« Un soir, à minuit on se retrouve avec une famille, sans solution. Du coup on va aux urgences pédiatriques, avec la maman et ses trois filles. Les enfants s’étaient endormis sur des petits tapis de l’hôpital, sous des couvertures de survie. Mais les agents ont menacé d’appeler la police… On est sorti pour éviter un traumatisme aux enfants. On a été virés par l’hôpital ! Ce soir-là, j’ai ramené la famille chez moi à trois heures du matin. »
Notre copine Sybille Luperce, bénévole au Réseau Education Sans Frontières (RESF) de la Somme, en a gros sur le cœur. C’est que, depuis plusieurs semaines, les familles à la rue sont de plus en plus nombreuses, dans la capitale picarde. « Tous les soirs on a des familles, des femmes et des enfants… dehors, sans solution d’hébergement. Alors même que la trêve hivernale a commencé le 1er novembre… Je passe toutes mes soirées à chercher des solutions, et ça fait des mois et des mois que ça dure. »
Et tous les soirs, à partir de 19h30, quand l’accueil de jour ferme, c’est le même ballet : plusieurs familles se réfugient à la gare d’Amiens, en attente d’une réponse du 115. « Elles appellent une première fois le matin, puis elles rappellent à 14h, puis à 19h30 pour connaître leur orientation. Là, beaucoup n’ont pas de place. On leur dit de rappeler à 21h, 22h, 23h… » Et la gare d’Amiens ferme à minuit. « Entre minuit et l’ouverture de la gare, à 5h du matin, c’est la rue, quoi. Un papa dort dans des cages d’escalier avec son fils. Des femmes seules se retrouvent dehors avec des enfants. Mais c’est pas à nous de mettre les gens à l’abri, on le fait car on ne veut pas les laisser à la rue, mais c’est le rôle de l’État… »
Pourtant, côté préfet, circulez, il n’y a rien à voir. « Lors des maraudes effectuées ces derniers jours, aucune femme avec enfants n’a été vue par le SAMU social », assurent les services de la Préfecture. Il faut oser, quand même, quand les bénévoles rament sur le terrain. « Un soir de novembre, j’ai appelé la maraude, reprend Sybille, il y avait six familles, six pour une seule place, et encore, peut-être pas disponible : c’était la place pour femme victime de violence. Aucune famille à la rue monsieur le préfet ? Ben c’est faux, tout simplement. J’ai un relevé. On va devoir répondre au préfet pour ne pas laisser dire qu’il n’y a pas de problème. » Et ce relevé, il est long comme le bras d’un ministre… Le 13 décembre, mise à l’abri de madame Mankuru et de ses quatre enfants, sans solution à la gare. Depuis, c’est RESF qui leur vient en aide tous les soirs. Les 14, 15 et 16 décembre, c’est madame Mukamisha et ses deux filles que l’association secourt. Pendant plus d’un mois, l’association aide madame Kitia et ses quatre enfants. Et ainsi de suite… « Quand le préfet dit ‘‘tout va bien’’, non tout ne va pas bien… » Et c’est un euphémisme. « On est à Amiens, c’est une grande ville, mais parfois sans aucune porte à pousser pour un abri. Il n’y a pas de refuge, c’est ça qui est terrible. C’est vraiment la misère. Pourtant, il y a combien de bureaux vides ? » L’hiver dernier, au moment d’une grosse tempête, la mairie avait ouvert la salle Saint-Honoré, avec des lits de camp. La mairie attend quoi ? « Quand on leur parle de réquisitionner, ils disent que c’est pas aux normes. Comme si la rue était aux normes… » Alors, les mamans avec enfants vont dormir dans des parcs – comme le parc Saint-Pierre – en plein hiver, dans la sixième puissance mondiale. Alors que 10 700 logements seraient vacants dans le coin, selon un rapport d’Amiens Métropole.
Mais si on devait faire des cadeaux à Noël, ça se saurait, non ?
Pas de sapin (ni de toit) pour les gamins
Alors que le gouvernement Bayrou ne compte aucun ministre dédié à l’enfance, à Amiens, plusieurs familles et enfants ont encore passé Noël dehors, dans la rue ou les parcs de la capitale picarde. Même si le préfet affirme le contraire.

Publié le 27 décembre 2024
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