n° 113  

L'exploité du mois : Mathieu, l'exploité déjà star

Par Cyril Pocréaux |

« Franchement, on avait parfois l’impression d’être des rock stars ! Les gens venaient vers nous, prenait des journaux par grappes pour des copains, entamaient la discussion… C’est valorisant ! »


C’est l’un de nos secrets, à Fakir : que nos bénévoles se sentent adulés par nos lecteurs, pour oublier qu’ils sont exploités. Et Mathieu, notre nouveau préfet parisien, y a mis du sien, avec toute l’équipe de bénévoles de Fakir Île-de-France qu’il anime : pendant quatre semaines, ils ont distribué, tracté, envoyé, discuté, convaincu, aussi. Ont diffusé à eux seuls une bonne partie des 500 000 Tchios Fakir dont on a inondé la France.

En cette période folle, on l’a vite compris : avec Mathieu, Fakir tient une perle, une vraie. Voilà un an, « Tristan et Clément m’avaient enrôlé dans les boucles Fakir », il rembobine. « Et j’ai vite vu qu’il y avait plein de projets marrants à imaginer, au-delà de juste distribuer des journaux. » Ça tombe bien : Mathieu a du temps. Sa boîte de vente de fleurs en circuit court a « explosé en plein vol », il a 28 piges, un diplôme d’ingénieur en poche et envie de se remuer. Alors, quand la dissolution est prononcée, malgré « un gros stress et du mal à dormir », il se fend d’un premier tract qu’il distribue, pour ouvrir le débat. Arrive le Tchio Fakir, dont il va, avec ses ouailles, s’emparer comme d’une arme, dans un sprint quotidien. « On se permettait des choses qu’on ne fait pas habituellement, comme en distribuer dans le RER. Les gens lisaient, regardaient les dessins, en discutaient entre eux… Ça ouvrait des discussions. On a joué un rôle de catalyseur, créé du commun. »

À Amiens, il ramène les troupes parisiennes pour aider Magalie et les bénévoles picards à remplir des cartons, coller des étiquettes. Derrière sa moustache, ses boucles et son air de grand ado cool, Mathieu s’avère vite une machine de guerre militante. Il tient ça, peut-être, de son passé de cycliste compétiteur – « mais j’avais parfois trop envie de faire la fête pour aller où j’aurais aimé arriver : c’est ascétique, comme sport. »
à Fakir, en revanche, il tient la barre, autant que la ligne, et profite même de la campagne pour recruter de nouveaux exploités ! « Les gens étaient contents de pouvoir avec Fakir faire de la politique sans être dans un parti. D’autres avaient envie de parler, nous racontaient leurs problèmes… Une fois une dame a fait demi-tour pour me donner des cerises, pour nous remercier. » Bon, c’est pas le cas à tous les coups : « Un jour de porte-à-porte, une dame m’ouvre, et son mari derrière lui gueule "Laisse-moi passer, je vais me le faire !". Je me suis barré avant qu’il ne sorte son fusil ! »

À la rentrée, Mathieu compte reprendre des études en philo. Et fourmille d’idées et de projets pour la suite. « Les digues de l’engagement ont sauté, et j’espère qu’on va pouvoir continuer, parce qu’il le faut. Et puis, avoir parlé avec tant de gens, les discussions, les échanges… C’est devenu une drogue. » Accroc à l’exploitation : le bénévole idéal !