« Nous ne sacrifierons rien à notre mode de vie ! »
Alors que le Divid-19 (ou précarovirus), issu de la souche des dividendes, s’étend inexorablement en France, Emmanuel Macron est bien décidé à ne pas céder à la panique. Persuadé « que les profits et la croissance sont au bout du tunnel », le Président a exhorté les Français à se battre et à demeurer solidaires des actionnaires : « Restez au boulot ! »
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Contagion de fièvre sociale ?

« On l’a vu agoniser, étouffé par le poids du surendettement. On a essayé de le maintenir artificiellement sous perfusion de RSA, mais impossible de le sauver. Il est parti dans d’atroces souffrances. » Les associations et services sociaux sont confrontés chaque jour à des situations dramatiques. Les structures sont à saturation face à la vague de précarité causée par le Divid-19. Mais « je le dis avec force, nous n’avons pas les moyens d’accueillir toute la misère de France », a prévenu Bruno Le Maire, ministre de l’Économie.
Les travailleurs sociaux se retrouvent toutefois en première ligne et se considèrent désarmés face à la pauvreté : « Où sont les protections pour éviter de tomber à notre tour dans les contrats précaires ? » La polémique dite « du masque » enfle également. Le gouvernement est en effet accusé par l’opposition de « masquer » le nombre de démunis, les chiffres des plans sociaux et des délocalisations. Difficile dès lors, hors statistiques, de déterminer la réelle portée du problème. « Les chiffres sont faussés, assure un acteur de terrain. Combien de travailleurs pauvres ? Combien de salariés précarisés dans les clusters que sont Amazon ou la grande distribution ? »
D’autant que le virus peut prendre des formes multiples, ce qui le rend difficile à traiter. « Délocalisations, chômage de longue durée, salaires de misère, on voit toutes sortes de symptômes. » Et notamment ce signe apparu après une première phase de rémission, et qui inquiète le gouvernement : l’accès de fièvre sociale. « Grèves, émeutes et révoltes sont des signes alarmants qu’il faut traiter en urgence. Car ce sont les symptômes les plus contagieux. »
Polémiques inutiles
Emmanuel Macron ne veut laisser personne dire que la France a pris du retard dans la gestion de la crise : « Travail le dimanche, heures supplémentaires, loi travail, ordonnances : voilà des années qu’on confine les gens au travail ! Si avec ça les Français ont encore le temps ou l’argent pour avoir une vie sociale, je ne peux pas en être responsable. » Toutes les mesures sont prises, d’après lui, pour préserver la santé financière des grands groupes. Et le président d’en appeler au civisme et à la solidarité. « Restez au boulot ! En respectant les consignes, vous sauvez des actionnaires. » Il a par ailleurs tenu à nier tout laxisme dans sa gestion du mouvement social en rappelant son bilan. « Quel gouvernement peut se targuer d’avoir autant que nous réprimé les manifestations ? » Matraques, lacrymos, flashball… les forces de l’ordre sont en première ligne pour faire respecter les gestes barrière entre le peuple et les actionnaires. « Qu’estce qu’il faut de plus ? Des lance-flammes ? »
Bien sûr, tout n’est pas parfait. Il reste encore, regrette-t-il, quelques réfractaires. « Les plus de 70 ans ont encore tendance à tirer au flanc. Mais avec la retraite par points, j’ai bon espoir d’obliger les vieux à se trouver un petit boulot ! »
Traitements et doctrine
« L’objectif c’est l’immunité collective, et nous faisons tout pour y parvenir. » Emmanuel Macron est bien décidé à ne pas rester les bras croisés face à l’épidémie de Divid-19. « Nous avons en France les penseurs parmi les plus brillants en matière de recherche ultralibérale. Soutenons-les dans leurs efforts. » Effectivement, de Christophe Barbier à Dominique Seux, l’intelligence collective ne manque pas.
« Le vaccin est à portée de dérégulation. » Des essais cliniques de grande ampleur ont en effet été lancés sur une large population de caissières, d’infirmières ou d’aides à la personne. Le principe : « On injecte à des millions de salariés de fortes doses d’ultralibéralisme, avec des substances telles que l’ubérisation ou le lean management, pour qu’ils acceptent leur condition. » L’idée à terme étant de casser le code du travail, qui empêche selon le gouvernement la flexibilité du corps social et son adaptation au virus. « Le code du travail, c’est comme les antibios, quand on en abuse, on devient résistant au changement », prévient Muriel Pénicaud, la ministre du Travail.
Mais ce traitement doit être sérieusement encadré. « Dans certains cas, le sujet a à nouveau des poussées violentes de fièvre sociale. » Il faut alors coupler avec un traitement policier virulent. « On utilisera si besoin les mêmes molécules de LBD que pour traiter la fièvre gilets jaunes. » À ce propos, le docteur Castaner écarte tout risque d’effets secondaires indésirables. « Aucune étude sérieuse n’a prouvé la dangerosité du LBD, et le risque de finir borgne est une légende urbaine ! »
Pour le reste, la doctrine gouvernementale est claire : « Si on arrive à faire monter les précaires à 60, 70 % de la population, on devrait éviter la saturation des mouvements sociaux. Le pays restera gouvernable. » Un objectif qui peut paraître réaliste. Mais pour le gouvernement, l’essentiel est ailleurs. « Du moment que les 1% d’ultra-riches restent intouchables, on a gagné ! »