Le sous-traitant tente un coup de balai chez les salariés du nettoyage ?
À coup d’union, de concerts, grillades et sérigraphies, Laser a fait tapis !
Vade retro, laser !

En ce mois de janvier 2022, c’est un vrai coup de balai, à l’Agence régionale de santé de Marseille. Mais pas dans le bon sens du terme… « Je travaille sur le site de l’ARS depuis onze ans, calcule Hamid, chef d’équipe de nettoyage. Tous les trois ans, y a un nouvel appel d’offres pour la société de nettoyage, et bien évidemment, le client prend la moins chère. »
Cette fois, c’est la société Laser qui remporte le morceau. Une boîte connue à Marseille pour son « management agressif ». C’est peu dire… « Au début, ça se passait bien, reprend Hamid. Mais assez vite, ils ont montré leur vrai visage : en une heure, on devait nettoyer deux étages, contre un seul avant. Ils disaient que c’était le client, l’ARS, qui voulait ça. Mais rien n’avait changé dans le cahier des charges ! On a reçu des menaces, des intimidations. Kader a été mis à pied avant licenciement. Et puis ils ont voulu nous muter. » Et se débarrasser, en particulier, des chefs d’équipe. Alors, « le seul moyen de se faire entendre, c’était le rapport de forces… »
Sauf que, dans le groupe de collègues, la lutte organisée n’a rien d’une habitude, pas même d’une hypothèse. Hamid : « Moi, je n’avais jamais été syndiqué. Mais notre dignité était en jeu. On ne pouvait pas se laisser piétiner. » Les collègues poussent alors la porte d’une antenne de la CNT-nettoyage. « On avait déjà mené plusieurs grèves victorieuses, égrène Julien Huard, du syndicat. Et des victoires, ça aide pour négocier ensuite. Avec toujours la même méthode : on prépare tout avec les salariés. S’ils ne sont pas partants à fond avec nous, c’est pas la peine. » Mais les dirigeants de Laser ne veulent rien entendre. « "Votre syndicat, il est pas reconnu, leurs mails, ils vont tous dans les spams…", ils nous disaient, se souvient Hamid. Mais on a tenu tête. »
Mieux, même : la grève débute le 26 mars. « Au début ça a été très difficile. Personne n’avait jamais fait de grève de sa vie. Et il a fallu convaincre nos collègues comoriennes, leur expliquer qu’elles allaient assumer la charge de travail des licenciés, qu’elles seraient les prochaines sur la liste… Ça n’a pas été facile. Un chef nous a provoqués : "Je vais ramener des mecs qui vont te baisser le froc !" »
Heureusement, une solidarité tous azimuts se met en branle. « On avait, quoi ? 5000 euros à trouver chaque mois, détaille Julien. Alors, quand ça dure, on devient organisateurs de spectacles ! On monte des concerts, des projections, des soirées grillades sur la place de la Plaine… On a fait sérigraphier des sacs de courses avec le logo de la lutte, et on les vendait dans les bars, les librairies… En trois mois, personne n’a perdu un centime sur son salaire. C’est ce mélange qui fait qu’on est gagnants à la fin : on ne lâche pas, et on ajoute de la solidarité. Comme dans l’ancien temps du mouvement ouvrier. »
Les grévistes et la CNT ont vite fait d’appeler tout le monde à la rescousse, aussi. « On est œcuméniques : les autres syndicats, les élus, les autonomes, sont venus nous soutenir. L’intersyndicale des personnels de l’ARS, aussi. Sur nos rassemblements, y avait des féministes, la LCR, la FI, Sud… Les patrons sont surpris de cette union, et ça paye. » D’autant que les médias, BFM, France 3, La Provence, La Marseillaise, pointent leur nez. Alors, les dirigeants de Laser se couchent. Les grévistes obtiennent tout : maintien des effectifs d’origine sur le site, retour des personnels mutés, réintégration de Kader, heures sup’ payées. Laser perd même le contrat, et l’ARS est sommée de mettre un terme à sa « cascade de sous-traitance », elle qui passait déjà par une régie pour sous-traiter !
« Grâce à ces chiens de Laser, on s’est réveillés ! » tonne Hamid. « Et moi, je vais m’engager encore plus dans le milieu syndical, désormais. Si je retiens une leçon de tout ça, c’est qu’il ne faut plus avoir peur : faut s’unir, et foncer. »
Pour, à la fin, gagner !