnes ou de mauvaises maisons, sont tous logés à la même enseigne : la chambre sous les toits. Aussi grande qu’un placard, souvent mansardée, mal aérée, c’est une fournaise l’été, une glaciaire l’hiver. »

Le président du Conseil Jules Simon, «  profondément républicain et résolument conservateur », use du sarcasme :

« Ces cellules sont évidemment et nécessairement inhabitables ; car, si l’on pouvait s’y tenir debout, y respirer, y vivre, on les mettrait en location, et on trouverait un peu plus haut ou, s’il n’y avait pas de grenier, dans les caves, dans quelque recoin de la cage des escaliers, la place d’un matelas pour les domestiques. »

Le quotidien L’Eclair lance, en 1904, une vaste enquête, et reçoit plus de 27 000 lettres :

« Au point de vue de l’hygiène, ce qui manque principalement pour les femmes, c’est le chauffage, l’hiver. Peu de domestiques savent ce que c’est que d’avoir du feu dans leur chambre. Quand il gèle, on casse la glace du broc le matin, si l’on veut se nettoyer. »

Le futur président de la Chambre de commerce de Paris, Marcel Cusenier, publie une thèse de droit en 1912 :

« La bonne travaille toute l’année, le dimanche comme la semaine. Ce sont au moins 60 à 70 jours de travail qu’elle fournit de plus qu’une ouvrière. Ce sont encore cent francs, qu’il faut déflaquer pour ramener les salaires de l’ouvrière et de la servante au même terme de comparaison. La différence est en faveur des domestiques, et de cent francs en moyenne. Cela représente, à peu près, le prix de la liberté d’une femme, au XX siècle ».

Le Congrès diocésain de Nevers sermonne, à son tour, en 1913 :

« Plusieurs patrons exigent un travail disproportionné avec l’âge et les forces du domestique. Ainsi, à certaines époques, ce travail se prolonge jusqu’à treize, quatorze et même quinze heures par jour ».

Bref, une sensibilité existe, assez large même, presque un consensus, contre cet esclavage moderne. Mais une « sensibilité » ne fait pas le changement : elle peut l’aider, servir de terreau, elle ne suffit pas. Et lorsque les principaux acteurs ne bougent pas, rien ne bouge.

[* Le meurtre ou la lutte*]

A-t-on jamais vu une grève de bonnes ?
Une manifestation de domestiques ?
On n’en trouve aucune trace, en tout cas, dans les archives consultées. Et c’est ce silence, cette absence, qu’il faut surtout interroger : alors que, à travers la France et l’Europe, les ouvrières s’organisent, se mobilisent, s’émancipent, pourquoi les servants – et servantes – demeurent à l’écart de ce courant ?
«  La solidarité est étrangère aux gens de maison, estime le directeur de la Chambre syndicale des gens de maison. Ce sont de grands enfants indifférents, ils n’ont pas le sens des revendications collectives. »
Comment porter des « revendications collectives » sans « collectif » ? Au moment où les syndicats naissent dans des grandes fabriques, se développent éventuellement dans les grands magasins, les travailleurs domestiques s’avèrent nombreux – 902 000 hommes et femmes en 1896 – mais extrêmement éclatés, une poignée par maison, beaucoup dans des fermes, sans liens entre eux. Comment construire un rapport de force ? C’est le renvoi, aussitôt, qui menace, et on ne perd pas alors un revenu, seulement, mais aussi un logement, voire un foyer. Un drame que Jeanne Bouvier a vécu avec sa mère :

« Un soir les patrons prirent un air mystérieux pour parler à ma mère. Ils me firent attendre dans une pièce pendant qu’ils causaient dans une autre. Ce qui se passait devait être louche pour que l’on m’ait obligée à rester seule. Lorsqu’ils eurent fini, ma mère sortit et nous nous dirigeâmes vers notre chambre. Seules toutes les deux, ma mère m’expliqua que les patrons n’étaient pas satisfaits de son service ; ils ne pouvaient nous garder. Il y avait à peine huit jours que nous étions arrivées, et ils nous renvoyaient. Mais comme nous leur devions 80 francs pour nos voyages nous ne pourrions emporter nos effets. Le lendemain à la première heure nous devions partir. Si nous pouvions rembourser les 80 francs dans l’espace d’un an ils nous rendraient nos effets. (…) Le lendemain, nous nous habillâmes en mettant le plus d’effets possible sur nous. Je mis deux chemises, deux pantalons, deux jupons, afin d’avoir la possibilité de changer de linge puisque nous devions quitter cette maison les mains vides. Nous allions, ma mère et moi, nous trouver sans argent, sans place, sans linge, sans effets. »

