Le cliquetis du progrès

par Baptiste Lefevre 11/07/2016 paru dans le Fakir n°(74) 20 février 2016

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Signe des temps : à Gare du Nord, un panneau d’informations disparaît. Remplacé par des pubs : le progrès !

A Gare du nord, j’allais donner rendez-vous à Cyril « sous le panneau des départs », mais je le cherche du regard, ce grand panneau, et je ne le trouve plus. Il a disparu !
Il y a quelques mois, j’avais bien remarqué un avertissement du genre « Nous testons pour vous un nouveau mode d’affichage », mais de là à le supprimer... Je tourne la tête : il est maintenant remplacé par un gigantesque écran lumineux qui vante la nouvelle Audi (et qui bouffe nettement plus d’électricité).
La publicité, les intérêts privés, ont encore conquis un peu d’espace public, discrètement, sournoisement, dans l’indifférence. C’est une bataille politique qu’ils ont remportée, sans bataille. Et au-delà, j’éprouve comme une nostalgie pour ces lettres qui tournaient en faisant clic clic clic. On voyait ça dans les films policiers, quand le héros loupait son train à une minute près. On entendait ce cliquetis depuis l’enfance. On change d’époque, on nous en vole des signes, sans nous prévenir, sans notre avis.

Pour comprendre le comment du pourquoi, on appelle la com’ de la SNCF : « C’était une technologie dépassée, nous répond le gars, qui demandait beaucoup d’entretien. Maintenant toutes les gares vont passer au numérique.
- Pourquoi ?
- Pour les mêmes raisons, qu’on ne roule plus en 404, ou qu’on ne tape plus à la machine à écrire. C’est le progrès. Pour les réparer, il n’y avait qu’une petite PME italienne, c’était la seule entreprise capable d’assurer la maintenance et la fourniture des pièces détachées. »

Microsoft et Samsung l’ont détrônée sur les écrans LCD. Et sur l’écran géant (je retourne la tête) Orange vante désormais le « e-cleaning day », nous donne ses conseils pour sauver la planète : « En supprimant ces quelques e-mails inutiles de nos boîtes de réception, nous économisons l’énergie nécessaire à l’alimentation des serveurs. Moins d’e-mails stockés, moins d’énergie gaspillée. »
Quel culot !
On interroge encore notre communicant :
« C’est pas un peu paradoxal ce spot d’Orange qui nous conseille d’économiser de l’énergie, sur un écran géant ?
- Pas de commentaires sur les annonceurs... mais je comprends ce que vous voulez dire.
- Vous avez une idée de la consommation électrique que ça représente ?
- Moi non, pas du tout, je sais rien. Mais ça rapporte un peu d’argent à la gare, le tableau de pub... euh d’information, parce que c’est ça avant tout... Ça diffuse de l’information culturelle, sur les destinations. Personnellement je trouve ça bien. Ça remet de la couleur, y a de belles photos, ça montre son statut international. Allez voir à Lille, à Londres, à Bruxelles, allez voir partout, c’est comme ça. »

C’est à ces détails qu’on le mesure : la Cop 21 a tout changé.

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Messages

  • Absolument d’accord avec les arguments avancés ici, l’illogisme est de plus en plus présent !

  • Que la pub envahisse l’espace public et soit omniprésente à nos yeux, on peut être pour (ca peut informer sur la qualité de l’optique d’un smartphone qui prend de belles photos...) ou contre (la pub coûte cher aux marques, réduit leurs marges, augmente notre prix d’achat ; là pub est une nuisance visuelle...) mais je crois que pour les gares il y a un autre débat plus important : accepte-t-on que la pub soit visible, au détriment des infos voyageurs ? Car c’est parfois le cas. Le Hall 1 de la Gare de Lyon en est un malheureux exemple : pour trouver un plan de situation, un tableau des arrivées, ce n’est pas simple tellement ils sont petits, peu nombreux, et tellement notre cerveau est surchargé d’images par la pub. La Gare du Nord prend le même chemin. Et là je trouve que, quels que soient les impératifs économiques invoqués par SNCF, l’entreprise fait une erreur.
    Dans les gares occupons nous du client voyageur avant le client consommateur !

  • C’est marrant, avec mes dizaines de passages à la gare de l’Est et à la gare du Nord ces dernières années, j’ai vu beaucoup plus d’écrans plats plantés ou simplement HS que de modules à palettes coincés :)

    L’été c’est une hécatombe : il suffit d’avoir 35°C sur une journée et les écrans claquent en série. Résultats : pagaille au micro pour les annonces SNCF, pubs pas affichées donc annonceurs qui stressent, pièces à changer.

    Dur de passer à l’action quand on déprime...

  • Et le Starbucks à la place du garage à vélo devant la gare, c’est pas formidable ça ? !!