Gare Saint‑Lazare (Paris), le 11 octobre, 12h45.
Complicité d’agression
Mon vélo sous un bras, deux sacs sous l’autre, je fouille ma poche d’un semblant de main libre. Je suis en retard, comme d’hab, mais j’ai craqué : la dame qui fait la manche, assise par terre entre deux portes, des affaires en bazar près d’elle, et tout le monde qui court autour, est âgée, super âgée. Quand je m’arrête pour lui donner une pièce, elle me sourit de toutes ses rides : s’il lui reste trois dents, c’est bien le maximum. Que des vieux comme elle en soient encore réduits à mendier, au crépuscule de leur vie, ça me retourne, à chaque fois. Et elle qui me sourit.
« Restez pas là ! Faut partir, allez ailleurs ! Depuis ce matin, vous agressez tout le monde ! » Une dame toute sèche, avec un vague uniforme de la RATP, a surgi dans mon dos, et tance la vieille dame, qui écarquille les yeux, et visiblement ne comprend pas un mot : « Police ?? Police ?? », elle demande, l’air interrogatif.
« Partez, restez pas là !
— Police… Police… », répète la vieille mendiante, paniquée, en rassemblant aussi vite qu’elle peut son barda.
C’est à mon tour, maintenant, de regarder la dame de la RATP avec un air interrogatif, presque gêné. « Ben oui, quoi ? elle me lance. Le problème, avec les gens comme vous, c’est qu’ils donnent ils donnent ils donnent, et après, eux, ils agressent tout le monde ! »
J’ai poursuivi mon chemin en soupirant, mon vélo sous un bras, mes deux sacs sous l’autre, en me demandant comment on avait perdu toute forme de bienveillance. Avant de réaliser que je l’avais échappé belle : j’aurais pu être arrêté pour complicité d’agression, peut‑être…