n° 116  

« Un euro, s'il vous plaît… »

Par Cyril Pocréaux |

Vous vous en êtes aperçu, si vous venez d’acheter votre canard préféré en kiosque : il vous a fallu débourser un euro de plus. On vous explique : c’est la faute à Bolloré...

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« Bon, j’ai vérifié, la dernière fois c’était en 2009.
– Y a seize ans !
– Quand on était passés en national… »

Un silence s’est installé autour de la table, un silence presque gêné. On s’est regardés. « Bon ben, oui, on va le faire, alors… » et on l’a fait : passer le prix du journal de 3 à 4 euros. C’est un crève-cœur, je vous l’assure, et on a lutté contre ça, contre une augmentation, pendant des années, alors même qu’on voyait nos coûts s’envoler. C’est pas qu’on a à en rougir : nos 32 pages le valent bien, on se dit, et comparé au tarif des autres journaux, on est encore largement sous les standards. On s’y est accrochés, vaille que vaille, à un tarif stable, malgré le prix du papier qui explosait, malgré le recrutement de plusieurs salariés très gourmands en pâté picard, en pâtes et en crèmes-dessert le midi.
Oui mais voilà : la donne a changé. Et le nouveau contexte porte un prénom, Relay, et un nom, Bolloré. Les Relay, ce giga-réseau de kiosques présents en particulier dans les gares et les grandes villes, sont passés sous le contrôle du milliardaire d’extrême-droite en 2022.

Ce n’est pas le seul pan du monde médiatique, certes, mais celui-là nous a fait mal, même si on n’a pas de suite vu venir la menace. On a fait le test, d’abord, presque pour rigoler, en allant dans les kiosques. Mais oui : Fakir disparaissait des présentoirs (comme d’autres canards de presse alternative, on n’est pas les seuls), au profit d’une litanie de titres très, très à droite, voire plus à droite encore. Là où on voyait, voilà quelques mois encore, cinq, huit, dix numéros de Fakir en bonne place, nous voilà relégués, cachés, dans un coin où personne ne pourra nous trouver, ou simplement négligemment laissés dans l’arrière-boutique. Les kiosquiers sont maîtres chez eux, en la matière.
Ça n’a pas manqué : alors qu’elles se maintiennent ailleurs (ce qui est déjà un petit exploit, vu l’effondrement de la presse papier), nos ventes plongent dans les centres-villes, ou autour des gares. Nos recettes aussi. Et notre équilibre budgétaire, déjà fragile, devient de plus en plus branlant.
Bref : on s’est dit que, si certains rechigneront peut-être, vous comprendriez. Et qu’en achetant Fakir, mieux, en vous abonnant, même pour un euro de plus, vous serez conscients, peut-être même contents, d’accomplir un acte militant, plus que jamais, contre Bolloré et son « combat civilisationnel ». Et qu’avec vous et votre euro en plus derrière nous, à la fin, c’est nous tous qu’on va gagner !

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