n° 92  

L’exploité du mois : Xavier, de la haine à l’amour

Par Cyril Pocréaux |

« Le chaînon manquant entre la moustache de Plenel et celle de Martinez »

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« Ah, je me souviens, fin 2011, de la première fois où j’ai eu Fakir entre les mains… » Il sort ça d’un ton presque ému, Xavier, et on guette le compliment, l’emphase. On tombe de haut. « Je me suis dit : ‘‘Mais c’est vraiment pas intéressant, ce canard !’’ Et même pire, ça m’énervait ! » Mais pourquoi ? Pourquoi tant de haine chez celui qui allait devenir notre Préfet bordelais ? « C’était un dossier sur les médias, et je me suis dit que c’était trop facile, de tout critiquer comme ça. Ce qui est drôle, c’est que j’ai vachement lu Fakir, après ça.
- Tu trouvais toujours ça naze ? Tu étais maso ?
 J’ai toujours bien aimé les journaux qui m’énervent. Et finalement, mon énervement s’est peu à peu transformé en amour inconditionnel. C’est pareil pour les gens. Ma femme, la première fois qu’on s’est rencontrés, je lui ai parlé de décroissance, et on s’est engueulés. Et pareil, paf : amour inconditionnel. »

« Le chaînon manquant entre la moustache de Plenel et celle de Martinez. »

Il a un définitivement un petit côté décalé, Xavier, avec ses moustaches style Brigades du Tigre – « le chaînon manquant entre la moustache d’Edwy Plenel et celle de Philippe Martinez », il précise –, son mètre quatre-vingt-dix et son petit sourire en coin. À l’école de journalisme, plus jeune, déjà, il voulait « sortir des schémas dans lesquels on voulait nous faire entrer ». Plus tôt encore, il avait lu le manifeste du parti communiste, mais « rien retenu ».
Et s’était finalement politisé via le référendum de 2005, même s’il ne pouvait pas voter. « Et puis, Fakir m’a aidé à me mettre un coup de pied au cul : j’ai besoin de ça pour me bouger, et dire ‘‘non, c’est pas moi, c’est Fakir’’… Je me cache derrière pour agir. »
Il commence par offrir le gîte aux copains de l’équipe de passage en Gironde. Puis tient quelques tables en manifs. Là, arrive Merci Patron !, et la promo pour le film. « Notre premier enfant, Aimé, avait trois semaines. Alors, on le couchait dans le berceau, à l’arrière de la voiture, et il pionçait pendant qu’on collait les affiches. Elles lui servaient même de couverture. » Bis repetita l’année dernière, quand Azur naît au moment de J’veux du soleil ! « Je dirais pas que Fakir a façonné notre vie de couple, mais quand même… »
Côté professionnel, parce qu’y a pas que l’amour dans la vie, il donne de la voix à la clé des ondes, radio bordelaise « qui se mouille pour qu’il fasse beau », dit le slogan. « On essaie de transmettre la voix des gens sans intermédiaire, comme Fakir. Et nos locaux sont un peu devenus le local de Fakir Bordeaux, avec les stocks de journaux entassés ! » Il n’en rajoute pas trop, toutefois : « Franchement, depuis quelques semaines, avec deux enfants, je ne peux plus en faire autant. » On le sentirait goguenard, à nouveau : « je peux pas prétendre à la place d’exploité, si ce n’est pour montrer qui est le pire élève ! » Jusqu’au bout, il se fout de nous…