n° 109  

Mon maire, ce héros : repeupler le désert (médical)

Par Elena Scappaticci |

Au gré des rencontres, petites initiatives et grandes idées de nos maires, de celles qui changent la vie des gens.

Sans vous on ne peut rien, avec vous on peut beaucoup :  Fakir est un journal papier en kiosque, et numérique. Il vit sans pub ni subventions, et ne peut publier des reportages et enquêtes que grâce à vous. Alors, qu'attendez-vous ? 
Aidez-nous ! 

Faire un don / Acheter le dernier numéro / S'abonner

Pierre Polard, 52 ans, consultant en finances publiques, maire de Capestang (Hérault) depuis 2014, 3133 habitants. (https://pierrepolard.fr)

Quoi ?

« Comme les villages à côté, on a tenté de faire venir des médecins libéraux. Mon prédécesseur avait fait construire un bâtiment, avec de quoi accueillir trois cabinets. J’ai perdu un an à en chercher avant de comprendre qu’il ne suffisait pas d’offrir de bons locaux pour qu’un médecin décide de s’installer ici. Pareil pour les incitations financières, ça ne sert à rien. Du coup je me suis dit : "Et si la commune leur proposait le salariat ?" Et tout ce qui va avec : la garantie des 35h, des congés payés, centrer leur activité sur la seule consultation en déléguant les tâches administratives et la gestion des locaux... La mairie encaisserait le prix des consultations auprès de la Sécu et des mutuelles, et on reverserait un salaire fixe aux médecins. »

Pourquoi ?

« Quand j’ai entamé mon mandat, on ne me parlait que de ça : "Pourquoi on n’a pas de médecins ?" C’est un truc très concret, qui touche le quotidien de chacun. Le premier CHU est à une heure en voiture, à Montpellier. Les urgences de Béziers sont constamment sous l’eau, parce qu’on ne trouve plus de médecin en zone rurale. Et les médecins qui sont restés n’acceptent plus de nouveaux patients. Le système craque de partout. »

Comment ?

« Le casse-tête administratif a démarré. J’ai passé neuf mois à me démener auprès de l’ARS, de la Caisse primaire d’assurance maladie, des mutuelles, du conseil de l’Ordre sur les contrats de travail... Mais il nous restait le plus dur : trouver les médecins et secrétaires médicales prêts à être salariés du premier Centre municipal de santé de l’Hérault. Et surtout, les convaincre de rester. Les débuts n’ont pas été évidents. On avait un gros turn-over. Pas facile de faire intégrer à d’anciens libéraux le sens de la hiérarchie, le contrôle de leur rythme »

Combien ?

Les médecins sont payés 5500 euros net, les secrétaires médicales 1600. Le budget du Centre est de 700 000 €. Les Capestanais ont désormais la garantie d’un accès aux soins de 8h à 20h en semaine, de 8h à 13h le samedi.

Un témoin

Jean-Michel, médecin : « Aucun politique à l’échelle nationale n’a été foutu de proposer quoi que ce soit face aux déserts médicaux, il faut que ce soit un maire qui s’en occupe, qui endosse le risque financier à son échelle pour un besoin qui crève les yeux, c’est le cas de le dire. Avant, j’exerçais en libéral. C’est pas mon métier que je n’aimais plus, c’était la manière dont on me demandait de l’exercer. Vu le manque de collègues dans le coin, ça faisait quatre ans que j’avais pas pris de vacances. Je trouvais personne pour me remplacer l’été. Pareil pour les permanences du week-end. En plus de ça, 50 % des consultations, c’était à domicile. Et être payé 35 euros pour le déplacement, le diagnostic et le traitement, je suis désolé, mais c’est un scandale. »

Les étapes

Décembre 2015 :
 Délibération du conseil municipal pour la création du CMS
Janvier 2016 ‐ septembre 2016 :
 Démarches administratives
 Validation du projet de santé par l’ARS
 Convention avec la Caisse primaire d’assurance
 Maladie pour le remboursement des actes
 Conventions avec les mutuelles pour le tiers-payant
 Recrutement des médecins et secrétaires médicales
 Avis du conseil de l’Ordre sur les contrats de travail
Octobre 2016 :
 Ouverture du CMS avec deux médecins et deux secrétaires médicales.

Le Bilan

Le Centre municipal de santé réalise plus de 15 000 consultations par an. La moitié de la patientèle est extérieure à Capestang. Le résultat net du Centre oscille entre +20 et -50 000 euros selon les années.

Ailleurs

D’autres communes se sont dotées d’un centre de santé municipal :
Lavelanet (Ariège) Port-la-Nouvelle (Aude), Saint-Clar (Gers), La Ferté-Bernard (Sarthe)...