En 2021, Emmanuel Macron se fait gifler, en plein bain de foule. Sa réponse : « Il s’agit d’un retour de la violence dans la société. » Comme s’il s’agissait d’un phénomène naturel. Comme si lui n’en était pas en partie responsable…
L'avènement du libéralisme autoritaire
![](IMG/logo/dossier102_2ok.jpg?1733157020)
Novembre 2018 : le quinquennat bascule, en quelques semaines, à peine.
LBD et éborgnés. GLI‑F4 et mains arrachées. Durant l’hiver jaune, Emmanuel Macron fait un choix, week‑end après week‑end : celui de la violence. De la violence légale, il est vrai, dont il détient le monopole, mais dont il n’a pas seulement usé, mais abusé. De la violence contre son peuple, contre une partie de son peuple. De la violence, plutôt que de la démocratie, préférant la réponse policière à une réponse politique. Alors que, comme chef de la Nation, ce devrait être un drame, une tragédie renouvelée chaque samedi, que des Français tapent sur des Français, que coule leur sang, et qu’importe qu’ils portent un uniforme bleu ou un gilet jaune. En France, le Président vilipende ceux qui ne sont « pas dans le même camp ». « Une foule haineuse », des « séditieux », des « factieux ».
Dans le même temps, les institutions s’inquiètent et alarment.
Trois rapporteurs des Nations unies jugent que « le droit de manifester en France a été restreint de manière disproportionnée lors des manifestations récentes des Gilets jaunes ». La commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatovic, recommande (en vain) la « suspension » du lanceur de balles de défense (LBD), compte tenu du nombre élevé de blessés. Michelle Bachelet, la Haute‑Commissaire aux droits de l’Homme de l’Onu, demande « l’ouverture urgente d’une enquête sur tous les cas rapportés d’usage excessif de la force » (6/03/2019). Amnesty international, la Ligue des Droits de l’Homme, Reporters sans frontières, l’Association des chrétiens pour l’abolition de la torture, « protestent contre l’usage disproportionné du LBD » et « la stratégie de maintien de l’ordre ». L’écrivain et avocat François Sureau, proche d’Emmanuel Macron, proteste : « Cette ‘‘loi de la peur’’, comme il y a eu une loi du ‘‘sacrilège’’ sous la Restauration, vise à prévenir en réalité le retour du sacrilège commis contre les institutions. Si l’on est attaché aux libertés, on ne peut pas l’admettre. » Puis : « C’est le citoyen qu’on intimide, et pas le délinquant. » Dans un éditorial, Le Monde titre : « Les violences policières sont le reflet d’un échec ».
À l’étranger, on juge, et même les régimes qu’on appelle ici « autoritaires » s’en donnent à cœur joie. Dans la presse turque on peut lire sur « l’usage disproportionné de la force ». à Moscou, la porte‑parole du ministère des Affaires étrangères le déclare : « Nous appelons les autorités parisiennes à s’abstenir de tout recours excessif à la force, conformément aux principes généralement admis de l’humanisme. »
Finalement, au fil de plusieurs mois de revendications, de manifestations, Emmanuel Macron aura tenu. Il aura tenu grâce à sa police et c’est même cette institution qui le dira, quand Linda Kebbab, responsable FO Police, lâche sur un plateau télé que « les policiers ont assuré la pérennité de ce gouvernement », après avoir évacué Emmanuel Macron d’un théâtre devant lequel l’attendait des manifestants. Macron, deux ans à peine après le début de son mandat, est déjà profondément redevable aux forces de l’ordre. Il saura leur renvoyer la politesse. Les couvrir, quelles que soient les circonstances. Par le déni, d’abord : « Ne parlez pas de répression ou de violences policières, ces mots sont inacceptables dans un État de droit » (7 mars 2019). Comme si, l’inacceptable, ce n’était pas les violences elles‑mêmes ! « Il faut arrêter de parler de violences policières, je ne connais pas de policier qui attaque des manifestants », ajoutera dans la foulée Christophe Castaner, alors ministre de l’Intérieur. Il ne connaît pas de policiers, malgré des Gilets jaunes jetés à terre, ou matraqués au sol, ou roués de coups. Et des mutilés à jamais : 27 éborgnés, 5 mains arrachées, 321 crânes ouverts, avec des tirs, souvent, sur de simples manifestants, voire sur des passants, parfois à bout portant. Là encore, avec quelles sanctions sérieuses à la clé, sur ces faits ? Aucune, ou si peu.
