La révolte des pinceaux

par François Ruffin 11/03/2017 paru dans le Fakir n°(78 ) décembre 2016 - janvier 2017

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Quand l’État se retire, ce sont parfois les Cindy qui se retrouvent sur le sable…

« L’emploi, la formation des chômeurs, l’apprentissage pour nos jeunes doivent mobiliser plus que jamais toute notre énergie. » C’est du Manuel Valls dans le texte. La preuve par Cindy qui, par courriel, nous a adressé un « SOS aidez-moi ! »

« Peintre en bâtiment, c’est une formation que j’ai toujours voulu faire, depuis que je suis gamine. Quand j’étais au foyer à 15 ans, on m’a envoyée sur un chantier, pour rénover une chapelle. Ça m’avait vraiment plu. Ça me libérait la tête, je pensais plus à mes problèmes. Après j’ai changé de foyer, donc j’ai pas pu continuer la formation. Mais c’est quelque chose qui restait. »

Après avoir enchaîné galères et petits boulots, elle rentre à l’Afpa d’Olivet, près d’Orléans. Et très vite elle déchante : « On n’est pas formés. Les formateurs sont pas là, ou alors, quand ils viennent c’est pour nous gueuler dessus. Franchement, on est à la formation ‘‘pour adultes’’, pas à l’armée, ça sert à rien de faire ça. Même le matos, y en a pas. On a six décapeurs thermiques pour treize. En gros, ils ne remplacent pas le matériel entre chaque session, donc ce qui est cassé reste cassé. » C’est que, depuis 2009, l’Afpa tourne au rabais, moins subventionnée. Soumise à la concurrence, elle abandonnera, l’an prochain, le statut associatif pour devenir un « établissement public industriel et commercial ». À tel point que même Clotilde Valter, la secrétaire d’État chargée de la Formation professionnelle, s’en offusque : « Il y a des acteurs privés qui ne demandent qu’une chose, que ça ne marche pas. Ils considèrent que l’Afpa est un concurrent et les plus extrêmes pensent que l’Afpa devrait disparaître. La seule transformation de l’Afpa qu’ils accepteraient, c’est une structure de formation banalisée, soumise à la libre concurrence. La Fédération de la formation professionnelle (FFP) exerce un lobbying tous azimuts, à Bruxelles, au Conseil d’État, dans les assemblées parlementaires et parmi les régions de France, partout. »  

Mais pour Cindy, c’est la double peine. « Au départ, ils nous avaient dit, devant témoins hein, qu’on serait payés entre le 5 et le 10. Puis quand on est revenus les voir pour savoir pourquoi on n’avait rien touché, ils nous ont dit ‘‘non, non vous avez mal compris ce sera entre le 15 et le 20’’. Au final, pour l’instant, y en a qu’une dizaine qui ont été payés, sur quatre cents stagiaires ! Je pensais que c’était lié à ma promo, mais j’ai été voir les autres corps de métier, et y en a beaucoup, beaucoup, qui n’ont rien reçu. J’ai une copine, en restauration, ça fait trois mois qu’elle n’est pas payée. » La faute aux baisses de dotation de l’État aux collectivités. Qui se rattrapent sur les Cindy… Mais elle ne se laisse pas abattre. « J’ai trouvé le nom des élus au Conseil régional, les services concernés. J’ai lancé une pétition, j’essaye de récolter des témoignages. » On vous donne l’adresse : les révoltés de l’Afpa, sur Facebook et Mesopinions.com.

« Pour l’instant, je suis toute seule dans mon coin, mais je pense aux autres. J’ai envie qu’ils sachent comment ça se passe avant de s’y lancer. Tu sais, j’ai eu une enfance difficile, et j’en ai vraiment marre de tomber sur des connards à chaque fois que j’entreprends un truc. »

