« Nan mais bon, qu’est-ce que tu veux y faire… Les Français voteront comme ça, et ce sera de pire en pire. C’est pas près de changer. »
Une atmosphère défaitiste imprégnait certains dans l’équipe ce jour-là, en mettant la table, dans le bruit des couverts en ferraille lâchés sur le bois. Et ça débattait, déjà, ça râlait, on sentait l’engueulade monter, doucement, entre les « Tu peux pas dire ça », les « On est là pour changer les choses, justement » et les « Tant pis pour eux »…
C’était un peu avant les élections européennes, c’était pas si loin : tout indiquait qu’on allait vers un raz-de-marée du RN. Et le grand vertige d’une extrême-droite au pouvoir ne nous était même pas encore tombé dessus…
Ça s’affairait en cuisine, certains commençaient à grignoter un morceau de pain debout, mais le cœur n’y était pas, avec les soucis du quotidien qui vous plombent, par-dessus tout ça. Bref : c’était pas la fête.
Au son des chaises qu’on tire, en s’asseyant pour attaquer l’entrée, on se lançait, sans s’en apercevoir, dans le grand débat du jour…
« Bah, c’est vrai que les gens sont plus tendus, plus méfiants. Et c’est pas nouveau. La société est plus stressée. Tout le monde se regarde de travers, on dirait.
— Moins solidaire, aussi, a repris Magalie : y a moins d’empathie. Dans les mails, ou même par téléphone, les gens râlent, i



