Le choc

« No Taxaran ! » C’est spontanément que, le 7 juillet à 20h00, des dizaines d’entrepreneurs sont descendus dans les rues de Neuilly pour crier leur colère et leur peur. « Je ne peux pas y croire » témoigne Jean-Eudes, qui porte une pancarte improvisée Touche pas à mon actionnaire. « C’est le retour des années 30. Les gens n’ont pas de mémoire. Les congés payés, les charniers de banquiers, ils ont tout oublié… »
La campagne des Législatives avait déjà été marquée par la libération de la parole anticapitaliste et son cortège de violence. « Rentre à la niche fiscale, racaille capitaliste ! » Les insultes reçues par Bernard Arnault avaient fait le tour des réseaux sociaux, symboles d’un antilibéralisme décomplexé. « Tu vas payer des impôts ! » Les lettres de menace fiscale envoyées à de nombreux journalistes, de David Pujadas à Ruth Elkrief en passant par Christophe Barbier ou Léa Salamé, n’auguraient rien de bon. « L’extrême-gauche révèle son vrai visage, celui d’ennemie de la démocratie financière. »

« SMIC à 1600 €, retraite à 60 ans, ISF… aucune outrance ne nous aura été épargnée. Je veux dire à tous les Français qui ont peur que nous serons là pour les défendre. » Sous pression de la société civile anonyme unie de Drahi à Bolloré, Emmanuel Macron a donc appelé à la formation d’un front capitaliste. Pour que la France retrouve son prestige aux yeux du monde. « Qu’elle redevienne la France du CICE et de la loi Travail. Ensemble construisons l’avenir de nos profits ! »

Le Nouveau Front Capitaliste

« Je ne connais qu’un seul extrêmisme, et il est à LFI. C’est bien Mélenchon qui, entre deux pogroms, parle d’augmenter les salaires. » Emmanuel Macron justifie sa volonté d’élargir l’arc capitaliste du PS jusqu’au RN. « Jusqu’à preuve du contraire, on n’a jamais vu un membre de la droite radicale s’attaquer aux profits des multinationales. » Il y a en effet des lignes rouges, et Marine Le Pen les connaît. « Nous ne toucherons jamais aux acquis patronaux. Car s’il n’y a plus de pauvres, il n’y a plus de riches non plus. » De Glucksmann à Bardella, les capitalistes de ce pays entendent défendre la liberté d’entreprendre dans une vaste coalition. « Les temps sont graves. Plutôt Ciotti que LFI ! »

Le programme de gouvernement a dès lors été facile à mettre en œuvre : allègements de charges pour les riches, suppression des minima sociaux, écologie pas punitive pour les multinationales. Mais il reste des points de dissension, et notamment l’immigration, comme le reconnaît Gabriel Attal. « Bien sûr qu’il y a des blocages et c’est bien naturel. Au RN, ils veulent expulser les immigrés, alors que nous, à l’aile gauche du Nouveau Front Capitaliste, on est plutôt pour les exploiter. Mais ça reste un détail. »

Reste l’épineuse question du Premier ministre. « On s’était préparé à avoir Jordan, mais la nouvelle donne nous oblige à trouver un profil plus consensuel » confie Thierry Solère, le conseiller culinaire d’Emmanuel Macron. « Il nous faut quelqu’un qui soit à la fois socialiste, macroniste et de droite identitaire. » Manuel Valls est donné favori par la presse, juste devant Raphaël Enthoven.

Plus jamais ça

« Comment en est-on arrivé là ? Quel désespoir pousse des millions d’électeurs à voter pour le goulag, les khmers rouges et l’Urssaf ? » Alors que la France est au bord du gouffre, les responsables du bloc capitaliste font leur examen de conscience. « On n’a pas su expliquer nos réformes, et à force de propagande gauchiste ils ont oublié que ce qu’ils appellent inégalités, c’est en en réalité le mérite. »

« Il ne faut pas diaboliser les électeurs du Nouveau Front populaire. Il est faux de dire qu’ils sont tous antisémites ou écoterroristes. » Emmanuel Macron a ouvert la voie à la réintégration des brebis égarées dans le champ républicain. « Il n’y a pas de fatalité à la haine des riches. Il faut juste bien expliquer que les patrons vous nourrissent alors que les arabes vous piquent votre boulot et vos bagnoles ! » Au Nouveau Front Capitaliste, on a décidé de muscler son discours à destination des classes populaires. Et défendre bec et ongles la France du profit. « Normalement, ça devrait finir par ruisseler. »

« Les médias ont aussi leur responsabilité dans ce désastre. » Emmanuel Macron entend donc poursuivre la réforme de l’audiovisuel public. « On va continuer à nettoyer les écuries d’Augias. Avec le pognon de dingue qu’on dépense, le public a droit à autre chose que "C ce soir" ou "Cash Investigation" ! »