Fakir : Pourquoi vous être penchée sur le sort des micro-travailleurs de l'IA ?
Emmanuelle Mazuyer : Beaucoup de recherches ont déjà été faites sur les travailleurs des plateformes classiques, les chauffeurs, les livreurs, etc., mais peu sur les plateformes proposant des micro-tâches de travail. Ce qui nous intéresse, c'est tout ce que cela engendre en termes de remise en cause de droit du travail, de nos modèles d'encadrement, par rapport au salariat où l'on est payé au temps et pas à la tâche, ce qui était une grosse revendication des syndicats au XXe siècle. Il n'y a pas de collectifs, de syndicats, de liens entre les travailleurs. C'est ce qui se passait au XIXe siècle dans l'industrie textile, quand les patrons venaient déposer les ouvrages chez les couturières en début de semaine et les récupérer chez elles en fin de semaine. Ce modèle est exportable, car quasiment toutes les tâches de service, et même intellectuelles, peuvent être divisées, subdivisées en micro-tâches – j'appelle ça du micro-taylorisme du XXIe siècle. À la limite, en tant que chercheuse, on pourrait me payer à la ligne pour mon rapport de recherche. Pour moi, cela représente un danger, sans compter que les micro-tâcheurs travaillent sans aucun statut.
Fakir : Ils sont considérés comme des clients, c'est ça ? Alors qu’ils travaillent pour une plateforme ?
Emmanuelle Mazuyer : Oui, comme de simples consommateurs, puisqu



