Sortie en salle : La Sociale, un chapitre du "Dictionnaire des conquêtes sociales"

par Sylvain Laporte 10/10/2016

On a besoin de vous

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« Le dictionnaire des conquêtes sociales » n’existe pas ? Grâce à vous, historiens en herbe, ou professionnels, ou étudiants, nous en avons des morceaux. Avec La Sociale, au cinéma le 9 novembre, c’est tout un chapitre que vient d’écrire Gilles Perret : celui de la Sécurité sociale. L’enjeu, c’est pas seulement notre culture générale. Mais si nous savons, avec lucidité, comment nous avons remporté les précédentes batailles, nous serons prêts pour d’autres victoires.

Ça y est !, La sociale, le nouveau film de Gilles Perret vient de sortir en salle ! Retrouvez toutes les dates et tous les débats en présence du réalisateur, ou de personnalités qui entourent le film et l’histoire de la Sécurité sociale :

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Je cherchais ça, jeudi soir, chez mon libraire favori, un « Dictionnaire des conquêtes sociales ». Mais Philippe n’a rien trouvé, ni dans ses rayonnages, ni dans sa base de données, rien dans le genre. A vrai dire, à « conquêtes sociales », y a même rien qui sortait sur son ordinateur.
J’ai commencé à lui décrire le bouquin que je voulais lire : « Des fois, dans les manuels, ou même dans les journaux militants, on a l’impression que l’Histoire avance droite comme un i : paf ! 1936, les congés payés… bam ! 1945, les retraites… ça tombe d’en haut, d’un coup, le Parlement vote une loi et c’est bon… alors que moi, mon impression, plus ça va, c’est que l’histoire, elle fait des détours, elle emprunte des chemins tortueux, elle avance sans qu’on ne s’en aperçoive… »

Par exemple, je lisais qu’en 1906, après un drame dans une mine, la CGT lance une grève pour la journée de huit heures… Donc, c’est pas né en 36, c’est déjà là… Le mouvement sera durement réprimé, mais les ouvriers gagnent quand même le repos hebdomadaire : pas ce qu’ils réclamaient, mais autre chose. Et même en 1936 : les 40 heures sont inscrits dans les textes, mais dans les faits, on va réclamer aux salariés un effort pour préparer la guerre, puis pour la faire, puis pour reconstruire la France. Quand les 40 heures seront-elles vraiment appliquées ? Peut-être pas avant les années 60…
"– C’est un bon bouquin à écrire, il m’a lancé.
– Ouais, bof, j’en ai déjà assez comme ça… Et t’imagines la masse de boulot ? »

Le lendemain, quand même, j’en ai touché un mot aux copains de Fakir, une idée de dossier : « Comment on gagne ». J’ai refait mon numéro : « Ces progrès sociaux, il faudrait leur rendre toute leur chair, tout ce qu’ils ont réclamé de petits efforts, de tracts, de réunions publiques, de manifestations pour qu’émerge l’idée qu’un pas en avant est possible… toutes les ambiguïtés, également, parce que c’est rarement le Parti Idéal qui forme un Gouvernement Idéal qui promulgue une Loi Idéale… les radicaux, par exemple, qui sont le Front Populaire, la CGT qui milite contre les retraites en 1910 et pourquoi… ne pas oublier les influences internationales, aussi, avec les exemples d’assurance en Allemagne, ou de welfare en Angleterre… »
Des fois, les lubies du boss, je vois bien qu’ils s’en méfient. Mais là, j’ai senti de l’enthousiasme. Aussitôt, ils ont décidé qu’on se ferait une bibliographie – et qu’on s’avalerait des ouvrages durant les vacances de Noël, qu’on recopierait des passages, qu’on mettrait tout ça en commun à la rentrée de janvier.

