Scandale Vencorex : cette industrie (et ces emplois) qu’on assassine

Après tant d’autres, Vencorex. L’usine de chimie grenobloise, en redressement judiciaire depuis septembre 2024, ne sera pas reprise par ses salariés comme envisagé. Le tribunal de commerce de Lyon (et le gouvernement, par laisser-faire) ont préféré la laisser filer chez le concurrent chinois, quitte à sacrifier des centaines d’emplois.

Publié le 11 avril 2025

« On y a tellement cru qu’on ne s’y attendait pas. C’est vraiment nous couper l’herbe sous le pied alors qu’il nous manquait un mois pour finaliser le projet… ». Leslie, une salariée,se désolait, au micro de RadioFrance. Jeudi 10 avril, le tribunal de commerce de Lyon a rendu son verdict : l’usine de chimie sera reprise par le géant de l’industrie chinoise Wanhua, un de ses concurrents. Clap de fin pour les 500 salariés de Vencorex, installé au Pont-de-Claix, près de Grenoble. « C’est 120 ans d’histoire industrielle partie en fumée », soufflait au Christophe Ferrari, président de Grenoble-Alpes Métropole.

Vencorex, c’est une usine chimique sui produit en particulier un sel spécial essentiel pour les fusées spatiales et les missiles. Même si on n’est pas spécialement fan des armes, on peut comprendre l’intérêt stratégique d’une telle industrie, et le besoin de la garder dans le giron national. Or depuis septembre 2024, Vencorex est en redressement judiciaire. Pour éviter que l’entreprise ne tombe entre les mains d’investisseurs étrangers, trente-sept salariés se mobilisent alors et conçoivent en urgence un projet de société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) qui prévoit la sauvegarde de 300 emplois sur plus de 400.Le 6 mars 2025, les salariés demandent un délai, rien qu’un petit délai supplémentaire d’un mois afin de proposer un dossier pérenne, sans subir un calendrier trop rapide. Demande refusée par le tribunal de Lyon. « On était à deux doigts d’y arriver. C’est un grand gâchis, parce qu’on avait des solutions », raconte scandalisée, Séverine Dejoux, salariée et syndicaliste CGT. Hier, elle était devant l’usine pour manifester avec ses collègues. Mais la solution des salariés n’emballait pas le tribunal : « Pas viable, pas assez de trésorerie et de financement… »
De l’autre côté ? un géant avec une proposition de reprise par le groupe chinois Wanhua, via sa filiale hongroise BorsodChem. Une proposition plus adéquate, apparemment : le groupe promet d’investir 19 millions d’euros sur le site grenoblois d’ici à 2027 – et on sait bien que ces grands groupes tiennent toujours leurs promesses, hein. Bon, d’accord, ils ne conserveront que cinquante postes, contre les trois cents que visaient les salariés. C’est que les dividendes, ça ne monte pas tout seul, que voulez-vous. On n’est pas dans une coopérative, là !

« J’ai l’intime conviction que pour le ministre de l’Industrie cette affaire était pliée depuis le début. Depuis le début, l’État aurait dû être l’acteur de tout cela. Et pourtant, ce sont les salariés, les élus locaux et les acteurs du territoire qui se sont mouillés pour trouver une solution. En vain » continue de témoigner Christophe Ferrari au micro de RadioFrance

Le gouvernement n’a pas pris en charge le projet. Or, en plus de mettre en péril les salariés, des milliers d’autres emplois corrélés à l’activité de l’usine sont sur la sellette. Un effet domino qui, en plus des centaines de postes supprimés, en menace près de 6000 autres. C’est notamment le cas des salariés de l’usine Arkema et ses 2000 salariés qui, à quelques kilomètres de là, travaillent en relation directe avec Vencorex.
Le 14 avril prochain, une cinquantaine d’ouvriers retourneront sur leur site de travail. Pour des centaines d’autres, direction FranceTravail : le gouvernement français s’occupe d’eux, pas d’inquiétude…

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