Corruption : 26 ministres ou proches de Macron impliqués depuis 2017

Par L'équipe de Fakir |

La France figure désormais parmi les pays « risquant de perdre le contrôle de la corruption », et « ce signal d’alerte témoigne d’une multiplication des conflits d’intérêts et des affaires de corruption dans un contexte de crise institutionnelle ». Elle est aussi le théâtre d’une « multiplication des conflits d’intérêts entre l’État et les lobbies ». C’est le dernier rapport de l’ONG s’inquiète Transparency International qui dresse ce constat, dernier fait d’armes de la Macronie…

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Le rapport le souligne, d’ailleurs : 26 ministres ou proches collaboratrices ou collaborateurs d’Emmanuel Macron sont impliqués dans des affaires politico-financières depuis 2017.
Un constat terrible pour la démocratie, aussi désespérant qu’inquiétant.
Quand Macron, pour se faire élire, promettait la « République irréprochable »...
On comprend mieux que le chef de l’État ait écarté le principe républicain qui consistait à ce qu’un ministre mis en examen démissionne du gouvernement : il n’aurait plus assez de candidats, parmi ses proches. Et tant qu’à faire, autant y aller franco : le voilà qui nomme désormais des ministres poursuivis, ou accorde la Légion d’honneur à plusieurs personnalités ayant été aux prises avec la justice. Sans compter, on allait presque l’oublier, que « le Parquet national financier a récemment ouvert deux informations judiciaires sur les comptes de campagne d’Emmanuel Macron en 2017 et 2022 », rappelle Transparency.
Alors, si on ne peut pas faire la litanie exhaustive des affaires de la Macronie (l’hébergeur de notre site n’a pas assez de place), on vous en remet quelques-unes ici, dont les plus récentes, pour deux ministres en exercice…

Janvier 2025 : l’affaire Bergé

31 janvier 2025 : la Cour de justice de la République (CJR) annonce ouvrir une information judiciaire pour faux témoignage contre Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Bergé avait récusé, sous serment, tout lien personnel avec une lobbyiste des crèches privées, alors qu’elle était ministre des Solidarités et des Familles. À l’époque, auditionnée sous serment sur le « modèle économique des crèches », elle niait tout « lien personnel, intime ou amical, ou accointances » avec la déléguée générale de la Fédération française des entreprises de crèches (FFEC), Elsa Hervy. Or l’enquête « Les Ogres » du journaliste Victor Castanet avait dévoilé des SMS et un « pacte de non-agression » conclu entre Bergé, alors ministre, et Hervy pour « étouffer l’incendie » du scandale des crèches privées maltraitantes et « s’épargner mutuellement ». Le 9 octobre 2024, l’Assemblée nationale avait déjà engagé des poursuites contre la macroniste, ex sarkozyste, ex filloniste, etc.

Janvier 2025 : l’affaire Tabarot

Nommé le 23 décembre dernier ministre des Transports, Philippe Tabarot n’aura pas attendu longtemps pour faire parler de lui : le 13 janvier, il est visé par une enquête pour détournement de fonds publics et prise illégale d’intérêts. L’enquête porte sur ses postes à la commune du Cannet, notamment dirigée par sa sœur entre 1995 et 2017.
Philippe Tabarot a en effet été directeur du groupe d’intérêt public (GIP) touristique et culturel de la ville d’avril 2018 à juillet 2020. Parallèlement, il est aussi chargé de communication dans la commune, et élu au conseil régional de Provence – Alpes – Côte d’Azur. Tabarot aurait-il profité de sa position dans la commune pour bénéficier d’avantages indus, s’interroge le Parquet ? S’agissait-il d’emplois fictifs ? Comme le révèle Libération fin décembre, le ministre aurait aussi perçu de coquettes rémunérations en tant que collaborateur de la mairie de Cannet sous la direction de sa sœur en 2016 : 95 000 euros net annuels. On ne sait pas encore s’il a prévu d’embaucher sa sœur au ministère des Transports, histoire de continuer à travailler en famille.

