n° 107  

Benjamin Brice : Soyons moins compétitifs !

Par Cyril Pocréaux |

C’est un énorme, immense, tonneau des Danaïdes*. À force de vouloir être « compétitive » sur le marché mondial, la France creuse son déficit commercial, baisse sa rémunération du travail, provoque du chômage de masse qu’elle indemnise. Ruine son économie, tout en détruisant la planète. Comment s’en sortir ? « En important et en consommant moins », répond Benjamin Brice, dans la Sobriété gagnante.

*mais si, vous savez : dans la mythologie grecque, ce tonneau troué que devaient remplir, sans fin, les filles du roi Danaos.


Fakir : On va parler de ton livre, mais, d’abord, j’aurais aimé connaître ton chemin personnel. Tu es docteur en sciences politiques, à l’EHESS, mais as‑tu eu un parcours militant, politique ?

Benjamin Brice : Non, pas du tout : je n’ai jamais milité, ni été syndiqué, ni dans un parti, ni nulle part, en fait. J’ai été diplômé de l’Essec [une grande école de commerce], puis j’ai fini en 2015 ma thèse sur les relations internationales. Mais je m’intéressais à la philosophie politique. Un des points de départ de ce livre, c’est la révolte des Gilets jaunes. De voir des gens qui disaient que les services publics se dégradent, qu’il y a moins de présence sur le territoire, moins d’argent dans les hôpitaux, dans l’enseignement, alors qu’en même temps les impôts et les taxes augmentent. Ce contraste était difficile à comprendre. Et il y avait en moi un sentiment d’urgence, suite au deuxième tour Macron – Le Pen en 2017, déjà : que pouvaient vraiment faire les politiques pour remédier à cette situation ? Or je me suis aperçu, en compilant les données, que ce contraste était lié notamment à notre quête de compétitivité, et au fait que nous menons des politiques de réduction du coût du travail...

F. : On commence à entrer dans le livre, là. Ce qui m’a frappé c’est qu’il fait le lien entre plein de dossiers qu’on traite depuis des années dans Fakir : le protectionnisme, les relocalisations, la publicité et la consommation, la rénovation énergétique, le textile... Avec plein de données, de chiffres. Bref, c’est une vision globale. Et on peut partir d’un constat qui est le fil rouge du livre : l’ouverture de notre économie à la compétition internationale, et l’impératif de compétitivité, qui provoque de sacrés dégâts…

B.B. : Tout vient de là : pour être concurrentiel avec les autres pays, dans cette économie mondialisée, les politiques publiques cherchent à réduire le coût du travail. Et pour ça, on mène des politiques de baisse des cotisations sociales. On est à peu près à 70 milliards de baisse des cotisations sociales pour 2023, et autant sous forme de niches fiscales pour les entreprises, les hauts revenus, etc. Problème : c’est un gros manque à gagner pour les recettes fiscales.

F. : En gros, on vide les caisses de l’état pour être plus attractifs, plus compétitifs…

B.B. : Donc il faut trouver de l’argent. Qu’ont fait les gouvernants ? Depuis, disons, le début des années 90, ils ont créé de nouveaux impôts, mais des impôts non progressifs, toujours au nom de l’attractivité fiscale du pays : les impôts sur les bénéfices des entreprises diminuent, ceux sur les hauts revenus stagnent ou diminuent, les impôts sur le capital, comme l’ISF, diminuent. En face, la CSG, qui pèse sur tous les travailleurs, n’a fait qu’augmenter, comme les taxes sur la consommation : la TVA, le tabac, la taxe carbone, etc. La révolte des Gilets jaunes se noue à ce moment‑là : sur des taxes qui augmentent.

F. : Et sur des services publics qui rament, comme tu disais.

B.B. : La dégradation des services publics, c’est aussi une grosse cause d’insatisfaction. Et il y a bien une politique d’austérité à ce niveau. Aujourd’hui, 18 points de PIB sont consacrés aux dépenses de fonctionnement. Soit la même part du PIB qu’en 1980, à la fin du mandat de Valéry Giscard d’Estaing ! Alors qu’entre temps les besoins ont augmenté : la population vieillit, il y a de plus en plus de jeunes qui étudient avec 80% d’une classe d’âge au bac… Donc, avec ce taux constant, il y a bel et bien des politiques d’austérité menées dans les services publics. Ça explique, au moins en partie, la dégradation ressentie par les gens.