Mais le quinquennat aura été marqué par d’autres drames, qu’on ne peut oublier. C’est une nuit d’horreur, à Nantes, une fête de la musique qui vire au cauchemar, avec des fêtards poursuivis, avec quatorze personnes poussées dans la Loire, avec Steve Caniço qui disparaît, retrouvé un mois plus tard noyé. Avec quelles sanctions ? Un commissaire déplacé… à Bordeaux, là où il avait demandé sa mutation, et « chargé d’évaluer ses collègues en matière de maintien de l’ordre » ! C’est le décès de Cédric Chouviat, mort suite à un « plaquage ventral », avec « fracture du larynx » et « arrêt cardiaque consécutif à une privation d’oxygène ». Comme George Floyd, lui a répété sept fois « je ne peux pas respirer », se heurtant avant d’étouffer à la surdité des policiers. C’est, le 21 novembre 2020, Michel Zecler, producteur de musique roué de coups par quatre policiers dans son studio, handicapé depuis. Les responsables de ces brutalités, les véritables responsables, sont à l’Intérieur, à Matignon, à l’Élysée. Ce sont eux, les politiques, qui ont permis cette violence, qui l’autorisent. Ce sont eux qui, ne parvenant plus à « diriger », à entraîner, à enthousiasmer, ont choisi de « dominer », avec la « pure force de coercition ». Ce sont eux qui, sans surprise, conduisent à une rupture, à une cassure, entre la police et la population, avec un taux de confiance qui, jamais, jamais, n’était tombé aussi bas.
Car si les Gilets jaunes avaient été un premier tournant, vint ensuite la pandémie.
Avec un chef de l’état qui apparaît, un soir, et déclare le confinement, les papiers à remplir pour sortir, les parcs et les jardins fermés, l’interdiction de se balader en forêt. Dans un premier temps, comme beaucoup, nous l’avons accepté, au vu de l’urgence. Et en même temps, j’ai pour ma part ressenti l’extrême violence du Pouvoir, sa formidable puissance, soudain autorisé à vider l’espace public, à pénétrer dans notre vie privée, dans notre intimité. Quand ces manières sont revenues à l’automne, se sont prolongées en hiver, et encore au printemps, et durant plus d’un an, avec un Prince qui apparaît sur nos écrans à 20 h et gèle ou dégèle nos vies à sa guise, avec des re‑confinements, re‑déconfinements, re‑re‑confinements, avec des couvre‑feux à 20 h, 19 h, 21 h, et enfin, pour aller au bout de la logique, un pass sanitaire qui devient pass vaccinal, qui exclut de la vie sociale plusieurs millions de Français, de citoyens – mais « un irresponsable cesse d’être un citoyen », n’est‑ce pas ? – là, oui, je le crains : nos libertés sont malmenées, en danger. Le Pouvoir prend là de sales habitudes, qu’il ne perdra pas tout seul : il faut l’y contraindre…
Ce choix de gestion, par l’arbitraire du Chef, ne relève pas du hasard, de l’improvisation. Ils étaient prêts à ça, à l’invasion du distanciel et des QR‑codes, à la démocratie confinée.
C’est arrivé, pour eux, comme une occasion, peut‑être une bénédiction. « Cette crise nous offre l’opportunité d’une transformation plus radicale encore », dira même Cédric O, secrétaire d’état au numérique.
Le livre de Grégoire Chamayou, La Société ingouvernable, déjà évoqué dans ces colonnes, nous l’avait dit : nous vivons l’avènement du « libéralisme autoritaire ». Libéral avec les entreprises, autoritaire avec les citoyens. Pourquoi ce resserrement ? Parce que, d’abord, les dominants se préparent à affronter des crises, écologiques, d’une ampleur immense, le Covid n’étant qu’une amorce, et qu’ils ne sont pas prêts à lâcher le manche, à partager l’accès, demain, à l’énergie, à l’eau, à l’air. Parce que, surtout, massivement, profondément, les Français désirent autre chose. « Concurrence », « croissance », « mondialisation », ces mots de nos élites sont usés, presque morts, ils ne font plus envie. Chaque sondage en témoigne, que nos concitoyens préfèreraient « ralentir » (58 %) plutôt qu’« accélérer », avoir un « cocon pour leur famille » (63 %) plutôt qu’une « maison connectée » (15 %), affronter le péril environnemental en « changeant notre mode de vie » (55 %) plutôt qu’en misant sur la « technologie » (21 %)… Pourtant, vers quoi nous conduisent nos dirigeants ? Vers l’inverse : il faut accélérer, même droit dans le mur, avec de la « technologie » partout… C’est une tension immense qui apparaît, dès lors, entre les désirs, étouffés, muets, des gens et la volonté d’acier d’une oligarchie, déterminée, organisée. D’où le recours, désormais évident, patent, à la « force de coercition », pour nous pousser sur un chemin qui nous lasse, que nous refusons, auquel, au mieux, au pire, nous nous résignons.