Février 2024 : l’affaire Le Maire

En février dernier, on apprenait qu’une enquête préliminaire du parquet de Paris visait le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, dans le cadre de la prolongation en 2015 des contrats passés par l’État avec les sociétés d’autoroute sous l’autorité d’Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie.

Juin 2023 : l’affaire Firmin Le Bodo

L’ex-ministre est visée depuis juin 2023 par une enquête préliminaire pour avoir reçu des cadeaux non déclarés de la part d’un laboratoire pharmaceutique en tant que pharmacienne au Havre. Elle est sous la menace de sanctions disciplinaires de l’ordre des pharmaciens, de poursuites pénales passibles d’un an d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, ainsi que d’un redressement fiscal sur les cadeaux non déclarés.

Mai 2023 : l’affaire Schiappa

En mai 2023, le Parquet national financier a ouvert une information judiciaire pour « détournement de fonds publics par négligence », « abus de confiance » et « prise illégale d’intérêts » dans l’affaire dite du « fonds Marianne ». L’enquête est toujours en cours. En parallèle, un rapport de l’inspection générale de l’administration a déploré un « fléchage (…) en amont du processus », qui faussait l’appel à candidatures en faveur de personnes de l’entourage de l’ex-secrétaire d’Etat.

Septembre 2021 : l’affaire Buzyn

L’ex-ministre de la santé Agnès Buzyn a été mise en examen pour « mise en danger de la vie d’autrui » par la Cour de justice de la République, qui enquête sur la gestion de l’épidémie de Covid-19. En janvier 2023, elle est finalement placée sous le statut de « témoin assisté » pour « abstention volontaire de combattre un sinistre ».

Juillet 2021 : l’affaire Dati

Rachida Dati a touché environ 900 000 euros (hors taxe) d’honoraires pour assister Carlos Ghosn dans « la détermination de la conduite de la politique d’extension internationale » du groupe. Les enquêteurs la soupçonnent de s’être livrée à une activité de lobbying, pourtant interdite aux élus du Parlement européen. Elle a été mise en examen en juillet 2021 pour « corruption passive », « trafic d’influence passif », « recel d’abus de pouvoirs » et « recel d’abus de confiance ».

Juillet 2021  : l’affaire Dupont‑Moretti.

Janvier 2021  : une enquête pour prise illégale d’intérêts est ouverte. Éric Dupont‑Moretti est accusé d’avoir usé de son autorité de ministre de la Justice pour régler ses comptes contre des magistrats. Tout en estimant que le garde des sceaux était « en situation objective de conflits d’intérêts » et que ses décisions étaient matériellement constitutives de « prises illégales d’intérêts », la cour a jugé que le ministre n’avait pas connaissance de cette situation. La Cour de cassation a annoncé le 4 décembre 2023 qu’elle ne formerait pas de pourvoi.

Juin 2020  : l’affaire Kohler.

Jusqu’en 2016, Alexis Kohler, alors adjoint d’Emmanuel Macron au ministère de l’économie, supervisait les dossiers de la société MSC, deuxième acteur mondial du fret. Une compagnie dirigée par son cousin, et qu’il allait d’ailleurs rejoindre en 2016. L’enquête aboutit cette fois à sa mise en examen pour « prise illégale d’intérêts » en septembre 2022. L’enquête étant close, le PNF doit se prononcer prochainement sur un possible renvoi devant le tribunal correctionnel.

Décembre 2019  : l’affaire Delevoye.

Treize  : c’est le nombre de mandats que le haut‑commissaire à la réforme des retraites a «  oublié  » de déclarer à la HATVP, dont certains le plaçaient en situation de conflit d’intérêts direct. Il est condamné, en décembre 2021, à quatre mois de prison avec sursis et 15 000 euros d’amende.

Novembre 2019  : l’affaire Blanquer ‑ Avenir.

