Un champ d’éoliennes allait empêcher les chauves‑souris de forniquer dans le bois voisin, et ça foutait le voisinage en rogne. Du coup, on s’est demandé ce qui clochait dans le monde des énergies renouvelables. Jusqu’à découvrir qu’en guise de projet, nos élites préfèrent dérouler le tapis rouge aux grands groupes. Et brasser, encore et encore, du vent.
« Ils ont pensé : « C’est des paysans, ils savent pas lire, on va sortir le carnet de chèques et leur marcher dessus ». Manque de pot, ils sont tombés sur un os… » Jean Christophe, je l’avais déjà rencontré l’été dernier, dans son corps de ferme perdu au milieu de la forêt de sapins, à flanc de crête, dans le Rhône. Cet été, j’étais repassé le voir. Il sourit, en coin, mais pas trop non plus. « S’ils viennent chez nous, c’est parce que c’est très rural, et pauvre. Pour eux, c’est plus facile de s’imposer ici plutôt qu’en bas, plus près de Lyon, où le niveau social est plus élevé. Mais ici, il y a des paysans, des éleveurs, un banquier à la retraite, des artistes. On sait tous lire. On n’est pas des décérébrés. »
L’objet de sa colère, c’est le projet dit des Monts d’Éole, un parc de six éoliennes qui doit s’installer près de chez lui. Il est las, Jean Christophe, comme ses camarades de lutte et les associations de riverains. Malgré l’avis défavorable de l’enquête d’utilité publique, les deux nouvelles préfètes nommées en début d’année viennent de donner leur accord au projet. Alors depuis le début de l’été, il épluche les milliers de pages du dossier, pour débusquer des incohérences dans les rapports d’étude sur l’impact environnemental, repérer les atteintes à l’environnement passées sous silence, les espèces de chauve souris menacées, jusqu’à quinze heures par jour. « Je dors plus à cause de ça. Tu vois, cette nuit je me suis levé à 1h30 pour travailler jusqu’à 4h30. Et là, il est quoi, 15h ? J’ai déjà sept ou huit heures de boulot derrière moi. Ça m’affecte beaucoup, cette histoire.
— Il faut pas y toucher, à tes chauves souris, hein ?
— Elles sont chouettes, je les adore ! Tu savais que vers la fin de l’été, elles font des regroupements sociaux pour copuler ? On appelle ça le « swarming », des grandes partouzes dans les bois ! Mais si on coupe les arbres à ce moment là, comme ils ont prévu de le faire, y’en aura plus, de swarming, donc plus de chauves souris. »
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