La liberté de Patrick

Patrick est mort. C’était un ouvrier de chez Goodyear, une vie à la chaîne, qui lui a dévoré les doigts, et les poumons peut‑être. Il était entré à Fakir, il y a une dizaine d’années. Il était, aussi, l’ancien vice‑président de Picardie debout !. Il était, surtout, un homme à part, qui avait fait de sa vie un chemin de liberté.

Publié le 1 décembre 2023

Amiens, le 11 septembre 2023. «Je suis ouvrier chez Goodyear, dans une usine qui a employé mon père pendant plus de vingt ans, mon frère aîné pendant une quarantaine d’années et moi‑même depuis plus de vingt‑cinq ans. Je travaille dans une usine qui m’a mangé trois doigts et de laquelle je vais bientôt être mis à la porte, mais aussi une usine au sein de laquelle j’ai lu tant de livres. Là, j’interromps la lecture d’Ulysse de James Joyce pour vous écrire. » Alors qu’il travaillait encore, Patrick avait adressé une lettre à France Inter, pour devenir membre de leur jury littéraire. Et il racontait son ordinaire : « J’optimise au maximum mes méthodes de travail, tout en faisant correctement mon boulot, afin de gagner mon temps de lecture. C’est dans cette usine que j’ai lu, entre autres, Les Rougon‑Macquart de Zola. C’est dans l’escalier de secours du vestiaire n°3 et sa tranquillité que j’ai lu Les Croisades vues par les arabes d’Amin Maalouf. C’est sur le temps grignoté miette à miette que j’ai lu aussi des livres de science‑fiction, des romans historiques, des polars par centaines. C’est à l’intérieur de l’usine mais loin du fracas des machines, que, l’été, au milieu des lapins batifolant, dans la pelouse séparant l’atelier de l’entrepôt, j’ai ri en lisant Sublimes Paroles et idioties de Nasr Eddin Hodja. Bien sûr, je lis également en dehors de l’usine. Chez moi je n’ai ni

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