Libération et Médiapart révèlent que Jean‑Michel Blanquer a téléguidé la création du syndicat Avenir Lycéen. Ce dernier a été largement subventionné, et a dilapidé 65 000 € en frais de bouche et hôtels de luxe en 2019. Le rapport de l’IGEN, commandé en juillet 2021, a confirmé les malversations financières au sein du syndicat et souligne un manque de contrôle au sein du ministère. La plainte déposée pour « trafic d’influence » à l’encontre de Jean-Michel Blanquer a été jugée irrecevable par la Cour de justice de la République en juin 2022.

Juillet 2018 : l’affaire Benalla.

Le public découvre l’existence d’Alexandre Benalla, filmé frappant des manifestants. Des révélations tombent sur les privilèges du garde du corps du Président  : salaire, voiture de fonction, impunité… Emmanuel Macron le couvre  : «  Le responsable, c’est moi. Qu’ils viennent me chercher  !  » Ce que les policiers cherchent, eux, en fouillant l’appartement de Benalla, c’est son coffre‑fort, disparu entre deux perquisitions. Personne ne sait, à ce jour, encore, ce qu’il contenait. Au cours de l’été suivant, on apprend qu’Alexandre Benalla a utilisé ses passeports diplomatiques, qu’il était censé rendre à l’Élysée, à 23 reprises sur les deux derniers mois. Malgré ce cas d’école de barbouzerie au service personnel du Président, la commission d’enquête de l’Assemblée met un terme à ses travaux sans produire le moindre rapport. Le Parquet, lui, se refuse toujours à mettre Benalla en examen, ou d’étendre l’enquête à son coffre‑fort. À noter que le procureur de Paris, Rémy Heitz, a été nommé en novembre 2018 grâce à Macron…

Février 2018  : l’affaire Darmanin.

Pour la deuxième fois, une femme porte plainte contre Gérald Darmanin, entre autres pour extorsion de consentement sexuel, escroquerie au consentement sexuel, viol. Le ministre est accusé d’avoir demandé des faveurs sexuelles pour instruire une demande de logement social. Au terme de l’enquête préliminaire, il ne sera pas mis en examen.

Juin 2017  : l’affaire Ferrand.

Le ministre de la Cohésion des territoires, Richard Ferrand, démissionne à peine nommé : on apprend qu’il aurait attribué, en 2011 alors qu’il était à la tête des Mutuelles de Bretagne, un marché public à l’entreprise de sa compagne, en plus de soupçons d’emploi fictif à l’Assemblée pour son fils. Un piston à son fiston qu’il a justifié ainsi : « En Centre-Bretagne, ce n’est pas simple de trouver un jeune, volontaire, pour travailler cinq mois, qui sait lire et écrire correctement, aller sur internet. » Il fallait oser... En 2019, celui qui est devenu entre‑temps président de l’Assemblée nationale est mis en examen par le parquet de Lille pour prise illégale d’intérêts dans l’affaire des Mutuelles de Bretagne. Il refuse de démissionner. En 2022, l’affaire a été déclarée prescrite par la justice, sans être jugée sur le fond. Et c’est ce modèle de probité qu’Emmanuel Macron a proposé, le 10 février 2025, pour être le gardien en chef de notre Constitution ?

Juin 2017  : l’affaire Pénicaud – Havas – Macron.

L’office anti‑corruption perquisitionne les locaux de Havas, propriété du groupe Bolloré, et de Business France. Muriel Pénicaud, directrice de Business France en 2016, avait confié sans appel d’offres à Havas l’organisation d’une soirée à Las Vegas à la gloire d’Emmanuel Macron, alors ministre et futur candidat. Un contrat de 380 000 €, dont 100 000 de frais d’hôtel. Muriel Pénicaud deviendra ensuite ministre du Travail de Macron. Elle est, depuis décembre 2023, mise en examen pour « complicité de favoritisme ».