Voilà le climat du moment.
Emmanuel Macron est l’héritier d’une tradition politique, ce libéralisme autoritaire qui a grandi dans les états‑Unis des années 70, avec Milton Friedman, Friedrich Hayek, qui est passé par l’Angleterre de Thatcher (« Le libre choix doit s’exercer sur le marché plutôt que dans les urnes »). Macron est l’héritier de cette tradition, oui, lorsqu’il s’en prend à « Jojo avec un gilet jaune » qui, durant un hiver sur les ronds‑points, « a le même statut qu’un ministre ou un député ! » Lorsqu’il déplore « l’écrasement des hiérarchies », une « société qui s’horizontalise », une « crise de l’autorité » ‑ il recycle Huntington sans le savoir. Lorsque, comme un réflexe, il applique à la crise sanitaire le « libéralisme autoritaire », mettant la démocratie de côté. Quand, fait du prince là encore, il est pris d’une « envie » d’emmerder les non‑vaccinés, et que, donc, « on va le faire jusqu’au bout ».
Lorsqu’il se montre fort avec les citoyens : confinement, couvre‑feu, amendes, interdits, « nous sommes en guerre », pass vaccinal, mais si faible avec l’économie : « libre » elle, libre de ses dividendes, libre de ses bénéfices, faible pour Big Pharma, sur les vaccins, ni réquisition ni licence d’office. C’est la force d’une idéologie : à force d’être répétée, elle se respire avec l’air du temps. Elle s’applique comme Monsieur Jourdain fait de la prose, sans le savoir. Cette politique libérale‑autoritaire, notre Monsieur Jourdain de l’Élysée l’applique avec la certitude d’un Président qui a dompté les crises par la force.
À la cour du roi Macron
« Je crois en la République exemplaire », avait annoncé Emmanuel Macron pendant sa campagne. Entre le lobbying, les pantouflages, les affaires et un porte‑flingue au‑dessus des lois, les actes n’ont jamais été en accord avec les promesses.
L’Élysée : portes ouvertes pour les firmes.
Pendant cinq ans, les plus grandes multinationales auront eu leur rond de serviette à l’Élysée pour y défendre leurs intérêts. On a déjà évoqué l’Afep, qui dès l’été 2017 obtient la suppression de l’ISF (voir page 17). Mais il y a eu d’autres épisodes de lobbying...
Blackrock
BlackRock, c’est le plus grand gestionnaire d’actifs au monde (pour fonds de pension en particulier) : 6 800 milliards dans son portefeuille. En France, BlackRock est actionnaire de 18 des 40 entreprises du CAC40. Ils sont, aussi, les plus grands propriétaires mondiaux de réserves de charbon, de pétrole et de gaz. Dès juin 2017, révèlent le Canard et la Tribune, Emmanuel Macron reçoit à l’Élysée Larry Fink, son PDG. Le Président et pas moins de cinq ministres lui exposent « les réformes en cours » : suppression de l’ISF, marché du travail, etc. Dès lors, Emmanuel Macron se fait conseiller par BlackRock. Le patron de la filiale France, Jean‑François Cirelli, est nommé au comité CAP22 d’Edouard Philippe, pour « guider l’action publique ». Le fonds lui remet d’ailleurs une note, « Un bon plan retraite », feuille de route pour la réforme des retraites. BlackRock gère aussi des systèmes de retraite par capitalisation… Le Premier ministre remettra finalement à Jean‑François Cirelli la Légion d’honneur en 2020.
Dolder
Le lundi 9 juillet 2018, sans que cette rencontre ne figure dans l’agenda officiel de l’élysée, on apprenait que le président de la République recevait le jour même les membres du Dolder. Un club fermé, secret, réunissant les vingt‑cinq patrons des plus importantes entreprises pharmaceutiques mondiales, emmené à l’Élysée par Olivier Brandicourt, le directeur général de Sanofi. Une présence étonnante, au vu des scandales révélés sur Sanofi dans les jours précédents. Le lendemain, aucun compte rendu de ces discussions n’apparaissait sur le site officiel de la présidence de la République. On y lisait, en revanche, une série de mesures en faveur de l’industrie pharmaceutique : délais raccourcis de mise sur le marché, diminution de ses contraintes de commercialisation, garantie d’un taux de croissance minimal de son chiffre d’affaires des médicaments remboursables. Des décisions largement saluées par le Leem, le lobby français des entreprises pharmaceutiques.