F. : Et l’argent des impôts, des taxes, n’est pas utilisé pour y remédier ?

B.B. : Non, justement : cet argent n’est pas utilisé pour les besoins de la population, mais pour compenser les exonérations, les niches fiscales, tout ce qu’on peut pour baisser le coût du travail, et rendre, donc, l’économie plus compétitive. Or le problème est là : ça ne fonctionne pas. Malgré tous ces efforts pour plus de « compétitivité », la balance commerciale de la France est déficitaire : on achète beaucoup plus à l’étranger qu’on ne vend. Ce déficit, depuis vingt ans, ne fait que s’aggraver. Ces trois dernières années, on a à chaque fois battu un record. On est donc pris dans l’étau de la compétitivité : moins de recettes fiscales, et donc on réduit les dépenses publiques.

F. : Or, un des points que tu soulèves, c’est que notre économie ne tient que parce qu’elle vit sous perfusion, dans une sorte de mirage, et que les produits nous coûtent en fait beaucoup plus cher qu’on ne le pense…

B.B. : Oui, parce que subventionner le coût du travail, comme on le fait depuis trente ans, c’est baisser artificiellement les prix. Si les prix sont aujourd’hui bas en Europe c’est parce que, derrière, il y a des exonérations de cotisations sociales, il y a la prime d’activité, des emplois précaires énormément subventionnés, dans la livraison par exemple, etc. Or la conséquence de ces exonérations, c’est un surcroît d’impôts, et du déficit public, avec les conséquences qu’on vient d’évoquer. Mais vis‑à‑vis du reste du monde c’est la même chose !

F. : C’est‑à‑dire ?

B.B. : Quand on importe des produits de Chine, on ne paye pas le coût du carbone, or l’électricité chinoise repose en grande partie sur du charbon. Les délocalisations ont un vrai coût environnemental : aujourd’hui, la moitié de notre empreinte carbone est importée. On ne la voit pourtant pas sur notre territoire, ce qui nous rend inconscients de la réalité... C’est vrai pour le carbone, ça l’est également pour l’extraction de métaux, ou de combustibles fossiles, qui entraînent des pollutions, des dégradations de paysages. On parle beaucoup de la reforestation en Europe, mais nous déforestons en fait une surface équivalente ailleurs, au Brésil et en Indonésie, dans des réserves de biodiversité, à cause de notre consommation importée. Notre coût écologique est invisible, mais énorme.

F. : Tu évoques également un coût social, lui aussi invisible.

B.B. : Tout à fait. Déjà, on importe depuis des pays dont les protections sociales n’ont rien à voir avec la nôtre… Et puis, on ne mesure pas – on oublie souvent de le dire – le coût social d’ici, en France : le fait de ne plus fabriquer nous‑mêmes, d’avoir un pays qui s’est désindustrialisé, et donc un chômage qui touche des territoires entiers, de manière massive. Entre le halo du chômage, le sous‑emploi et les demandeurs d’emploi, on arrive à 5,4 millions de personnes en France. C’est un chiffre extrêmement élevé. Moins importer, ça permettrait de relocaliser de l’activité industrielle, de créer des emplois de production sur tous nos territoires.

F. : Justement : pour toi, le cœur du problème, c’est donc le commerce extérieur. Et c’est là que ton discours rebat les cartes : il faut arrêter de vouloir être compétitif pour exporter davantage – on a vu les problèmes que ça crée – mais chercher à importer moins…

