« Attends, je gare la voiture, je m’en allais faire un reportage pour ma radio sur un squat dans le vieux Nice… »
L’exploité du mois : Eric, l'agriculteur – reporter
Je voudrais pas qu’il ait un accident, Éric : il fait partie de nos plus solides préfets, à l’autre coin de la France, au bout du bout du Var. C’était parti fort, d’ailleurs. « Un jour au plateau des Glières, y a une dizaine d’années, François intervenait à la tribune. Quand ça se termine, tout le monde discute mais Ruffin, non : il saute dans son camion, ressort avec un paquet de Tchios Fakir et se met à les vendre à la criée ! Ça m’avait impressionné : il était déjà un peu connu, mais il voulait surtout vendre son journal ! Moi, plus jeune, je vendais Nice‑Matin et des cacahuètes sur la plage pour gagner ma vie. Alors, avec mes copains, on lui a donné un coup de main. Du coup, il m’a laissé son stock. » Ça a commencé comme ça, en gros. Et même, avant, à travers la radio, la grande passion d’Éric. « J’écoutais France Inter et j’appelais tout le temps pour poser des questions aux invités et faire des commentaires, parfois en changeant mon prénom et de numéro car les gens au standard m’avaient repéré, à force. Parfois, je faisais le hat‑trick : trois interventions dans la même journée, la matinale, le répondeur de Mermet, le Téléphone sonne. Au point que dans les manifs ou autres, certaines personnes reconnaissaient ma voix ! »
Il découvre donc Fakir via Là‑bas si j’y suis, et il essaime aujourd’hui notre canard de salons en manifs, de stands en ventes à la criée, « chauffeur et vendeur » quand d’autres Fakiriens descendent du grand nord. Entre-temps, et après mille métiers, de distributeur de presse à animateur social, il devient agriculteur, avec un copain, pour aider Hélène, qui venait de perdre son époux. Ça a duré treize ans. « On faisait du basilic, du pistou, de la tomate séchée, et au passage on donnait à manger aux migrants coincés à Vintimille », à la frontière avec l’Italie. Logique, la solidarité, dans le coin : on est à Callian, « là où est enterrée Sœur Emmanuelle. C’est notre célébrité à nous, je l’avais prise une ou deux fois en stop, elle était sympa ». L’agriculture, le pistou, c’est fini, aujourd’hui. « J’ai 61 ans, c’est la retraite, les petits jeunes avec qui on bossait ont repris l’exploitation. » Hélène est devenue sa femme, et Éric est passé de l’autre côté du micro : il ne se contente plus d’appeler les émissions, il les fait. Deux fois une heure chaque semaine, sur radio Agora Côte d’Azur (agoracotedazur.fr). Avec son compère Thierry, il part en camion et en reportage, à Toulouse, Marseille ou ailleurs. « J’ai toujours été fan de radio. Là, je pars avec mon pote dans des endroits improbables, on ne fait presque pas de coupes, et on se régale à faire parler les gens. Même ceux qui ne font rien, ils ont des trucs à dire... »