« Les Charognards », ou le sale business de la mort. Comment les grands groupes ont détourné le service public des obsèques.

« Un défunt est un produit marchand. » Dans le livre-enquête « Les Charognards » (Seuil) sorti le 17 octobre, les journalistes Brianne Huguerre-Cousin et Matthieu Slisse racontent la transformation du secteur funéraire, pourtant service public, en une « industrialisation du chagrin » et une « course effrénée à la rentabilité ».

Publié le 22 octobre 2025

Erreurs dans le traitement des dépouilles, arnaques sur le dos des familles endeuillées, tarifs qui explosent… On pourrait appeler ça « Comment les grands groupes ont détourné le service public des obsèques », et c’est un peu le fil du livre-enquête « Les Charognards », de Brianne Huguerre-Cousin et Matthieu Slisse. Ou comment, plus de trente ans après son ouverture à la concurrence, le marché de la mort est aujourd’hui dominé par deux mastodontes, OGF (PFG) et Funecap (Roc Eclerc), qui maîtrisent la chaîne de bout en bout : ils organisent une cérémonie funéraire sur trois en France, gèrent la plupart des crématoriums, fabriquent les cercueils et appareils de crémation, et forment les agents funéraires… Dans ces « empires de la mort », détenus par des fonds d’investissement, les employés ont pour mission de « tirer profit » de la mortalité en hausse en France, au prix de méthodes inavouables que les auteurs mettent ici en lumière, comme cette spéculation sur les obsèques. Entre 2019 et 2023, leur coût moyen en France est ainsi passé de 3815 à 4730 €, une hausse de 24 %, d’après une étude de Silver Alliance et Simplifia.

Les Charognards. Pompes funèbres : enquête sur le business de la mort.
Brianne Huguerre-Cousin et Matthieu Slisse, Seuil, 2025.

Ça nous a rappelé nos rencontres avec Sonia, Stéphane et les autres parents assommés par des frais d’obsèques exorbitants après le décès de leur enfant.

Ça avait commencé en 2019…

« Je suis la maman d’un enfant de sept ans atteint d’un cancer depuis deux ans et demi. » C’est Sonia, la première, qui nous avait raconté ce calvaire, sur le rond-point du Cannet-des-Maures. Et comment à la douleur s’ajoutait souvent la misère…
« La maladie, on a presque honte de le dire, mais ce sont aussi des gros ennuis financiers. Ça s’ajoute à la peine. Depuis onze mois, je suis tous les jours à l’hôpital, je dois faire des allers-retours avec ma voiture, je ne peux pas travailler… Alors qu’en plus, il y a des frais assez lourds : par exemple, à cause de ses allergies, je dois faire des efforts sur la nutrition, ça me fait 400 € en plus, non remboursés par la Sécu. Heureusement, j’ai une amie à la Mutualité sociale agricole, elle s’est débattue pour moi avec Pôle emploi, avec la Caf, etc. Moi toute seule, je n’aurais pas réussi, même pas essayé, je n’ai pas d’énergie à mettre dans les papiers. C’est un vrai emploi, de remplir les dossiers, de les défendre, d’apporter les pièces complémentaires… Quand tu as l’esprit ailleurs, dans les soucis de ton gosse, tu abandonnes. Par la fédération Grandir sans cancer, je connais plein de familles qui renoncent aux aides, parce qu’elles n’ont pas la force, pas le temps. À la place, elles vivent de revenus associatifs, de la générosité publique… C’est plus simple de monter une asso, de monter un financement participatif que de faire valoir ses droits ! Mais le pire, à la fin, et je sais que ça paraît glauque, le pire, ce sont les frais d’obsèques : 3 350 € en moyenne. Moi, je mets de côté tous les mois, sur mes allocations. C’est effrayant, de préparer comme ça l’enterrement de ton enfant encore vivant. Mais il y a des parents qui n’avaient plus rien, les huissiers les ont poursuivis… Tu imagines ? Faudrait que tu rencontres Stéphane, à Bordeaux, c’est le président de Eva pour la vie. Quand les familles ne peuvent pas payer, les assistantes sociales, ou la Ligue contre le cancer renvoient vers Stéphane… »

Alors, Cyril a fait son sac, et pris la route de la Gironde.

La place de la Victoire et ses terrasses de café sont inondées de soleil, comme ouvertes à un bonheur printanier.
« Corinne, ma femme, le dit souvent : ‘‘Je souhaite à toutes les femmes de vivre une grossesse et un accouchement comme je les ai connus. » Tout s’est bien passé, de ce côté-là. Eva était née dans des conditions parfaites. C’est drôle, presque, quand on repense à ça, maintenant… »

Lire la suite de l’article : « Le pire, ce sont les frais d’obsèques… »

Articles associés

Pour ne rien rater, inscrivez-vous à la

NIOUZLAITEUR

Les plus lus

Les plus lus

Retour en haut

Dans ce numéro