B.B. : Exactement. Nos exportations, elles augmentent. Mais les importations, elles, augmentent encore plus vite ! Rien que notre déficit en manufacture, sur les biens industriels, est de 79 milliards en 2022. Nos atouts ‑ l’aéronautique, le luxe, les vins, la maroquinerie – ne compensent pas du tout la perte de nos industries de base, bois, métallurgie, caoutchouc, plastiques, textile, les produits numériques, les meubles et les véhicules. Et ça ne pourra jamais être compensé par d’hypothétiques innovations. La solution, au vu de tout ça, au vu de notre dépendance aux combustibles fossiles, au vu de ce que ça nous coûte, c’est de moins importer. Il faut changer de logique. S’obstiner dans cette trajectoire de compétitivité, ça ne fonctionne pas, et on n’a vraiment aucune raison de s’entêter dans cette direction. On doit relocaliser des industries, y compris des industries à faible valeur ajoutée, pour réduire nos importations. Ça a un triple intérêt. D’un point de vue géopolitique, c’est moins de dépendance vis‑à‑vis de l’extérieur. La pénurie de masques, pendant le Covid, nous a coûté, d’après les Douanes, presque six milliards d’euros. Deuxièmement, d’un point de vue écologique, les produits fabriqués en France ont des normes environnementales plus strictes. En plus, vu que les produits fabriqués ici sont plus chers, nous serons donc obligés d’en consommer moins, en volume.

F. : Je t’arrête, parce que ça pose problème, ici, et c’est l’éternel contre‑argument : comment feront les plus pauvres pour se nourrir, s’habiller ?

B.B. : C’est vrai, et c’est ce qui amène à la question sociale : comment répartir les charges et les gains ? Et c’est le troisième intérêt, justement : les avantages sociaux et économiques à réduire nos importations. Relocaliser en France, c’est créer des emplois qui permettront de dépenser moins d’argent en transferts sociaux (moins d’allocations chômage, par exemple), car on versera des salaires aux gens. Et on aura en plus, du coup, davantage de recettes fiscales, de cotisations, etc. Relocaliser, c’est à la fois baisser notre consommation matérielle tout en augmentant l’activité industrielle dans le pays, donc en créant des emplois et des emplois induits autour ‑ un village qui aura à nouveau besoin d’une école, des commerces, etc.

F. : Ce que tu nous dis là, moins importer, ce serait déjà une petite révolution culturelle pour les économistes et nos dirigeants. Mais tu vas encore plus loin : pour moins importer…

B.B. : … on a clairement intérêt à être plus sobres. Moins consommer, c’est un bénéfice économique et social qui me paraît assez évident. Nous importons trop, car nous consommons trop, par rapport à l’argent qu’on investit dans les services publics, dans les dépenses d’avenir, dans la transition écologique, dans beaucoup de choses. D’un point de vue écologique, ensuite, nous consommons trop par rapport à ce qui est possible, surtout si on généralise nos modes de vie. La sobriété matérielle, c’est aussi moins de dépendance vis‑à‑vis de l’étranger, sur les hydrocarbures, sur les produits manufacturés, notamment avec la Chine, ou la Russie. Sur tous ces points, on peut faire converger nos différents intérêts – économiques, sociaux, écologiques – et la sobriété me paraît être la réponse la plus évidente. Baisser la consommation, c’est ce qui, je crois, nous permet de sortir du cercle vicieux.

F. : Moi, ça me va très bien, la sobriété ‑ tu as vu à quoi ressemble mon vieux téléphone… N’empêche, il y a quand même quelques obstacles. Dans le cadre d’une économie ouverte, ça semble compliqué que les gens n’achètent pas ce qui arrive dans les rayons, depuis l’étranger, souvent à bas coût. Tu serais pour des mesures de protectionnisme – ce qui apparaît encore pour certains comme un gros mot ?

B.B. : Je pense que la bataille, sur ce point, elle est gagnée. Au cours des deux derniers siècles, il y a eu dans le monde des phases de libre‑échange et des phases de protectionnisme. Nous sortons d’une phase tournée vers le libre‑échange et je crois que nous allons vers plus de protectionnisme. Depuis la crise de 2008, la dépendance extérieure aux importations a baissé en Chine, en Inde, en Russie, aux états‑Unis. Le protectionnisme revient partout dans le monde. Il n’y a que des pays comme la France ou l’Allemagne qui ont encore augmenté leur dépendance aux importations. Le mot protectionnisme, qui était très mal connoté il y a encore quelques années, fait aujourd’hui partie du langage courant.