Aussi, vivant dans la famille, leurs patrons, ou patronnes – « protecteur », d’après l’étymologie – n’apparaissent pas aux domestiques comme des adversaires, comme des capitalistes, pas aussi clairement que dans une filature ou une fonderie. Une relation ambiguë, faite de proximité et de paternalisme, se noue entre eux, l’affection se mêlant à la haine.
La tentation, alors, c’est moins la révolution que la révolte, moins la lutte que le meurtre. Célestine s’étonne ainsi, dans son Journal d’une femme de chambre :
« Quand je pense qu’une cuisinière tient, chaque jour, dans ses mains, la vie de ses maîtres... une pincée d’arsenic à la place de sel... un petit filer de strychnine au lieu de vinaigre... et ça y est !... Eh bien, non... Faut-il que nous ayons, tout de même, la servitude dans le sang ! »
Les sœurs Papin, elles, n’ont pas fait qu’y songer : en 1933, au Mans, elles ont arraché les yeux de leurs patronnes, les ont frappées à coups de marteau, découpées avec des ciseaux, préparées pour la cuisson comme des lapins… Et combien de bonnes sont ainsi passées à l’acte, plus discrètes, en un coup de colère individuel ?

[* L’orgueil du larbin*]

Il existe bien un « syndicat national des employés gens de maison », affilié à la CGT, mais il ne compte que 797 adhérents.
C’est le fruit d’une méfiance réciproque, de bonnes qui n’adhérent pas volontiers, soit, mais également d’un mouvement socialiste qui se méfie de ces serviteurs. Dans ses souvenirs de la Commune, Victorine Brocher s’emporte ainsi :
« Toute la valetaille du faubourg Saint-Germain donnait la main aux soldats. Ils étaient enrôlés par leurs maîtres et armés pour sauver leurs propriétés ; eux, les esclaves, étaient prêts à massacrer leurs frères. »
Massivement, aussi, les domestiques sont des « bonnes », rarement des « bons », et le sort des femmes ne préoccupe qu’à la marge le mouvement ouvrier. L’historienne Jacqueline Martin-Huan analyse :
« Les syndicats ouvriers du XIXe siècle, défenseurs des populations au travail, ne recueillent dans leurs archives que des conseils lénifiants à l’égard des larbins, dont ils ne se soucient guère. Les syndicats ne s’intéressent pas aux bonnes, pas plus qu’aux femmes en général. Les femmes du commun, en particulier les travailleuses, n’ont pas d’histoire. »
Domine, dès lors, un syndicat maison des gens de maison : le Genêt, une « association mixte où les patrons trouvent leur place, où les membres des classes dirigeantes sont invitées », énoncent ses statuts. Son président prône «  le langage du bon sens, de la raison, du progrès proprement dit » contre les « prédications de l’anarchie, de la violence, et de la haine, qui sont la spécialité des adeptes de la CGT ».
Eux revendiquent une place à part, une classe à part. Avec une forme d’orgueil, ils résistent à entrer dans le salariat, refusent qu’on les assimile à des ouvriers : le serviteur «  devrait être en quelque sorte le prolongement de la famille de son maître ». Dès lors, comment le législateur – ou encore pire : un inspecteur du travail – oserait franchir le seuil du foyer pour dicter ses lois ? Voilà qui relève du privé !

[*Contre les avancées*]

