À l’heure où le Président nous exhortait au « réarmement démographique », ma journée me rappelait que les choses n’étaient pas si simples, pour les futures mamans, dans la France de 2024…
"Nos utérus à la chaîne !"
Par Camille Vandendriessche

« Dune 2 ? Non mais t’abuses, il est tout pété ce film…
— Tu sais pas reconnaître les bons films ! Tiens, hier soir, j’ai maté Sister Act. Je parie que tu connais même pas... »
Je suis vanné, ce jour-là, pendant ma pause de guide touristique au Mont-Saint-Michel, mon job estival. Assis au bar d’un resto du coin, avant de retourner bosser, j’écoute vaguement, entre deux cafés, les jeunes de la table d’à côté, qui s’apprêtent à prendre leur service. La fille bosse en salle, et le gars en cuisine, a priori. Vingt ans chacun, pas plus, je dirais. Ils poursuivent.
« Sister Act ? Tu rigoles ou quoi ? C’est l’histoire de ma vie, ça, les problèmes d’identité ! Tu sais que j’ai des papiers que depuis deux ans seulement ?
— Quoi ? C’est un délire ! Mais pourquoi ?
— Je suis arrivée ici toute petite, du Cameroun, avec mes parents. Et me demande pas pourquoi, mais j’ai jamais eu de papiers jusqu’à mes 17 ans.
— Mais comment t’as fait, pendant tout ce temps ?
— Bah je sais pas. J’étais mineure, alors je ne me suis jamais posé la question. Jusqu’à ce que j’accouche.
— Quoi ? T’as un enfant, toi ?
— Oui, un fils. J’étais en seconde, son papa en première. Quand j’ai appris que j’étais enceinte, on était déjà séparés.
— T’as fait comment, du coup ?
— J’en ai parlé à ma daronne, elle m’a dit de le garder. Mes copines, elles, me disaient d’avorter. Mais c’est mal vu, chez nous.
— Mais t’étais au lycée… T’avais de l’argent ?
— J’avais rien, tu le sais bien, pas plus que maintenant, d’ailleurs (rires) ! Le premier trimestre, je suis restée chez moi à dormir. Je ne savais pas quoi faire, mais quand j’ai passé l’écho, j’ai su : "J’le garde. Y a pas moyen !"
— Et le père, il en disait quoi ?
— Je lui ai pas demandé son avis… C’était fini avec lui. Je voulais pas qu’il se sente responsable de quoi que ce soit. Je lui ai quand même dit, pour le bébé. Mais il s’en foutait, en vrai...
— Le salaud. »
Un silence. Puis la jeune maman pose la question à son copain, comme si elle s’interrogeait encore.
« T’aurais réagi comment, toi ?
— Moi, j’aurais voulu le garder, mais si la fille ne veut pas, on ne peut pas la forcer, tu vois. Pareil pour l’avortement : c’est son corps, c’est elle qui a le dernier mot.
— J’avoue.
— Et sinon, c’était pas trop dur, l’accouchement et tout ?
— Franchement, toute la grossesse, c’était compliqué. Y a que ma grande sœur qui m’a vraiment soutenue. Mes frères, eux, s’en foutaient. Et l’accouchement, je me souviens juste que c’était long : je suis arrivée l’après-midi, et il est né le lendemain midi. Je voulais pas de césarienne, pour ne pas être abimée, mais quand j’ai demandé la péridurale, c’était trop tard, le bébé était là. J’ai serré les dents.
— Chaud ! Franchement, vous êtes courageuses, les meufs ! Mais ça coûte cher, non, d’accoucher, la prise en charge… Tu as fait comment ?
— C’est un truc de fou. Parce que ça coûte cher, oui, très cher, toutes les dépenses d’avant l’accouchement, l
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