« J’ai commencé en doudoune et fini en tee‑shirt ! C’était une folie ! Je commandais des journaux, boum, vendus tout de suite, je renvoyais les thunes et j’en recommandais ! »
L’exploité du mois : Olivier, l'exploité hip‑hop

Olivier n’a rien oublié, de cette douce euphorie de ses débuts comme vendeur de Fakir, à Nice, au moment de la sortie de Merci Patron !. « Comme je gueulais pour laisser mon contact à la fin d’une projection, les gens ont cru que je bossais pour le journal. Alors, j’ai commencé à le vendre. Ça faisait un bail que je lisais Fakir, j’avais découvert Ruffin chez Mermet… C’est en vendant que j’ai connu le milieu militant à Nice. C’était à l’époque de Nuit debout. Le début de plein d’aventures. »
Bien avant Nice, Olivier, 45 piges aujourd’hui, découvre le militantisme près de Mantes‑la‑Jolie, en grande banlieue parisienne, où il a grandi. « Un truc qui m’a vrillé la tête, c’est la génération hip‑hop des années 90. J’étais dans le rap, le graffiti et la danse, à une époque où le rap était très engagé. » Illustrateur pour plusieurs fanzines, il part en lycée technique à Paris, section arts appliqués, pousse jusqu’au BTS. « À cette époque, des rappeurs militants avaient besoin d’affiches, de tracts. L’un d’entre eux, "Momo des Mureaux", venait me chercher avec sa bagnole chez mes parents. On filait à Paris chez un imprimeur, on passait la nuit à faire des tracts et des flyers, et il me ramenait au milieu de la nuit chez mes vieux. On s’appelait sur le téléphone fixe de la maison, on se débrouillait sans internet. » Puis notre futur préfet se cherche dans une agence de pub parisienne, comprend vite qu’il n’a rien à faire dans ce milieu, plonge dans l’illustration de presse et la BD. Devient ensuite prof de lycée professionnel en arts appliqués, à Douai puis à Bobigny. Après huit années en Seine‑Saint‑Denis, il obtient sa mutation à Nice, quartier Pasteur. Loin, très loin de la carte postale. « Contrairement à ce que veut montrer Christian Estrosi, Nice est une ville très, très populaire, avec un taux de pauvreté largement supérieur à la moyenne. Ici, niveau politique, on est en territoire hostile, mais le milieu militant tient la route ! »
Grâce entre autres au Paillassou, poupée de chiffon géante qu’Olivier et ses collègues sortent à chaque manif, « devenue une figue locale ». « On s’est inspirés de l’esprit Fakir pour monter des événements festifs, faire en sorte que la culture niçoise ne soit plus aux mains des identitaires. » Depuis un an, Olivier se bat aussi sur la scène nationale. Avec deux collègues profs, il a monté un collectif contre la réforme des lycées pro. « Ruffin et Fakir m’ont fait comprendre un truc : on peut militer à l’arrache comme avant, et militer aussi dans l’institutionnel. L’un ne doit pas chasser l’autre. » L’un ou l’autre, du moment qu’il milite pour nous, Olivier, on prend !