F. : Tu évoques un sens de l’histoire récente vers plus de protectionnisme. Pourquoi aujourd’hui ?

B.B. : Il faut en avoir conscience : le libre‑échange sympathique qu’on nous a présenté, mais qui avait quand même pour but de perpétuer des inégalités mondiales qui nous arrangeaient, de consommer plus pour pas très cher, en délocalisant les pollutions, eh bien ce modèle‑là est fini. Tout simplement parce que les autres pays dans le monde ne veulent pas rester dans la division du travail qu’on leur a imposée. L’Indonésie, par exemple, interdit maintenant l’exportation d’un de ses métaux car elle veut elle‑même fabriquer les produits qui en découlent. évidemment : les pays qui ont des normes sociales et environnementales moins élevées que les nôtres sont tout aussi capables que nous de monter en compétence. Mais c’est aussi l’opportunité pour la France de changer de modèle.

F. : Un autre obstacle, c’est les gens. La sobriété, est‑ce qu’ils y sont prêts ? Est‑ce qu’ils la souhaitent ?

B.B. : C’est effectivement une question clé, mais les enquêtes d’opinion montrent que la plupart des Français, y compris dans les classes populaires, ont conscience que notre niveau de vie n’est pas soutenable. En fait, la question majeure, c’est celle de la répartition. En gros, cela fait plusieurs décennies qu’on demande à la population française des efforts au nom de la compétitivité : voir stagner les salaires, accepter plus de flexibilité dans le travail, et donc plus de précarité, etc. Si on leur dit « désormais, il va falloir faire des efforts au nom de la sobriété, au nom de l’écologie », au nom de ce que vous voulez, c’est clair, ça ne va pas passer. Donc, pour enclencher le mouvement, il faut que l’essentiel des efforts, au moins au début, soit demandé aux classes supérieures. Ne serait‑ce que parce que ce sont les classes supérieures qui, en termes d’empreinte écologique en général, ont le poids le plus important. Les 10% des ménages du haut émettent deux fois plus de carbone pour le logement et le textile, trois fois pour les transports, quatre fois pour les biens d’équipement. Ça doit être aux classes supérieures de regarder le mode de vie des classes populaires pour s’en inspirer !

F. : Mais les classes sociales supérieures sont aussi celles qui sont les moins touchées par les problèmes économiques, sociaux, et même écologiques, dont elles se préservent plus facilement, en isolant leur maison par exemple. Elles ont l’écran plat, le dernier smartphone… Pourquoi changeraient‑elles aujourd’hui leur mode de vie ?

B.B. : Tocqueville parlait, avant la Révolution française, de « l’absentéisme de cœur » des nobles vis‑à‑vis des paysans. Une sorte d’indifférence. Je crois qu’il y a eu la même chose par rapport à la désindustrialisation. Elle a semblé justifiée pour des classes supérieures qui n’avaient en général aucun rapport avec les territoires concernés, ni avec les personnes concernées. Or ne pas prendre en compte la situation d’une partie importante de la population française au cours des dernières décennies est une catastrophe de classe ! Mais je crois que les choses sont en train de changer. Que le sentiment d’injustice se généralise. Il y a eu les Gilets jaunes, il y a eu la pandémie… Les sondages d’opinion montrent que, même chez les électeurs de François Fillon ou d’Emmanuel Macron, une partie non négligeable des gens trouvait scandaleux que les travailleurs de première ligne soient si peu payés. Qu’ils accepteraient un surcoût d’impôt pour que les aides‑soignantes et les infirmières soient augmentées. Ce sentiment d’injustice, je crois, n’a rien à voir avec ce qu’il était il y a encore cinq ou dix ans.

F. : Reste à convaincre nos dirigeants…

B.B. : Là, c’est autre chose. J’ai l’impression qu’aujourd’hui, le frein principal, ce sont en effet les gouvernants. Pour la classe dirigeante, « sobriété » = « catastrophe économique ». Pour eux, c’est complétement absurde. Il y a des raisons sociologiques à ça. C’est encore ce qu’on enseigne à Sciences Po, sans doute à l’ENA. Dans beaucoup d’institutions, quand on lit les journaux où on dit des choses sérieuses, Le Monde, Les Échos, quand on écoute les éditorialistes, c’est la tonalité dominante. Mais selon moi, le monde a changé et c’est avoir un train de retard que de vouloir encore mener cette bataille de la compétitivité.

