Fakir : Ce qui m’a d’abord frappé, à propos des « filles du coin » que vous avez rencontrées, c’est qu’on ne parle tellement jamais d’elles dans le débat public qu’elles ne se sentent pas légitimes, on dirait…
Yaëlle Amsellem-Mainguy : Oui. Ce qui est intéressant, c’est que les filles de ces coins ont été surprises de mon intérêt : « Pourquoi tu veux venir nous voir ? » Quand tu viens des classes populaires, tu ne te sens pas légitime à parler de politique. Tu considères que ton point de vue n’est pas suffisamment construit : « Je n’ai pas fait d’études, donc je ne parle pas politique, et je n’attends rien de la politique. »
Mais en fait, quand tu creuses un peu, les filles du coin ont beaucoup d’attentes politiques. Un exemple : la semaine dernière, une fille du coin m’a dit « les congés menstruels pour endométrioses mis en place à Grenoble, y a pas d’autre priorité ? La vraie urgence, ce ne serait pas toutes les usines qui ferment ? » Elles partent du concret, de leur quotidien : beaucoup préfèreraient vivre au bourg, car il y a des services publics. [NDLR : L’Insee compte 22 millions d’habitants en « zones rurales », 10 millions dans « les bourgs », et 12 millions dans le « rural très dispersé ».]
Fakir : La question de l’accès aux services publics revient souvent ?
Yaëlle Amsellem-Mainguy : Oui ! Et quand je leur