Emmanuel Macron, comme candidat, éludait la question : quel serait le coût de ses cadeaux aux plus riches ? Alors, cinq ans après, on a sorti la calculatrice...
« Un pognon de dingue »

« On avait eu ‘‘Mon adversaire, c’est la finance’’. Vous, on sait bien que c’est plutôt ‘‘Mon amie c’est la finance’’…
— Si c’était mon amie, je ne l’aurais pas quittée !
— Vous lui rendrez davantage de services de la place que vous allez occuper… »
C’était sur France 2, le 6 avril 2017. En pleine campagne présidentielle, le rédac’ chef (pas encore député) sortait un chèque géant sur le plateau de l’Émission politique, face à Emmanuel Macron.
François Ruffin : à qui profite le candidat Macron ? J’avais fait un petit truc… J’ai des chèques… Ça, c’est les aides publiques touchées par Whirlpool, 63 millions d’euros. On les récupérera vraisemblablement pas. Ça, c’est le CICE, 22 milliards d’euros par an. Faut savoir que ça bénéficie pour 50 % aux très grosses entreprises, et que c’est très peu créateur d’emplois.
J’aimerais que vous remplissiez le troisième chèque. Que vous disiez combien, aujourd’hui, vous allez faire de cadeaux au CAC40 avec votre programme…
Emmanuel Macron : Le CICE je l’assume totalement. Je l’assume, parce que je pense qu’il faut baisser le coût du travail en France. C’est pas un cadeau, pour moi.
François Ruffin : Ça bénéficie à 50 % aux grosses entreprises ! On pourrait faire des aides ciblées aux TPE et PME… Quand on donne à Auchan ou à Carrefour, ça n’a économiquement aucun sens !
Emmanuel Macron : Mais je ne suis pas contre le CAC40…
François Ruffin : Ah ça on le savait ! Merci de l’information…
Emmanuel Macron : Mais vous voulez pas que je remplisse un chèque pour le CAC40, non ?
Comme il ne voulait pas s’engager, Emmanuel Macron, un an plus tard, on avait ressorti le chèque, et la calculette. Et on a refait la même chose, au bout du quinquennat.
On a additionné, soustrait, multiplié.
Et on a trouvé, au bout de cinq ans de présidence, le vrai chiffre des cadeaux au CAC40. Celui qu’il aurait dû inscrire sur le chèque, avant même l’élection, pour qu’on soit vraiment au courant…
Suppression et modification du CICE
Imaginé dès 2012 par un Emmanuel Macron alors conseiller de François Hollande à l’Élysée, le Crédit d’impôt compétitivité emploi, c’est environ 22 milliards offerts chaque année, en particulier aux plus grosses entreprises, comme Auchan. Sans embaucher en contrepartie, assurent deux rapports de France Stratégie, organisme rattaché à Matignon : 100 000 emplois au grand maximum, voire aucun. Une fois élu en 2017, Emmanuel Macron le transforme en baisse de cotisations. Double effet : le cumul des mesures a coûté 20 milliards à l’État en 2020, et la transformation coûtera 4,6 milliards de plus, dès 2019.
Coût du cadeau sur le quinquennat : 125,8 milliards
Baisse des impôts de production
Dans la même veine que le CICE, la baisse des impôts de production instaurée en 2021, à la faveur du Covid, profite pour un quart aux 250 entreprises… les plus riches. Soit 2,5 milliards par an pour des boîtes qui n’en ont pas vraiment besoin.
Coût du cadeau sur le quinquennat : 5 milliards
Suppression de l’impôt sur la fortune
L’impôt sur la fortune (ISF), c’est démodé, selon le Président. Pour que les 350 000 contribuables les plus riches puissent faire ruisseler leur argent, on ne taxe plus, dès octobre 2017, que la fortune immobilière (IFI). Et on ne touche plus aux actions, par exemple. Cette mesure, « ce n’est pas de l’injustice, c’est une politique d’investissement », se défend le Président. Sans savoir ce qui sera fait de l’argent…
Coût du cadeau sur quatre ans : 12 milliards
Instauration de la Flat Tax (ou Prélèvement forfaitaire unique)
« Je réduirai la fiscalité du capital pour la ramener à des niveaux plus proches de la moyenne européenne », avait promis le candidat Macron. C’est le prélèvement forfaitaire unique sur le capital, plus connu sous le nom de Flat Tax. Le principe : pour ne pas plonger dans l’insécurité les financiers qui boursicotent en France, on fixe un plafond à leur imposition. 30 % des revenus financiers, pas moins, mais surtout pas plus. Sauf que jusque là le capital était taxé, grosso modo, à hauteur de 60 %. Et qu’on met les prélèvements sociaux en bonus dans le paquet.
Coût du cadeau sur quatre ans : 5,2 milliards
Suppression de la 4e tranche de la taxe sur les salaires
« Parmi les investisseurs étrangers, il y a des salariés qui ont des niveaux de revenus élevés. Or, la taxation de ces revenus est très forte », déplorait Bruno Le Maire, le 5 juillet 2017. On supprime donc la taxe que devaient payer les entreprises sur les salaires les plus élevés.
Coût du cadeau sur quatre ans : 548 millions
Suppression « Brexit » de la taxe pour les banquiers et assureurs
Comment attirer les banquiers et assureurs anglais qui fuient la Grande‑Bretagne, traversent la Manche par bateaux entiers, réfugiés économiques terrorisés par le futur Brexit ? Emmanuel Macron a une idée géniale, neuve, iconoclaste : une ristourne fiscale, la suppression de la taxe sur les hauts salaires pour les banquiers et assureurs expatriés. Soit 250 millions de cadeau de bienvenue dès la première année, chiffre le Sénat, pour leur donner l’amour de la France.
Coût du cadeau sur quatre ans : 1,2 milliard
Baisse de l’impôt sur les sociétés
« En allégeant les charges et les impôts sur les entreprises, je rendrai l’investissement dans le capital des entreprises plus profitable », promettait Emmanuel Macron. Alors qu’il baisse continuellement (sans succès) depuis trente ans, le taux d’impôt sur les sociétés est encore rogné pour passer en 2018 de 33 à 28 % pour les bénéfices jusqu’à 500 000 euros, pour atteindre 25 % en 2022.
Coût du cadeau sur quatre ans : 11 milliards.
Suppression de l’Exit Tax
« C’est une grave erreur pour nos start‑up, parce que nombre d’entre elles, considérant la France moins attractive, ont décidé de lancer leurs projets en partant de zéro à l’étranger afin d’éviter cet impôt. » C’est Emmanuel Macron himself qui le disait, et pas n’importe où : dans Forbes, le magazine des milliardaires. Dans son viseur : l’Exit Tax. Instaurée en 2011 par Nicolas Sarkozy, elle vise les exilés fiscaux qui transfèrent leur domicile à l’étranger pour y vendre leurs sociétés ou leurs actions (pour 800 000 euros minimum). Quelque 800 millions d’euros de taxe sur les ventes pourraient ainsi échapper à l’administration fiscale, selon un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires.
Coût du cadeau sur quatre ans : 3,2 milliards.