Fronde sur les ondes

par Cyril Pocréaux 16/11/2020 paru dans le Fakir n°(94) Juillet-Août

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Les partisans de la 5G sont nombreux, et déjà organisés, donc.
Il faut dire, aussi : des centaines de milliards, qui y résisterait ?

Ce jour-là, après 48 heures après les conclusions de la Convention citoyenne sur le climat, Agnès Pannier-Runacher relevait le drapeau du progrès, sorte de Jean-d’Arc croisée du numérique et de la « compétitivité » réunis. « Oui, nous allons lancer les enchères de la 5G. Et nous lançons, pour être tout à fait sûr que nous sommes aussi responsables que les autres Etats qui sont en train de lancer cette technologie, qui est essentielle à la compétitivité de notre pays, une mission pour nous assurer que nous sommes bien au meilleur standard des pratiques environnementales en sanitaires. Nous le faisons pour le pays, nous le faisons pour notre industrie, nous le faisons pour les Français. » Alléluia !

A Bruxelles, la même frénésie règne, balayant d’un revers de main les avertissements du Comité scientifique de l’UE. La Commission pousse tout autant que la France : elle a investi, en 2013, 700 millions dans un partenariat public – privé pour faire avancer le projet, pour lever les contraintes. Dans son plan d’action de 2016, elle appelle les Etats à « supprimer les obstacles au déploiement des cellules de petite taille », déplorant en particulier la « variété des limites spécifiques relatives à l’émission de champs électromagnétiques ».
Et de sortir les arguments massues, en or massif : selon un document intitulé « Connectivité pour un marché unique numérique compétitif – Vers une société européenne du gigabit », d’après la Commission, « les recettes produites par la 5G dans le monde devraient représenter l’équivalent de 225 milliards d’euros en 2025 ».

Des centaines de milliards, qui y résisterait, donc ?

Eh bien voilà que des olibrius y résistent.
Pas seulement les ONG, Robin des Toits, Priartem, Le Criirem et autres, qui jusque là prêchaient dans le désert. Mais des partis politiques, qui s’interrogent, voire exigent eux également un moratoire. Martin Bouygues, lui-même, qui (sans doute poussé par des problèmes de trésorerie, mais allons-y, faisons feu de tout bois) juge préférable de reporter les enchères.

La CCC aussi, la Convention Citoyenne sur le Climat, au sortir du confinement, rendait ses conclusions, en ces derniers jours du mois de juin : des propositions à reprendre « sans filtre », avait assuré Emmanuel Macron.

Et la CCC, justement, dans sa proposition « Accompagner l’évolution du numérique pour réduire ses impacts environnementaux », jugeait essentiel « d’évaluer les avantages et les inconvénients de la 5G par rapport à la fibre avant et non après avoir accordé les licences pour son développement ». Et donc, logiquement : d’« instaurer un moratoire sur la mise en place de la 5G en attendant les résultats de l’évaluation de la 5G sur la santé et le climat ».
Le propos était clair.
Il était d’ailleurs repris, dans la foulée, par Elisabeth Borne, qui déclarait dans le JDD à propos de la 5G que « les citoyens demandent une évaluation des impacts en matière de santé et d’environnement. Il serait utile d’avoir l’évaluation de l’Anses, qui est attendue pour la fin du premier trimestre 2021. Avec Olivier Véran, nous venons de saisir le Premier ministre pour demander d’attendre cette évaluation avant le déploiement ».

Pourtant, pas un mot, dans le discours devant la Convention, pas une phrase d’Emmanuel Macron sur la 5G, ce lundi 29 juin. Il s’offrait trois « jokers », pas question de taxer les dividendes pour aider le climat par exemple, mais rien sur la 5G. Tacitement, donc, le moratoire était accepté… mais ça va mieux en le disant.

Résumons-nous, donc :
La CCC demande des rapports sanitaires et environnementaux avant d’accorder les licences pour la 5G.
Le Président lui-même dit implicitement accepter cette proposition.
La ministre de l’Ecologie, et le ministre de la Santé, demandent au Premier ministre d’attendre les évaluations prévues au printemps 2021 avant d’envisager tout déploiement de la 5G.
L’Anses déplore de ne pas avoir de données suffisantes sur le sujet.

Même pour lors des Municipales, le sujet est arrivé sur la table : pour décrocher la mairie, à Nantes, à Bordeaux, à Tours et ailleurs, les candidats se sont engagés en faveur d’un moratoire sur la 5G.
La bataille est déjà lancée, oui, et plus encore chez nos voisins que chez nous… « En Belgique, en Suisse, en Italie, en attendant d’éventuelles études d’impact sanitaire et environnementale sur ce nouveau risque de pollution électromagnétique, des villes ont pris les devants et décidé de geler le déploiement de la 5G sur leur territoire », raconte Maurizio Martucci, président de la Stop 5G Alliance, une alliance européenne fondée en 2019, et dont la branche italienne dépose déjà des plaintes dans la Péninsule. En Suisse, un moratoire a été décrété à Neuchâtel, comme dans d’autres endroits, et le canton de Vaud a voté le gel d’installation des antennes 5G dans ses communes. En Belgique, la ministre de l’environnement de la région Bruxelles-Capitale jugeait l’an passé « impensable pour [elle] de permettre l’arrivée de cette technologie si [elle ne peut] pas assurer le respect des normes protégeant les citoyens. Les Bruxellois ne sont pas des souris de laboratoire dont je peux vendre la santé au prix du profit ».
Les Bruxellois, non.
Les Français, oui, apparemment.

Qu’on se le dise : la bataille ne fait que commencer.

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