Cette nuit, j’ai encore réfléchi. C’est une besogne absolument gigantesque, encyclopédique. Howard Zinn, il a mis soixante ans, non, avant de se lancer dans son Histoire populaire des Etats-Unis ? Et ça lui a pris combien d’années ? Si on veut bien le faire, rien que sur un thème, rien que, par exemple, sur l’interdiction du travail des enfants, il faut se plonger dans la presse du XIXème siècle, épluché des thèses, relire Jaurès et Zola, etc. On ne va pas y arriver tout seuls. La seule voie, pour remplir ce programme de recherche, c’est vous. Vous potassez déjà des tas de biographies, on est sûrs, des trucs très spécialisés même, sur le syndicalisme, sur l’anarchisme, sur le socialisme, sur le paternalisme, etc. Il suffirait que vous recopiiez des extraits, des citations, bien sourcés, et ça donnerait un dossier, une rubrique régulière et, qui sait, à la fin, un dictionnaire…

L’enjeu, c’est pas seulement notre culture générale pour gagner à « Questions pour un champion ». Mais si nous savons, avec lucidité, comment nous avons remporté nos conquêtes sociales, nous serons prêts pour d’autres victoires. Et même : nous encaisserons mieux nos défaites, souvent porteuse d’avenir...

François Ruffin

Voir en ligne : La Sociale - Le site officiel

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  • Le travail de Gérard NOIRIEL pourrait aider - projet d’une histoire populaire française chez Agone. Livre à paraître en mars 2017.
    http://agone.org/memoiressociales/unehistoirepopulairedelafrance/
    À la CGT, il y aussi une Institut d’Histoire Sociale avec des branches départementales
    http://www.ihs.cgt.fr
    Le sens de l’initiative, définit dans la conclusion, est essentiel. L’engagement, la lutte, nécessite "patience et longueur de temps".

  • Une projection à Prague pour les expats par hasard ? :)

  • J’espère qu’il y aura plusieurs projection en Belgique, nous en avons bien besoin.

  • Le film La Sociale a été présenté en avant première en octobre à Gardanne. J’y étais (avec Etienne Chouard, tiens). Enthousiasmant.

  • Super idée, en lisant je me suis dit que, quand j’étais petite , mon père recevait un journal qui s’appelait "contact" et où, au jour le jour étaient racontées les luttes sociales et les acquis des agents EDF dans le contexte de la politique du moment, je crois que c’était la CGT qui l’éditait, il doit y avoir des archives quelque part...et puis, aux Editions Sociales le livre "et la lumière fut nationalisée" (1978)...
    C’est sûr qu’en s’y mettant tous on peut retrouver tout ce que l’on cherche à nous cacher maintenant.

  • Bon autant le dire d’entrée, le film est éclatant, brillant, émouvant, drôle aussi mais surtout incroyablement instructif. Il a cette force incroyable de déchirer le voile, bousculer le manque de passion , voire l’ennui qui nous prend quand il est question de la Sécu. Oui c’est magique. Tout à coup on découvre la génèse de cet"ilôt de socialisme" pensé et construit en un temps record, au sortir de la guerre de 45 par des hommes généreux et animés de la passion du bien commun, on mesure à quel point cette construction a toujours attisé la haine des puissants concupiscents qui ne supportent pas que cela puisse exister. On en découvre tout le sens politique profond. on mesure sa fragilité, on est indigné par l’oubli orchestré soigneusement autour du nom de l’homme qui en a porté toute sa création : M. Ambroise Croizat, communiste, responsable CGT de la métallurgie.

    Et quant à M.Rebsamen, un temps obscur ministre...du travail... paraît-il, il n’a pas vraiment l’air non plus de réagir à ce nom. Quelle pathétique ignorance, et quelle arrogance !

    Bref, FILM majeur,

    CONCLUSION :
    Vive "la sociale" et un immense bravo à Gilles Perret, son équipe et tous ceux qui ont fait ce film. C’est revigorant, ça fait du bien et ça donne envie de se battre ;