n° 103  

Nos lecteurs sont les meilleurs ! (n°103)

Par L'équipe de Fakir |

Le courrier des lectrices et des lecteurs reçu et traité par notre bénévole Nicole.
Nous écrire : courrier@fakirpresse.info


La chorale du supermarché

De Marcel, de Saint-Maixent-l’École (79), le 8 mai.

À 75 piges, j’ai vécu un moment extraordinaire à la caisse de la supérette. Dans ma petite cité de 6000 âmes le commerce est assuré comme partout par les trois plus gros groupes de la grande distribution, [qui ont] réinventé l’humain à la sauce gros profits. C’est dans ce temple du capitalisme miniature que je patientais là, à la caisse, avant-hier, derrière une petite file hétéroclite : une mamie assez âgée, un jeune homme, sans doute africain, avec sa binouze, moi-même suivi par une quinquagénaire aimable, une autre jeune dame et son enfant, un monsieur évasif devant la gondole... Bref la file type.

La caissière, on se connaît, elle est Arménienne, elle connaît nos ex-voisins d’en face eux aussi arméniens[…]. « Ha, vous avez acheté un bon gâteau » dit la caissière [à la mamie en tête de file], « oui, car c’est aujourd’hui mon anniversaire, j’ai 88 ans et je suis toute seule, mais je m’offre quand même un gâteau » ! Le grand Black devant moi lève ses deux grands bras, et commence à taper dans ses mains en l’air façon concert, puis entame le chant magique « Bon anniversaire, bon anniversaire »… Depuis la file les voix s’élèvent, timidement bien sûr on n’a plus l’habitude, mais les organes prennent de l’assurance, du volume, les timidités s’envolent « Bon anniversaire Madame et bravo pour votre âge... ». L’instant devient joyeux, le rythme s’accentue, les sourires se calquent sur les visages, les rires fusionnent. L’émotion est tellement forte et inhabituelle dans ce lieu si frigo d’ordinaire… Un ange est passé ou quoi  ?

Je regarde cette assemblée éphémère, ce réveil bienveillant, cette énergie spontanée, presque révolutionnaire et de revendication sociale qui semble clamer  : « Vous nous avez volé nos lieux, mais pas nos sensibilités. » Cette dame émue et tellement émouvante nous a renvoyé gentiment mais en pleine face qu’il n’est pas bon de rester seule sur le bord de la route. Qu’un gâteau sans ami-es rend gâteux, et que les ami-es peuvent être partout et de partout. N’en déplaise à certains. Quelle belle journée !

L’amnésie intérimaire

De Frédéric, par courriel, le 1er avril.
Darwin, j’ai bien aimé votre article sur la mémoire trafiquée (cf. Fakir 102, p. 48). C’est vrai que l’amnésie est une caractéristique de notre époque. On la retrouve un peu partout dans les relations sociales et pas que dans les divertissements télévisuels que vous citez en exemple. Autre aspect plus trivial de l’amnésie, mais tout aussi efficace, c’est celui du recours à l’intérim. Je bosse dans une boîte de 1000 salariés environ et l’emploi des intérimaires s’amplifie.

Outre la précarisation de fait de ces travailleurs, leur présence dans l’entreprise améliore le management. Ce sont des gens « neufs » qui ne connaissent pas le passé des gens qui les encadrent, leurs caractères carriéristes, qui ne connaissent pas non plus « l’historique » de la création d’une ligne, du mode de production, […] et qui ne connaissent pas davantage le déroulement d’anciennes luttes et victoires syndicales. […] Toutes les PME / PMI emploient sans vergogne les salariés sans histoire/s, dans les deux sens du terme.
Je crois qu’avec cette incitation à l’amnésie, cette « fabrication » du manque de mémoire, vous avez mis le doigt sur un (dys)fonctionnement symptomatique de nos sociétés. Vous avez raison  : cette question de l’amnésie est hautement stratégique et politique.

Même les banquiers d’affaires !

De Vincent, d’épinal (88), le 29 décembre.
Échange de regards interrogateurs avec mon frère, lorsque mon père, banquier chargé d’affaires, voyant son fils aîné syndicaliste (moi) comme un révolutionnaire irresponsable et injuste avec Macron, se saisit du dernier numéro de Fakir que j’avais déposé sur une table... Verdict  ? « Intéressant. Ça s’achète partout  ? » Subitement, je me suis senti doté de plus de bon sens, à mesure que s’allégeait mon étiquette d’utopiste. Notre pertinence d’ultra-gauchistes désignés finira-t-elle par prendre le pas sur les représentations dont nous sommes affublés  ? C’est pas comme si j’hésitais à me réabonner, mais j’ai au moins le prétexte de vouloir laisser traîner un autre numéro l’an prochain.

La Palme du fayot

Nos nouveaux VRP
Décidément, vous faites chaque fois preuve de plus d’inventivité pour décrocher notre Palme. Il y a les poètes, d’abord, comme Jean-Charles, de Viry, ou Sarah, de Bourdeilles (24), qui nous offrent quelques strophes - avant de s’abonner, quand même. Il y a aussi Léandre, d’Avèze (30) qui n’a « pas trop de sous en ce moment » mais qui se fend d’un « abonnement soutien ». Odile, de Marseille, tente également de nous prendre par les sentiments, avec « un abonnement et une commande, cadeau d’anniversaire pour [sa] fille, née le 13 avril 1999 à Amiens le jour où l’équipe amiénoise de hockey sur glace, les Gothiques, a remporté le championnat de France ».

Très bien, les souvenirs glorieux, mais ça ne fait pas bouillir la casserole.
Martin, du Gard, a lui su trouver les bons arguments : flatteur, d’abord, à nous « féliciter pour le travail effectué », parce que « le livre noir du Macronisme est exceptionnel, bien documenté et poignant, chapeau ! ». Sans oublier son obole : « j’ai tellement aimé que j’ai envie d’en faire profiter mes proches », avec à la clé un chèque pour offrir le journal à une quinzaine de foyers en France ! Isabelle, de Masevaux-Niederbruck (68), opte pour la même tactique : « Depuis que j’ai découvert votre journal, depuis le n°100, mon enthousiasme reste intact. Aussi, ai-je décidé de souscrire plusieurs abonnements, pour moi et quelques proches. » La voilà, notre nouvelle stratégie commerciale : que vous deveniez nos VRP particuliers, et qu’en plus vous payiez pour ça ! Martin, Isabelle, pour avoir ouvert de nouveaux horizons à Fakir, vous avez bien mérité notre prix de la Lèche !
Et maintenant, que tout le monde retourne au boulot !