Gafam
Les Gafam, géants du numérique, auront eu droit, eux, au château de Versailles. Le 22 janvier 2018, Emmanuel Macron y répète en anglais devant les patrons de Google, Facebook et autres qu’il fera de la France une « start‑up Nation ». Suivront des rencontres à l’Élysée, avec Tim Cook, le PDG d’Apple (22 octobre 2018), Mark Zuckerberg le PDG de Facebook (10 mai 2019), Jack Dorsey le PDG de Twitter (7 juin 2019), Jeff Bezos PDG d’Amazon (28 février 2020). Puis les colloques Choose France (Versailles, 21 janvier 2019), de Tech for good (Élysée, 15 mai 2019), de VivaTech (16 mai 2019)… Autant de firmes qui auront eu tout loisir d’y plaider leurs intérêts. à contrario des « Amish » de la Convention citoyenne sur le climat (voir page 41).
Pantoufleurs
Mais pour les firmes, il est une porte d’entrée plus discrète, d’arrière‑cour, pour entrer à l’Élysée : le pantouflage.
Pantouflage ? « Pour un fonctionnaire, en particulier pour un ancien élève des grandes écoles, quitter le service de l’État pour celui d’une entreprise privée », nous dit le Larousse. « Les membres de notre élite ne sont pas recrutés pour leur capacité ou leur intelligence », nous expliquait Clément Fayol, auteur du livre Ces Français au service de l’étranger (Plon, 2020). « Non : ils sont choisis pour leur carnet d’adresses. Le raisonnement, c’est : à quoi bon se payer du lobbying si on peut se payer quelqu’un qui est proche du décideur ? » En la matière, depuis cinq ans, l’exemple vient d’en haut : inspecteur des Finances puis rapporteur de la commission Attali où il côtoie les patrons du CAC40, Emmanuel Macron rejoint ensuite Rothschild pour « s’enrichir » (et enrichir les plus grandes entreprises, comme Lagardère). Comme secrétaire général de l’Élysée (sous Hollande), puis comme ministre des Finances, et enfin comme Président, son parcours tout entier se lit à l’aune de ces principes : pantouflages, rétro‑pantouflages et conflits d’intérêts (voir page 13). Sous son mandat, le principe a été élevé en art de vivre à l’Élysée et dans les ministères.
Une litanie d’affaires (et encore, on n’a pas tout mis.)
Juin 2017 : Pénicaud – Havas – Macron.
L’office anti‑corruption perquisitionne les locaux de Havas, propriété du groupe Bolloré, et de Business France. Muriel Pénicaud, directrice de Business France en 2016, avait confié sans appel d’offres à Havas l’organisation d’une soirée à Las Vegas à la gloire d’Emmanuel Macron, alors ministre et futur candidat. Un contrat de 380 000 €, dont 100 000 de frais d’hôtel. Muriel Pénicaud deviendra ensuite ministre du Travail de Macron. Une enquête est ouverte par le parquet de Paris pour favoritisme, complicité et recel de favoritisme.
Juin 2017 : l’affaire Ferrand.
Le ministre de la Cohésion des territoires, Richard Ferrand, démissionne à peine nommé : on apprend qu’il aurait attribué, en 2011, un marché public à l’entreprise de sa compagne en plus de soupçons d’emploi fictif à l’Assemblée pour son fils. En 2019, celui qui est devenu entre‑temps président de l’Assemblée nationale est mis en examen par le parquet de Lille. Il refuse de démissionner. L’affaire est déclarée prescrite par la justice, mais l’association Anticor s’est pourvue en Cassation.
Février 2018 : l’affaire Darmanin.
Pour la deuxième fois, une femme porte plainte contre Gérald Darmanin, entre autres pour extorsion de consentement sexuel, escroquerie au consentement sexuel, viol. Le ministre est accusé d’avoir demandé des faveurs sexuelles pour instruire une demande de logement social. Au terme de l’enquête préliminaire, il ne sera pas mis en examen.
Juillet 2018 : l’affaire Benalla.
