n° 115  

Une marionnette au service du peuple

Par Fabian Lemaire

Vous devez bien connaître Lafleur, depuis le temps qu’on vous en rebat les oreilles, de notre marionnette préférée. Non ? Pourtant, c’est une culture populaire, multi‑centenaire, résistant du Moyen Âge à la Seconde guerre mondiale, que porte notre irréductible valet… Ira‑t‑il jusqu’à l’Élysée ?

« Gilles Demailly (PS) arrache Amiens à de Robien. Le socialiste, président de l’université de Picardie, a mis fin à 19 ans de règne de l’ex-UDF Gilles de Robien à la tête de la ville » titrait le Parisien, le 16 mars 2008.

Ce soir-là, dans le local du rassemblement des forces de gauche « Unis et solidaires », la chanson Salutations révolutionnaires du Ministère des affaires populaires, avec Mouss et Hakim de Zebda, résonnait. Les sourires irradiaient.

Pourtant, avec l’équipe de Fakir, on ne s’attendait à rien de révolutionnaire, précisément.

On aspirait juste à souffler un peu, avec l’éviction de l’Hôtel de ville de l’ancien ministre de Jacques Chirac. Tout juste espérions-nous une ville un peu plus sociale, un peu plus vivable, loin des dépenses bling-bling et architecturales menées par un homme seul, sans concertation.

Sur le parvis de la Maison de la culture d’Amiens, la foule était rassemblée.

Engagés dans une campagne contre de Robien, les Fakiriens s’y trouvaient, eux aussi.

On m’avait demandé de dessiner Lafleur, le personnage emblématique de la ville et du quartier Saint-Leu, bottant les fesses de Gilles de Robien. Ce dessin, utilisé sur des tracts et en Une de notre numéro « spécial municipales », sobrement intitulé Le livre noir du robiénisme était désormais scotché, comme un symbole de victoire, sur les portes vitrées du bâtiment.

Notre botteur de fesses avait déjà été le symbole de Radio-Lafleur en 1980, première radio libre de la région, liée à la CGT. Il deviendrait ensuite, beaucoup plus tard, la mascotte du parti Picardie debout.

Aujourd’hui c’est Philippe Leleux, libraire, éditeur à Amiens, et premier abonné au journal en 1999 (qu’on lui décerne une médaille !) qui consacre un livre à ce cousin picard du Guignol lyonnais : Les cabotans d’Amiens, des marionnettes au service du peuple.

Les « cabotans » ? Ils trouvent certainement l’origine de leur nom dans le terme « cabotin », qui désigne un acteur de théâtre peu talentueux.

Mais alors qui est-il, ce Lafleur ?

« Un héros libertaire, bon vivant, paresseux au travail et courageux dans l’aventure, [qui] perpétue la morale traditionnelle joyeuse des quartiers populaires. » Entouré de sa compagne Sandrine, de Tchot Blaise, et de bien d’autres « compagnons de bois », il revendique la langue picarde, « bannie des écoles religieuses et publiques, la langue des petits, des ouvriers, des paysans, des laissés-pour-compte de la révolution industrielle qui roulait à toute vapeur. »

Et d’où vient-il ?

« Lafleur est-il un enfant du XVIIe et XVIIIe dont il porte encore les habits, ou du XIXe qui nous en donne, par les archives, une existence avérée sur les tréteaux amiénois. Il est par contre, assurément, descendant de ses ancêtres du Moyen Âge, quand les marionnettes, les petites Maries, animaient en nos églises des crèches ou des scènes bibliques. Dans toute l’Europe chrétienne, les jou

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