F. : Tu parlais, tout à l’heure, d’intérêt de la nation mais est‑ce que nos dirigeants ne fonctionnent pas plutôt par idéologie pure ? Ou est‑ce qu’ils ne confondent pas les intérêts de la nation avec ceux des grands groupes français ? Parce que ces subventions dont on parlait, ces exonérations, vont bien quelque part, au final... Or la richesse s’accumule en haut, pour le coup. Avec une explosion des inégalités.

B.B. : Qu’il y ait des intérêts qui vont à l’encontre de ce que je préconise, des groupes de pression, c’est évident. Mais quand on regarde les discours, par exemple ceux d’Emmanuel Macron en 2016, il y a quand même une profonde conviction qu’on s’en sortira par la compétitivité, malgré toutes les crises. C’est vraiment son angle d’approche, qui n’a jamais, jamais varié. Et il est prêt à mettre en danger la suite de son deuxième quinquennat pour ça, à affronter une impopularité dans le pays, pour aller dans le sens de la compétitivité. Pour toujours baisser plus les impôts en haut de la pyramide sociale. J’ai l’impression que, chez lui, ça relève de la conviction. Et il est convaincu que la population française, par inculture économique, par habitude, par paresse ou par quoi que ce soit, n’est pas capable de se rendre compte que ses réformes de compétitivité sont nécessaires. Moi, mon pari avec ce livre, c’est de m’adresser au tiers de la population convaincue par ce qu’il fait, prêt à le soutenir. C’est à cette partie de la population française que je m’adresse, en disant que les personnes qui se prétendent aujourd’hui raisonnables ne me paraissent pas l’être tant que ça… Le décalage entre les efforts demandés et les résultats obtenus, je crois, participe en tout cas beaucoup au sentiment soit de résignation, soit de profonde colère. Les politiques menées sont de moins en moins crédibles.

F. : Ceci étant tous se disent d’accord, parmi nos dirigeants : il faut plus d’écologie, etc. Mais tous continuent d’ânonner « croissance, compétition, croissance, compétition ». Tu cites Bruno Le Maire, dans ton livre. Quand on lui parle de sobriété, sa réponse, c’est « Le ministre de l’économie n’est pas là pour dire aux gens vous devez faire ceci ou faire cela ». C’est effarant, ce renoncement politique…

B.B. : Parce que la consommation a été complètement abandonnée au consommateur individualiste. Alors même que la consommation a toujours fait partie du domaine législatif. Il y a eu des lois somptuaires, on taxe le tabac ou l’alcool...Pourquoi ? Parce que la consommation a un effet énorme sur la vie collective. Depuis quelques décennies, on s’est mis en tête qu’elle devait être la plus libre possible. Du coup, ce sont les industriels ou les grandes multinationales qui tirent la consommation dans une direction ou une autre, à travers la publicité, le marketing, la communication, puis les classes supérieures qui influencent celles du dessous par un phénomène d’imitation, et ainsi de suite… Ce que je propose, au contraire, c’est une réappropriation collective de la consommation, qui ne peut pas être laissée au marché, parce que c’est un élément clé de notre vie. C’est un acte social. Or si on mène des politiques volontaristes pour consommer moins de combustibles fossiles, en isolant les bâtiments par exemple, c’est aussi moins de pression sur le pouvoir d’achat. Idem si on change les normes pour avoir des véhicules plus sobres : ça revient moins cher. Alors – je me trompe peut‑être, hein – je pense que cette alternative, qui doit pouvoir être discutée démocratiquement, pourrait avoir plus facilement l’adhésion d’une majorité de la population que ce qui est proposé aujourd’hui par le gouvernement.

La sobriété gagnante, Benjamin Brice, Édition Librinova, 373 pages, 2022, 19,90Є