Le public découvre l’existence d’Alexandre Benalla, filmé frappant des manifestants. Des révélations tombent sur les privilèges du garde du corps du Président : salaire, voiture de fonction, impunité… Emmanuel Macron le couvre : « Le responsable, c’est moi. Qu’ils viennent me chercher ! » Ce que les policiers cherchent, eux, en fouillant l’appartement de Benalla, c’est son coffre‑fort, disparu entre deux perquisitions. Personne ne sait, à ce jour, encore, ce qu’il contenait. Au cours de l’été suivant, on apprend qu’Alexandre Benalla a utilisé ses passeports diplomatiques, qu’il était censé rendre à l’Élysée, à 23 reprises sur les deux derniers mois. Malgré ce cas d’école de barbouzerie au service personnel du Président, la commission d’enquête de l’Assemblée met un terme à ses travaux sans produire le moindre rapport. Le Parquet, lui, se refuse toujours à mettre Benalla en examen, ou d’étendre l’enquête à son coffre‑fort. à noter que le procureur de Paris, Rémy Heitz, a été nommé en novembre 2018 grâce à Macron…
Novembre 2019 : l’affaire Blanquer ‑ Avenir.
Libération et Médiapart révèlent que Jean‑Michel Blanquer a téléguidé la création du syndicat Avenir Lycéen. Ce dernier a été largement subventionné, et a dilapidé 65 000 € en frais de bouche et hôtels de luxe en 2019. Le parquet de Paris ouvre une enquête pour détournement de fonds.
Décembre 2019 : l’affaire Delevoye.
Treize : c’est le nombre de mandats que le haut‑commissaire à la réforme des retraites a « oublié » de déclarer à la HATVP, dont certains le plaçaient en situation de conflit d’intérêts direct. Il est condamné, en décembre 2021, à quatre mois de prison avec sursis et 15 000 euros d’amende.
Juin 2020 : l’affaire Kohler.
La justice reprend les investigations contre Alexis Kohler, secrétaire général de l’Élysée, bras droit du Président. Jusqu’en 2016, alors adjoint d’Emmanuel Macron au ministère de l’économie, il supervisait les dossiers de la société MSC, deuxième acteur mondial du fret. Une compagnie dirigée par son cousin, et qu’il allait d’ailleurs rejoindre en 2016.
Juillet 2021 : l’affaire Dupont‑Moretti.
Janvier 2021 : une enquête pour prise illégale d’intérêts est ouverte. Éric Dupont‑Moretti est accusé d’avoir usé de son autorité de ministre de la Justice pour régler ses comptes contre des magistrats. Il est mis en examen.
Macron et les vandales de la santé
Scandales de la Dépakine, des rejets cancérigènes, de la recherche détruite, du vaccin qu’ils ne trouvent pas, des dividendes aux actionnaires : heureusement, Sanofi avait un protecteur haut placé…
Le scandale de la Dépakine
30400 : c’est le nombre d’enfants, selon l’étude conjointe de l’ANSM et de l’Assurance maladie, victimes de troubles neuro‑développementaux dans l’affaire de la Dépakine. S’y ajoutent jusqu’à 4 100 enfants nés avec des malformations, handicapés, très lourdement. La Dépakine ? un médicament contre l’épilepsie, produit phare du laboratoire Sanofi, ancien fleuron public repris d’une main de fer par des financiers au début des années 2010. Très vite, dès les années 80, des malformations congénitales liées à l’utilisation de la Dépakine sont constatées, chez les enfants de femmes l’ayant utilisé enceintes. Dès 1986, au moins, le laboratoire sait que son médicament engendre des cas d’autisme. Mais la firme se tait, par cupidité. Des femmes vont donc donner, massivement, naissance à des enfants autistes. Ce premier scandale en cache un deuxième : Sanofi refuse de payer pour ses délits. Le labo refuse de verser un euro au fonds d’indemnisation mis en place par l’Etat. Et lorsque Sanofi est condamné à verser 3 millions d’euros par la Justice, dans le cas de la petite Camille, que décide la firme ? De faire appel, puis, condamné à nouveau, de se pourvoir en cassation.
Qu’a fait Emmanuel Macron ?
