En guerre contre les pauvres

Cachez cette misère que je ne saurais voir ! À Amiens, la maire UDI et soutien de Macron, Brigitte Fouré, vient de sortir un arrêté anti-mendicité aux abords des commerces du centre-ville. « Je pense qu’on peut mettre en place cet arrêté, maintenant qu’on a mis en place le plan pauvreté », s’est justifiée l’édile. Pratique le « en même temps » à la sauce Macron ! Surtout que ce plan ne prévoit rien pour les personnes à la rue… qui seront donc priées d’être pauvres ailleurs que devant les magasins et les passants. On vous partage le texte de Fabian, dit « chef », notre dirlo’ de publication, rédigé pour l’occasion.

Publié le 28 mars 2024

« Prisunic », c’était le nom de magasin où ma mère nous emmenait parfois « faire les courses », dans la petite ville d’Albert.
En ce jour du début des années 80, poussant son caddy, elle descendait la rampe d’accès froide en béton, avec barrière métallique, qui mène au parking. Le geste m’avait paru anodin
quand elle avait laissé quelques pièces à un homme assis au sol.
J’avais pourtant vu son regard s’illuminer, plein de gratitude, comme s’il venait de vivre l’un des plus beaux moments de sa vie.
Ce souvenir, impérissable, restera gravé dans ma mémoire.
« Vous voulez de l’eau? »
C’est mon fils, en ce jour de grosse chaleur de juillet, et quarante ans plus tard, qui s’adresse naturellement au monsieur faisant la manche à l’entrée du Carrefour à Saint-Pierre.
Il avait sourit en nous voyant arriver. Faut dire, je soupçonne la mère du fiston de lui acheter régulièrement des produits à l’intérieur du magasin. Et puis, il m’arrive de lui filer parfois un peu de monnaie. Ou une boîte de lentilles. Il aime ça, les saucisses lentilles.
Ma compagne lui a donc acheté un pack d’eau, que je lui ai déposé en sortant.
Il a voulu me serrer la main, plein de reconnaissance.
Et je suis reparti, en me demandant si ce n’était pas nous qui lui devions quelque chose, alors qu’il nous permet de nous montrer sous notre meilleur jour.
En descendant la rue, cet air de Sarclo me trottait dans la tête:
« Ainsi de l’aveugle et du chien
Qui donc est le nécessiteux?
Et du malade et du médecin
Le plus libre des deux?
Que serait Kouchner sans la guerre?
Et Thérésa sans Calcuta?
C’est en hiver que l’abbé Pierre
Peut faire un tabac. »

(Ce texte je l’avais écrit il y a quelques années, mais la ville d’Amiens, en annonçant vouloir mettre en place un arrêté anti-mendicité à titre expérimental, entre mai et août 2024, me pousse à l’illustrer).

Articles associés

Pour ne rien rater, inscrivez-vous à la

NIOUZLAITEUR

Les plus lus

Les plus lus

Retour en haut

Dans ce numéro