Sport : Bayrou abandonne lui aussi !

Par Pierre Joigneaux |

Première publication avant mise à jour le 23 décembre 2024

C’était peut-être le dernier terrain où il pouvait encore pavaner. Mais depuis les Jeux de Paris, Emmanuel Macron est tombé en totale disgrâce aussi dans le monde du sport. Parce qu’après le succès populaire des JOP, et malgré les espoirs de nouveaux moyens qu’ils avaient suscité parmi des milliers d’associations de terrain, Macron et ses premiers ministres successifs, Bayrou en dernier lieu, ont décidé de largement leur couper les vivres.


Déjà amputé de 268 millions d’euros dans le PLF 2025 sous Barnier, le budget du ministère des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative risque de se faire saigner de 123 millions supplémentaires par le gouvernement Bayrou… Après l’échec du Pass’ Sport, l’échec des trente minutes d’activité quotidiennes en primaire, l’échec du recrutement des éducateurs, les clubs et les associations de terrain ont déjà vécu un automne au bord de la rupture. Et l’abandon, annoncé mi-novembre par l’exécutif, des deux heures de sport supplémentaires au collège ne va pas arranger pas les choses.

Bayrou y va à la hache.

Devant le flot de critiques, Emmanuel Macron avait eu un peu moins envie, sans doute, de serrer dans ses bras Léon Marchand, à l’en étouffer, comme il faisait devant les caméras. Le 14 novembre dernier, le nageur, à l’instar du pongiste Simon Gauzy, deux des stars françaises de Paris 2024, faisaient passer un message en guise de réponse au gouvernement : l’abandon des deux heures de sport supplémentaires au collège, ça relève de la farce. Une décision prise par des clowns, émoticône à l’appui. Mais avec un peu de recul, la trahison de cette promesse d’Emmanuel Macron s’inscrit dans un contexte bien plus large d’abandon du sport dans le pays.
D’ailleurs, comme si une coupe de 268 millions d’euros dans le budget du ministère ne suffisait pas, le gouvernement Bayrou, dans son projet de loi finances 2025, a proposé ce 16 janvier d’en retrancher encore 123 millions, dont 34,3 millions spéciquement sur le sport. Une proposition immédiatement retoquée par le Sénat suite aux alertes lancées par les fédérations, le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), mais aussi Teddy Riner et Marie-José Pérec, les deux icônes du sport français qui avaient allumé la flamme olympique à Paris. « [À] peine les Jeux terminés, le budget pour le sport chute de 33 % ! », résume le judoka. D’autres sont moins surpris : pour les acteurs de terrain, dans les clubs, les assos, ce n’est pourtant qu’une trahison de plus dans la politique sportive de Macron.

Echec, échec, échec…

Partout, les voyants sont au rouge. Les trente minutes quotidiennes de sport en Primaire ? Un échec : un rapport sénatorial évoque seulement 42 % d’écoles concernées à la rentrée 2024. Le Pass’ Sport, cette aide de cinquante euros versée aux jeunes de 6 à 30 ans ? Seulement 1,5 million de bénéficiaires, sur les 5 millions escomptés. Un chiffre « faible » reconnaissait l’ancienne ministre des sports, Amélie Oudéa-Castéra. Le plan de soutien au recrutement de mille éducateurs sociaux et sportifs ? Non reconduit dans le nouveau budget.
Bref, le tableau n’est pas glorieux.
Pourtant, l’engouement suscité par les Jeux est bien réel, lui. La demande explose. En tennis de table, après les exploits des frères Lebrun cet été, les clubs font face à une hausse de 20 % des licenciés. En triathlon, 32 %. Du coup, comme les moyens ne suivent pas, des centaines de milliers de personnes se voient refuser l’accès aux clubs sportifs dans le pays depuis la rentrée. Plusieurs fédérations alertent : au basket, 110 000 joueurs et joueuses ont dû être refusés à la rentrée. Au hand, 100 000 refus. Un gâchis, immense. Mais les clubs, les associations, structures de base de la pratique sportive quotidienne, mais aussi de l’insertion sociale, et dans certains coins derniers sas qui permettent à la situation de ne pas exploser, rament pour obtenir les financements nécessaires – quand ils les obtiennent, par miracle.

Insertion, égalité, lien social, santé…

Et pourtant, plusieurs rapports démontrent l’importance, primordiale, pour le pays de la pratique d’une activité physique. D’un point de vue sanitaire, d’abord. Notamment chez les plus jeunes : avec plus de quatre heures et demi d’écran et moins de vingt minutes d’activité physique par jour, un jeune de 11-17 ans sur deux présente un risque sanitaire très élevé. Alors que trente petites minutes d’activité physique modérée par jour, comme marcher d’un bon pas, réduirait le risque d’accident cardio-vasculaire de 30 % en moyenne. Même pas obligé d’avoir pour ça les capacités d’Antoine Dupont.

Un rapport du Conseil économique, social et environnementale (CESE) dénonce lui les inégalités d’accès à la pratique. Notamment dans les Quartiers prioritaires de la Ville (QPV), les territoires ruraux et les Outre-mer. Voyez les chiffres : les 1500 quartiers prioritaires de la politique de la ville ne disposent que de 2,2 % des équipements sportifs pour… 8,2 % de la population. C’est guère mieux à la campagne : 36 % des communes rurales ne disposent d’aucun équipement sportif. Zéro. Pourtant, ce même rapport souligne l’importance de la pratique du sport pour notre société : « retisser des liens sociaux, se découvrir, lutter contre les inégalités, s’engager, se faire plaisir, se construire et inciter à se maintenir en bonne santé tout au long de sa vie. »
Bref, le sport est un investissement à court, moyen et long terme, pour l’état sanitaire du pays, pour le lien social, pour plus d’égalité et d’insertion.
Alors, pourquoi le saborder ?
Le seul argument invoqué pour tenter de justifier l’abandon des promesses pour le sport, est toujours le même : l’austérité. La dette à rembourser. Vue minable, idéologique, incapable de comprendre que l’État réaliserait des économies énormes si les citoyens pratiquaient plus d’activités sportives, notamment dans les dépenses de santé - physiques comme mentales, d’ailleurs. Sans même parler du lien social qu’on y gagnerait.
On en connaît un paquet, parmi nos dirigeants, à qui ça ne ferait pas de mal de se bouger…