Ce syndicat va donc lutter contre la législation sociale qui s’instaure.
La loi Millerand fixe, en 1900, la journée de travail à onze heures. Le Journal des gens de maison proteste, au nom de la liberté et de la morale : « En principe, s’écrie son rédacteur, j’estime que l’agent par excellence de la moralisation et de la pacification, c’est non pas l’oisiveté mais le travail. »
Mais advient pire encore, en 1905 : cette idée d’un repos hebdomadaire ! Voilà qui déboussole le Genêt : « Comment songer à la possibilité de lui ménager une journée entière de repos par semaine, à moins de prétendre qu’une fois par semaine les maîtres s’en iront passer la journée en dehors de chez eux, ou se résoudront, en restant chez eux, à se servir eux-mêmes ? »
Avec pareille combativité, et malgré la « sensibilité », les progrès tardent. La loi sur les accidents du travail, par exemple, votée en 1898 à l’Assemblée, n’est étendue aux domestiques qu’en 1923… un quart de siècle en retard !
Et il faudra attendre l’après-guerre, pas la première, non, la seconde, la Libération, pour que les bonnes se mobilisent enfin. La Jeunesse Ouvrière et Chrétienne Française – les cathos sociaux – lance d’abord une enquête nationale auprès de « ces fillettes  » qui, bien souvent, «  dépendantes de leurs maîtres, prolétaires par excellence, impuissantes, et déjà résignées, craignant de se nuire à elles-mêmes, préfèrent se taire  ». Le rapport pointe une pratique presque courante, le viol par les maîtres : «  Les victimes ne peuvent se plaindre, tant ces hommes ont pour eux le prestige, de l’argent, de la culture, de l’éducation, de la naissance, de la renommée, ou de la dévotion, qu’on n’oserait jamais concevoir le moindre soupçon contre eux ». Y est déploré, aussi, le sort réservé aux vieilles domestiques : « On les retrouve au fond d’asiles pour vieillards indigents, dans des taudis sous les toits, sans ressource. Renvoyer ces pauvres femmes, usées par le travail, dans leur famille qu’elles ont quittée depuis cinquante ans, c’est une malhonnêteté criante. » Une liste de revendications est alors établie.
En novembre 1954, se tient le premier congrès de la fédération des syndicats CFTC des employées de maison. Venant de province, des jeunes filles, autrefois isolées, se retrouvent à Paris et réclament, avant toute chose, le bénéfice des lois sociales. En un an et demi, elles rattrapent un demi-siècle de retard : dès 1956, elles gagnent les congés payés, la Sécu, le salaire minimum, le droit d’être défendues aux prud’hommes…
L’heure est venue, pour les bourgeois, d’embaucher des bonnes portugaises. Et d’acheter un lave-linge…

Antoine Dumini

[**[(Bibliographie :*]
Histoire de chambres, Michelle Perrot, Seuil, 2009.
La place des bonnes en France, Anne Martin-Fugier, Perrin, 2004.
La longue marche des domestiques en France du XIXe siècle à nos jours, Jacqueline Martin-Huan, Opéra Éditions, 1997.
Mes Mémoires, Jeanne Bouvier, La Découverte, 1983.
Jean et Yvonne domestiques en 1900, Paul Chabot, Tema, 1977.

Et également, Le journal d’une femme de chambre, d’OCtave MIRBEAU, Livre de poche, et son adaptation cinématographique par Luis Bunuel, 1964.)]

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Messages

  • c’est bien brave de s’intéresser au travail domestique quand il est effectué par des...employés domestiques, donc.
    néanmoins, nous sommes en 2014 et LES FEMMES (coucou !) ne sont toujours ni payées ni considérées pour ce travail, qu’elles effectuent pourtant à hauteur de 5 h par jour, A MOINS, justement, qu’elles ne soient employées comme domestique par quelque voisin de meilleure situation.
    (la prochaine fois on parlera du travail reproductif, vous verrez c’est rigolo aussi)
    (le "care", tsé, comme ils disent dans les hautes sphères où on aime mettre des mots sur les maux, c’est toujours ça de pris disent les psys)

  • Votre texte est probablement plus actuel qu’il n’y parait.
     La situation décrite, socialement acceptée, perdure dans tant de pays encore aujourd’hui.
     Parfois même en France de tels cas sont révélés.
     Mais surtout, il est une frange de plus en plus puissante, de plus en plus nombreuse de super riches qui la considère enviable. A l’heure où les "représentants" de la nation se prostituent ouvertement au MEDEF et en cette période de régressions sociales sans précédent, il convient de se rappeler qu’aujourd’hui, moins que jamais, "rien n’est jamais acquis à l’homme"

  • Ce qui me fait peur là-dedans c’est que rien n’est jamais gagné et qu’avec la crise, on risque de voir ré-apparaître sous nos cieux ce genre d’esclavagisme ! Les enfants et les femmes (ainsi que les animaux) sont les victimes des crises...

  • Le chèque emploi-service, un modèle de travail précaire / de sous-prolétariat ?

