Devant la tâche à accomplir, chaque journal nous semble un petit miracle...
Nous : l'urgence et l'arrière-cuisine

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« Hier, lundi, j’ai fait les courses de la semaine, pour Fakir. Faut bien qu’on mange, et puis le bouclage arrive... Si on veut un beau journal, faut remplir le frigo et les placards pour le rédac’ chef et la maquettiste. »
C’est Magalie qui me débriefait son début de semaine.
« C’est gentil, ça, de penser à nous...
— Attends, ça peut t’intéresser. Il faisait super chaud, 28° C annoncés pour la journée, moi je suis en robe légère et sandales, normal avec ce beau temps. Et en entrant dans le magasin, gros contraste, clim à fond. Trois quarts d’heure plus tard je suis en caisse, je frissonne, je sens même plus mes doigts de pieds ! Je me suis demandé si ça passerait en accident du travail, si on devait me les amputer... Moi je pourrais pas bosser là, frileuse comme je suis. Le personnel porte doudounes et chaussettes en permanence ! "Oui, il fait toujours froid comme ça ici", m’a dit la caissière, résignée. Bon, je ne sens plus mes doigts de pieds, j’ai chopé la crève, mais du moment que le frigo est plein... »
Ça m’a fait marrer, d’abord (pas que Magalie ait chopé la crève, non, le reste), cette histoire, mais elle m’a aussi renvoyé à notre double contrainte. Une double tension entre l’urgence qu’on affronte et notre arrière-cuisine. L’urgence ? Elle est écologique, là, au quotidien, avec une planète qui brûle mais des clim poussées à fond dans nos magasins, nos entreprises, nos maisons pour certains, cercle vicieux qui réchauffe encore plus l’atmosphère, produit des climatiseurs, relâche de la chaleur, allez, accélérons encore vers le gouffre. Elle est sociale, aussi, l’urgence, avec les prix qui grimpent et les salaires qui stagnent, le nombre de pauvres qui explose quand de très riches se gavent, avec les Restos du Cœur débordés (et en faillite), le Secours populaire débordé, avec la Croix-Rouge débordée, et Macron et son gouvernement qui nous font accélérer encore vers ce mur.
L’arrière-cuisine, vous en avez ici un exemple, avec les courses (et la cuisine, la vaisselle, le ménage, les réparations quand la lumière ne marche plus, quand le canapé lit est pété, etc., etc.). C’est Fakir, un canard hérité d’une structure associative avec son lot de bouts de ficelle à l’époque, et encore largement associatif dans son fonctionnement. Il nous faut quatre bras chacun, parfois (et ceux de nos bénévoles, merci à eux !), pour bien tenir la barre (quand on arrive à bien la tenir).
Et, face à nous, cette montagne, écologique, sociale, à gravir. Vous ne vous en rendez sans doute pas compte quand, le cœur léger, l’âme en fête, vous poussez la porte de votre marchand de journaux, ou ouvrez votre boîte à lettres, pour récupérer le nouveau Fakir, cette fleur de la pensée... Mais sachez-le : chaque sortie est un petit miracle, on peut le dire. Un miracle qui tient bon, malgré tout ! Et avec quelques extras de temps à autre, même : pour la fête de l’Huma (c’est du 15 au 17 septembre), on vous a concocté un super stand, avec les copains de Picardie Debout, trois jours de chansons, de musique, de débats, avec des humoristes, de la radio, des anciens Fakiriens devenus députés (Damien, Christophe, Anne, on vous y attend !), un François Ruffin en chair et en os, et plein d’autres trucs encore. Pour ceux qui seront dans le coin, on vous y verra. On vous dira si Magalie a récupéré, et il restera peut-être même à manger et à boire des courses du lundi.
CYRIL POCRÉAUX