A‑t‑il, par le biais de ses ministres de la Santé, exigé que Sanofi paye l’Oniam, qui a commencé à indemnisé les victimes ? Non. Il laisse l’état, les contribuables, payer. Alors que la facture pourrait avoisiner les six milliards d’euros. A‑t‑il au moins condamné, officiellement, la firme pour ses agissements ? Non. Au contraire : il envoie, régulièrement, ses ministres la défendre. C’est, dès l’été 2017, le Premier ministre Edouard Philippe qui prévient : « Il ne faut pas dénigrer une entreprise française comme Sanofi, une entreprise qui fonctionne bien. » C’est Christophe Castaner, alors porte‑parole du gouvernement : « On ne doit pas critiquer des entreprises qui réussissent, comme Sanofi. » C’est la ministre de la Santé d’alors, Agnès Buzyn : « Faire payer Sanofi, ça n’est pas l’urgence. »
Pourquoi ? Parce qu’entre Emmanuel Macron et Sanofi, c’est une idylle qui remonte à loin. À 2007, précisément, quand Serge Weinberg, qu’il rencontre à la Commission Attali (voir page 13), fait entrer le jeune énarque Macron chez Rothschild. Serge Weinberg aujourd’hui PDG de Sanofi, et intime du Président. Qui fait même de Weinberg, en 2020, Grand commandeur de la Légion d’honneur. Ou de déshonneur ?
Le scandale des rejets cancérigènes
Dimanche 8 juillet 2018 : on apprenait qu’à Mourenx, dans les Pyrénées‑Atlantiques, Sanofi rejette dans l’atmosphère « 190 000 fois plus que le maximum autorisé de bromopropane et de valproate de sodium, deux substances cancérigènes et mutagènes ». La Préfecture conclura que les rejets durent depuis quarante ans. « Avec les vents dominants dans la région, leur vitesse, il y a dilution des gaz toxiques dans l’atmosphère », assure Sanofi, dans un plagiat de l’épisode Tchernobyl.
Qu’a fait Emmanuel Macron ?
Le lundi 9 juillet 2018, au lendemain de la révélation du scandale, Sanofi était reçu à l’Élysée, par Emmanuel Macron en personne. Pour demander des comptes à la firme ?
Non. Olivier Brandicourt, DG de Sanofi, est là comme président du Dolder, forum privé – et secret – des vingt-cinq plus gros laboratoires mondiaux. Et dès le lendemain, Brandicourt se réjouissait à la Une des Echos : « Les mesures du gouvernement sont encourageantes. » Avec, entre autres, une promesse de croissance minimale de 3 % sur les prix des médicaments, et une aide supplémentaire de l’état pour Big Pharma, à hauteur de 200 millions d’euros.
Le scandale d’une recherche détruite, et d’un vaccin introuvable
En à peine plus de dix ans, Sanofi a touché près de deux milliards d’argent public pour développer la recherche et l’emploi. Dans le même temps, il a licencié près de la moitié de ses chercheurs : quatre mille dans le monde, deux mille en France. Sanofi a également fermé, en dix ans, huit de ses onze laboratoires de recherche sur le sol français. Le groupe s’est ainsi désengagé de nombreux domaines de recherche : les antibiotiques, la cardiologie, la neurologie, la maladie d’Alzheimer, le diabète.
Et logiquement, évidemment, dirait-on, Sanofi n’a pas été capable, en deux ans, de trouver un vaccin ou un remède contre le Covid-19. Tout en prévenant, par la voix de son directeur aux états-Unis : « Si un vaccin est trouvé, les états-Unis seront servis les premiers ». Parce que meilleurs payeurs.
Qu’a fait Emmanuel Macron ?
Alors que Sanofi distribue, chaque année, 4 milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires, Emmanuel Macron a-t-il décidé de suspendre les aides publiques à l’entreprise, le Crédit impôt recherche (130 millions par an) ou le CICE (30 millions par an) ?
Non. En revanche, en pleine tempête médiatique après la déclaration de Paul Hudson, il se rend, le 16 juin 2020, sur un site Sanofi près de Lyon. Pose en compagnie de Weinberg et Hudson. Quoi de mieux qu’un président de la République pour absoudre la firme ? Il promettait, même, 200 millions d’euros d’aide supplémentaire pour la production pharmaceutique. Dans la foulée, Sanofi annonçait 1 700 suppressions de postes dans le groupe, dont 1 000 en France.
Que fait Emmanuel Macron, finalement, depuis cinq ans ?
La question mérite d’être posée : pour qui travaille Emmanuel Macron ?
Pour la République et les finances publiques ? Pour les victimes de la Dépakine et de Mourenx ? Pour nous défendre contre les prédateurs ?
Ou bien, en vérité, en sous-main, pour les prédateurs eux-mêmes ?
Pour Sanofi et son PDG ?