"Si on n'utilise pas nos cerveaux, c'est nos corps qu'on va utiliser : la prostitution pour nous sauver." Grâce est toute jeune, seize ans, sa voix tremble, face au public lillois, dans cette réunion publique. Depuis la République Démocratique du Congo, Grâce a fait la route toute seule. Elle descend de la tribune, je vais à sa rencontre. Elle se confie, la voix encore tremblante. "Je suis contente de mon discours, mais je ne veux pas repenser à ce que j'ai vécu dans le passé. Ça me rend trop triste."
Dans cette réunion publique à la Bourse du Travail de Lille, les destins ne s'exposent guère : les gamins qui sont là parlent surtout de l'avenir, qui leur semble un brin bouché.
Et pourtant, ça va nettement mieux qu'avant.
Cette histoire, elle avait commencé deux mois plus tôt, en ce qui me concerne…
Amiens, 5 décembre 2024.
"On s'apprêtait à manifester mais on vient de recevoir une réponse : tous les jeunes vont être logés ! Enfin !" Stéphane crie à l'autre bout du fil, ça grésille dans le téléphone. Stéphane, c'est un ami de Fakir, et membre du Comité des sans papiers (CSP59) à Lille. Des mois qu'avec l'aide des habitants du quartier des Bois Blancs, ils aident des jeunes mineurs isolés à se nourrir, se laver, à étudier. Près de quatre-vingts jeunes entassés dans un camp de fortune, sous des bâches, parmi les rats. "Heureusement qu'ils ont un logement ce soir, il fait froid, l'hiver est déjà bien installé. Pour certa