« Il leur fallait une nana, alors ils m’ont mise là, en première ligne. Je leur ai dit, j’y connais rien moi, aux luttes, au militantisme ! »
L’exploité du mois : Marie-Louise, l’exploitée révélée

On se marre, avec Marie‑Louise, en remontant quelques années en arrière. Je l’avais rencontrée, la première fois, casquette orange vissée sur la tête, toujours la banane, à mener un conflit social pour la CFDT. C’était aux portes de Paris : une boîte qui bossait pour l’industrie pharmaceutique, et un conflit social dur, très dur. « Ils faisaient des coups pour nous impressionner, convoquaient les équipes séparément dans des sous‑sols avec déco en velours sombre, genre club échangiste, pour leur annoncer le plan social ! »
Elle n’était pas vraiment programmée pour monter au front, Marie‑Louise, elle qui jusque‑là, « dans ces boîtes de cadres sup’ », prenait des RTT pour aller manifester en toute discrétion. Le conflit, finalement, la laisse sur le carreau, dès le premier plan social. Et puis, deux ans plus tard, Fakir déboule dans sa vie. « Fin 2018, une copine me demande de l’accompagner à une conférence de presse sur Sanofi, devant leur expo au Grand Palais. C’était organisé par Fakir ! J’ai rencontré des gens un peu foufous, on est tous allés boire un coup chez Samir après… »
Le piège se refermait déjà, sans qu’elle ne le sache. « À Fakir, y a pas besoin d’engagement, ça m’a plu. Les liens se créent par atomes crochus. J’ai trouvé une vraie liberté. » Liberté, surtout, de tenir des tables de vente tous les jours pendant J’Veux du Soleil !, de vendre le canard à la criée à chaque manif, de préparer notre stand à la Fête de l’Huma, au point de devenir un pilier de notre préfecture parisienne. Elle se souvient, alors, du sort qui touche sa famille. « À chaque génération, chez moi, il y en a une qui tombe dans le militantisme. On est d’origine espagnole, des Républicains rouges. L’une de mes tantes était dans la clandestinité sous Franco… »
À son tour, donc. « Tenir des tables, vendre le canard, c’est surtout l’occasion de rencontrer des gens, de parler, la proximité et le lien c’est ce qui fait avancer les choses. J’ai l’impression de participer, de réveiller les gens. »
Au point qu’elle culpabilise, même, quand elle ne peut pas être là. « En été, c’est compliqué, elle s’excuse. Mes deux parents sont dépendants, et comme ils sont au 6e sans ascenseur ben, je les amène à la campagne avec Pierre » – son homme. Qu’importe : pour compenser, on l’exploitera plus encore quand elle sera à la retraite, vu qu’elle affleure les 58 balais (je lui donnais bien dix ans de moins !), et qu’elle se « [cassera] de son poste de vacataire à la fac plus tôt que ce qu’aimerait le gouvernement, ça c’est sûr ».
T’auras qu’à venir à Fakir compléter tes trimestres de cotisation. Bénévolement, bien sûr !