Daniel se rêvait chef d’orchestre, ou marin, malgré les drames de l’enfance. Il dort dans la rue depuis plus de trente ans…
Mon clodo de droite
Par Maëlle Beaucourt

« Eh, viens là ! »
Perché en haut des marches à l’entrée d’un ancien garage automobile, Daniel me fait un geste de la main. Je traverse la route pour le retrouver.
Avec Daniel, on s’échange souvent des banalités, quand je passe devant lui. Il y a quelques semaines, je lui ai tendu un sandwich. « Non merci, c’est sympa mais j’ai déjà tout ce qu’il me faut. J’ai trop de choses à manger. Mais si tu repasses, je veux bien une bouteille d’eau. Je ne bois que ça et j’aime bien en avoir d’avance. »
Du coup, cette fois-ci, je lui dépose une bouteille. Assis sur une pile de vêtements, il fume son cigare et boit dans un verre en carton.
« Tu ne voudrais pas m’aider à déplacer ces gros sacs, là ? Je ne suis plus tout jeune et c’est lourd. » Il faut caler ses sacs de vêtements et de nourriture en haut des marches pour ne pas qu’ils tombent. On se met à discuter, du coup, mais il se méfie, Daniel, il ne veut pas trop se dévoiler : parfois « on se moque de moi, de ma vie. »
Trente et un an que Daniel dort dehors. Trente et un an que Daniel a quitté son dernier job, c’était à Brest, chez un armaturier. À soixante-six ans, il a vagabondé dans les trois quarts de la France et s’est arrêté à Amiens y a quelques années. « J’ai rencontré un copain sur Carcassonne qui remontait ici, je l’ai suivi. »
Une passante s’arrête pour lui dire bonjour et donner une pièce.
« Depuis quand tu dors dehors ?
– Mon repère, c’est la mort de Gainsbourg. Donc c’était à peu près au début des années 90. J’ai perdu mon boulot et mon logement en même temps. C’était un logement social, mais tu sais, quand tu acceptes de vivre dedans, tu dois obéir, tu ne peux pas vivre comme tu veux. Je n’ai pas aimé alors j’ai préféré partir. Ça m’a rendu triste, b
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