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Messages

  • L’Afpa est un organisme de formation low cost à bout de souffle miné par des difficultés financières et des dissensions au sein de son personnel.
    Ces dysfonctionnements rejaillissent sur les personnes qui suivent des formations en son sein. Les stagiaires doivent ainsi subir des méthodes d’apprentissage de type auto-formation, c’est à dire remise de documents à lire quand il s’agit de formation dans le tertiaire. Les stagiaires ont affaire à des formateurs vieillissant, démotivés et souvent absents mais bénéficiant de bons salaires et de nombreux avantages sociaux. A contrario les nouveaux sont embauchés en CDD et gagnent un peu plus que le SMIC. L’Afpa n’a pas les moyens de faire venir à elle des personnes compétentes et passionnées.
    Les stagiaires de l’Afpa sont infantilisés en permanence et ne sont pas partie prenante de leur formation. Ils sont tenus à l’écart de toutes les prises de décisions qui les concernent. Le régimes carcéral qui y règne, les mauvaises formations, le rôle tout puissant du formateur ne font qu’alimenter les ressentiment de toute sorte. Les centres Afpa sont une réserve de voix pour le Front National. C’est un chaudron à misère et à bêtise.
    IL FAUT BOYCOTTER L’AFPA. PARCE QUE NOUS SOMMES PAUVRES ET EXCLUS ILS NOUS FAUT AVOIR ACCES A LA FORMATION PROFESSIONNELLE LA MEILLEURE.
    Plus d’information sur mon Facebook le stagiaire.

  • Ayant travaillé à l’AFPA pendant plus de 30 ans, je ne peux qu’approuver l’exactitude de ces témoignages.
    Mais il faut aussi ajouter que si aujourd’hui l’AFPA a bien cessé de canaliser son énergie sur la qualification des personnes qu’elle accueille en formation, alors que cela a été pendant plus de cinquante ans un impératif absolu pour elle, impératif qui faisait sa fierté et constituait son ADN, c’est parce que sa direction et son management ont sciemment imposé cet abandon à ses personnels depuis quinze ans, et continuent de le faire comme jamais, avec les conséquences qui vont avec (cf. http://cgtafpa.fr/declaration-cce-08032017-b/)

  • L’AFPA c’est n’importe quoi. Les centres sont à pétaouchnok, les formateurs et même l’administration ne pense qu’à eux et à "sauver leur peau" tant leur boite va mal. ils essais même de nous utiliser pour leur revendications internes alors qu’on est 1000 fois plus dans la merde qu’eux. Les locaux de l’AFPA sont vetustes et pas entretenus, l’informatique en panne un jour sur deux, les repas à la cantine sont chers et la caisse est souvent en panne donc il y a des queues interminables à midi et en plus les repas sont mauvais. Bref on est dans la galère et ils s’en foute de nous. Je regrette de m’etre inscriteà l’AFPA j’aurai mieux fait d’aller en CFA ou un truc du genre. Je sais pas combien ça coute tout ça mais l’etat ferait mieux de mettre l’argent ailleur.

  • Bonjour
    Comme souvent les amalgames sont redoutables car ils généralisent des situations bien différentes.
    Il est important de signaler que l’AFPA est un des rares (seul ?) organisme de formation où les formations sont gratuites pour les demandeurs d’emploi et rémunérées !!
    Qui, dans le secteur privé peut en faire autant ? Combien coûterait la formation aux demandeurs d’emploi dans le privé ? 400 - 500 euros par mois sans rémunération ? D’autre part, la rémunération en question n’est pas du fait de l’AFPA mais souvent du conseil régional, et les délais sont de leur fait !

    Ensuite, pour ce qui est du matériel, effectivement, il arrive que la matériel manque, soit obsolète ou en mauvais état... L’AFPA accepterait volontiers de renouveler ce matériel pour peu que l’Etat fournisse les budgets en conséquence. Or, depuis bientôt 10 ans, l’Etat s’est totalement désolidarisé de la formation et laisse l’AFPA s’enfoncer et se débattre seule.

    la critique est légitime mais la bonne volonté est bien présente à l’AFPA qui reste un organisme à vocation sociale de retour à l’emploi pour des personnes qui en ont besoin. Soumises à de fortes contraintes de financement, elle fait ce qu’elle peut pour s’en sortir, et si parfois, la qualité n’est pas totalement au rendez-vous, les raisons se situent peut-être ailleurs !