25 ans : le bel âge pour un grand virage.
Et maintenant, qu’allons-nous faire ?

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« Que faire ? »
« Quelles sont nos solutions ? »
« Et toi, petit bourgeois, tu sers à quoi ? »
« Sommes-nous prêts pour la bataille ? »
On rigolait, autrefois, avec François, avec les copains, de notre série de Unes, de nos Tchio Fakir aussi, qui étalaient nos doutes et nos interrogations – mais aussi, et surtout, en fait, notre volonté d’action. C’était au début des années 2010, je dirais. Je m’y suis replongé, en les repassant en revue, pour ce numéro.
Mais la nostalgie ne suffit pas : même si on l’avait déjà fait, théorisé à chaque sortie, mis en pratique en animant la bataille des idées, des réunions dans tout le pays, des actions avec les écopla, avec les Klur, avec madame Gueffar, avec la famille d’Hector, ou avec les victimes de Sanofi, tous ces gens qu’on a accompagnés et qui nous ont fait grandir, même si on l’a déjà fait, donc, il s’agit maintenant d’y répondre, à ces questions, à nouveau, alors qu’une nouvelle ère s’ouvre pour notre canard.
« Et toi, petit bourgeois, tu sers à quoi ? » C’était la Une du numéro 65, et c’est en partie à nous, indirectement, inconsciemment peut-être, qu’on s’adressait. À ceux qui doivent choisir qui ils servent, à quelle cause offrir leurs armes – celles qui leurs ont été offertes par le hasard ou la bonne fortune. On avait tranché, nous, depuis un moment déjà. Servir les gens avant l’argent, ou avant une carrière. Mais une fois qu’on a dit ça, « que faire ? », « quelles sont nos solutions ? ». On les a égrenées, depuis vingt-cinq ans : écouter les invisibles, porter leur parole, mettre en application ce qu’ils nous racontaient, un vrai partage des richesses, moins de dividendes mais plus de sous aux assos, à l’école, à l’hosto, une souveraineté populaire à reconquérir, un protectionnisme à réhabiliter, réconcilier le rouge et le vert, les cocos et les écolos, la démocratie et la participation des salariés dans les entreprises, un meilleur contrôle des politiques, plus de justice sociale… Bon : tous ces thèmes n’ont pas toujours été en vogue. On en a pris, des soufflets, des regards soupçonneux. Alors, côté action, finalement, on n’y est pas allés par quatre chemins. Voyez : on a envoyé, bien aidé par les électeurs, notre ancien rédac’ chef à l’Assemblée pour porter la bonne parole.
Vous réalisez ?
La chair de notre chair !
Le sang de notre sang !
Qui en aurait fait autant ?
Aujourd’hui qu’on a coupé le cordon, il nous a fallu nous réinventer, autrement.
Et on en arrive à la dernière question : « Sommes-nous prêts pour la bataille ? »
Si ça vous va, qu’on recentre un peu la focale. Qu’on vous cause de nous.
Parce qu’on avait bien fait les choses, pendant toutes ces années.
On avait monté, patiemment, le plan : une maison d’édition, des petits bouquins qu’on publie, et bien sûr nos Tchios Fakir, comme autant d’armes de réflexion massive. Puis des films, pour toucher le plus de monde possible, élargir notre public par les émotions, remuer et mettre en mouvement les gens par l’âme et le cœur. Des vidéos avec Fakir TV, épisodiquement, sur internet. Et en plus de tout ça nos événements, nos soirées, nos combats, sur les retraites, sur Big Pharma, ou suite à la dissolution, pour ne parler que des plus récents. Et au milieu, notre fil rouge, toujours, le journal, notre, votre canard.
On vous racontait, dans le dernier numéro, quel rêve on nourrissait, depuis les débuts d’ailleurs celui de passer en mensuel. Comment, aussi, on avait changé notre stylo d’épaule, entre l’inflation du prix du papier, la razzia de Bolloré sur les réseaux de diffusion… Le voilà qui tient vraiment toute la chaîne, maintenant, de l’école de journalisme à la vente en kiosque. Nous qui pensions avoir bâti un empire !