    Le « chèque emploi-service » (dit Cesu depuis 2006) est sous contrôle de la « convention collective des salariés du particulier employeurs » où de nombreuses anomalies au droit du travail sont le quotidien de 1,3 million de salarié-es (principalement des femmes) pour 2,5 millions d’employeurs (chiffres 2012). Rédigée en 1999 sous l’impulsion de la fédération du particulier employeur (la Fepem), cette convention comporte deux sortes de dysfonctionnements :

    Stucturels :
    selon la convention collective du particulier employeur, la durée légale est de 174 h mensuelles (40 h hebdomadaires).
    l’employeur n’est pas considéré comme une entreprise (puisque particulier !) : ainsi, la médecine du travail et l’inspection du travail n’ont pas le droit d’entrée dans le domicile privé, donc sur le lieu de travail.
    seul le 1er mai est considéré chômé et payé, les autres jours fériés, s’ils sont travaillés, ne donne pas droit à aucun supplément.
    pendant 15 ans l’employeur pouvait déclarer son salarié-e au forfait ou au réel ; dans le premier cas les cotisations sont calculées sur la base du Smic (de belles retraites en perspectives) ; quant aux cotisations au réel, elles ne s’appliquent que depuis le 1er janvier 2013.

    Pratiques :
    l’absence de contrat écrit dans les faits (obligatoire dans la convention pour les CDI) pose des problèmes aux salarié-es qui rencontrent des difficultés pour emprunter et des difficultés administratives : pôle emploi, sécu (arrêts de travail ou maladie souvent calculés sur la base des 3 derniers mois de travail, sans que l’indemnisation ne prenne en compte, dans cette période, les congés, qui sont prépayés).
    même si le 1er mai est légalement (convention collective) reconnu chômé et payé, c’est rarement le cas dans la réalité.
    la solitude et l’isolement des salarié-es rendent leur organisation très difficile, alors que le patronat, au contraire, est très bien structuré jusqu’à l’échelon européen (notons que la directrice de la Fepem a été nommée en 2009 au grade de chevalier de l’ordre national de la légion d’honneur...ce qui en dit long).
    la Fepem, malgré une association paritaire où siègent la CFDT, la CGT, la CFTC et FO (le gratin représentatif-sic), fait la pluie et le beau temps pour conserver ses privilèges, notamment en matière de déductions fiscales : jusqu’à 50 % des sommes versées dans la limite d’un plafond de 12000 € (soit 6000 € payés par le contribuable quels que soient les revenus de l’employeur, si ce n’est qu’il doit être imposable, c’est à dire parmi les plus riches), le tout justifié par un prétendu modèle économique et social...
    la visite annuelle et d’embauche auprès de la médecine du travail n’existe que dans la convention collective.
    aucune prise en compte de la pénibilité.
    aucune prise en compte des temps de transport qui peuvent être très importants (exemple : pour une femme de ménage avec 4 employeurs différents dans la journée, c’est ½ heure, non rémunérée, entre chaque employeur).
    si un employeur part en vacances, se retrouve à l’hôpital (ou pour toute autre raison non conforme à la convention), les heures normalement effectuées ne sont pas rémunérées.
    comme l’emploi en Cesu se trouve le plus souvent par le bouche à oreille, il est très délicat de faire respecter ses droits avec un employeur sans que cela nuise au salarié auprès des autres employeurs. De plus, c’est un licenciement de fait quasi assuré avec l’employeur concerné, puisque les rapports professionnels sont exclusivement basés sur la confiance au quotidien.
    suppression de l’ancienneté au profit d’une revalorisation sur qualification professionnelle (la nouvelle marotte de la Fepem..), ce qui revient à ne donner une reconnaissance qu’à une petite minorité de travailleurs-es.

    Voilà résumée la réalité du « chèque emploi-service ». On pourrait ajouter une foultitude de manquements à la réglementation (au cas par cas), mais ce serait sans fin tant la majorité des employeurs ne se considèrent pas en être et par conséquent sont de mauvais employeurs – par ignorance dans le meilleur des cas. Mais dans le cadre de l’accompagnement des personnes âgées (souhaité par la Fepem), ce sont les proches, souvent les enfants, qui sont les pires des employeurs... Le harcèlement fait entièrement partie de ce travail qui ressemble souvent à la domesticité.

    Des bourses du travail ont été créées il y a quelques années (Poitiers et Quimper) avec le concours de la CNT, mais elles n’ont pas perduré ; cependant, quand elles existaient, elles ont permis aux travailleurs précaires de ce milieu de s’organiser ; aujourd’hui ce sont des associations, aux statuts multiples, qui ont la main mise sur ce marché, avec en prime une facturation pour le service qui dépasse largement le salaire et les cotisations : ça s’appelle une aubaine capitaliste, ou plus correctement de l’exploitation, car dans ces associations les salarié-es sont au smic !