Mais finalement, nous avons mieux, nous avons toujours eu beaucoup mieux que TF1 à l’époque, mieux que BFMTV, mieux que Bolloré aujourd’hui.
Nous vous avons, vous.
Nos lectrices et lecteurs (qui sont les meilleurs !), qu’ils nous suivent depuis six mois ou vingt-cinq ans.
C’est grâce à eux, à vous, aux gens, qu’on va gagner notre prochain pari, aller un peu plus haut encore dans la bataille des idées et la bataille tout court.
Je vous rassure, d’emblée : pas question d’abandonner le journal papier, cette relation charnelle qu’on entretient avec un canard, qu’on ouvre, feuillette, prête aux copains, aux copines, à la famille (et n’hésitez pas à le faire !), cette sensation d’ouvrir un petit monde à chaque numéro, comme un refuge et un sas de respiration, peut-être, ou même quelques touches d’espoir.
Bien sûr que oui : nous continuerons, à notre rythme actuel, cinq numéros par an en plus des Tchios, de quoi avoir le temps de se poser, de réfléchir et d’enquêter. Mais on doublera tout ça d’un nouveau site internet, tout beau tout chaud, qui arrivera à la fin du mois. Tout n’est pas totalement prêt, encore, vingt-cinq ans d’articles à rapatrier ça se fait pas d’un coup, et on alimente déjà le site actuel quotidiennement avec de nouveaux articles, mélange d’actualité et de reportages – chouette mélange, qui vous plaira, on l’espère. C’est là que beaucoup de choses se passent et se jouent, désormais. C’est là, en particulier, qu’on peut être réactifs, quotidiennement donc, qu’on pourra élargir notre audience, car c’est bien là l’objectif, dans la bataille des idées : conquérir et convaincre toujours davantage. Et pour ça, un Fakir doit toujours faire preuve de souplesse...
Oui, on a fait du chemin, depuis l’époque glorieuse de la photocopieuse, du temps passé devant l’ordi qui ramait, du canard qu’on vendait de la main à la main, journal rédigé-dessiné-maquetté par deux, trois bénévoles. Pour alimenter un site au quotidien, il nous a fallu embaucher, élargir l’équipe. Une dame me disait, l’autre jour, dans une réunion publique où j’intervenais, « Avant, dans Fakir, on voyait que "François Ruffin" comme signature, aujourd’hui on voit partout "Cyril Pocréaux" ! » Elle ne s’en plaignait pas (du moins je ne crois pas) mais la remarque nous montre le chemin à parcourir pour devenir une rédaction et un média nouveau, plus grands, plus stables, plus forts. Rassurez-vous, madame : vous devriez moins me voir, maintenant ! Plusieurs jeunes journalistes sont venu renforcer la rédaction, plus Clément à la com’, et Mathieu comme développeur web (je ne vois pas précisément ce que c’est, mais je fais semblant, auprès des copains). Et Fakir TV va bientôt réapparaître, très régulièrement – plein d’émissions sont déjà en boîte, vous aurez la surprise.
Voilà donc le plan pour le prochain quart de siècle, ou au moins les deux prochaines années – on verra après comment ça se passe.
Voilà pourquoi on a cassé notre tirelire, tenté un pari sur l’avenir : le journal, toujours, plus un site qui va turbiner au quotidien, des vidéos, des bouquins (trois déjà dans les tuyaux !), des entretiens et des podcasts, notre niouzlaiteur hebdo toujours plus lue qui continue, et puis nos Tchios, et puis des manifs, des soirées, des événements et du combat.
Ça donne le vertige, hein ?
On n’a pas peur : on sait que vous êtes là pour nous retenir, si on tombe de trop haut.