Retraite : 66% des salariés pour le retour à 60 ans

On peut le prendre dans tous les sens : deux tiers des Français sont, encore et toujours, favorables à l’abrogation de la « réforme » des retraites qui oblige à travailler deux ans de plus. Comme Jean-Pierre, qui dans sa raffinerie, « nettoie un bac entier de merde », à 67 ans…

Publié le 16 avril 2025

« Là, je suis sous-traitant dans le pétrole, mais j’ai fait quinze ans chez Pitard, mécanicien pour engins agricoles, carrossier pendant vingt-cinq ans », râle Jean-Pierre dans le hall de son bâtiment. Ce grand moustachu aux cheveux blancs, on l’avait rencontré à Donges, en Loire-Atlantique (voir dossier du Fakir 114).
On discutait politique devant sa porte, je n’arrivais pas à deviner son âge, à Jean-Pierre. Il me paraissait en grande forme, mais les traits de son visage semblaient le trahir. « J’ai 67 ans. Et bosser deux ans de plus avant la retraite, c’est dur. Certains boulots, comme dans le pétrole, c’est même très, très dur. À la raffinerie, quand tu nettoies un bac entier de merde, personne ne veut le faire. » À 67 ans, il bosse encore. ça m’a donné le tournis.

La CGT révélait en début de semaine un sondage sur les retraites, et les chiffres parlent d’eux-mêmes : les Français en ont ras-le-bol. Ils sont 6 sur 10 à penser ne pas pouvoir tenir jusqu’à 64 ans et à se prononcer pour un retour de la retraite à 62 ans. Pire encore, 4 salariés sur 10 craignent d’être licenciés avant 64 ans. Deux ans après son adoption à coups de 49.3, la « mère des réformes », comme l’appelait Emmanuel Macron, n’a de cesse de revenir sur la table depuis 2023, perçu comme un “vice social” et un “déni démocratique” par les syndicats, dont la CGT, et la population. À l’heure actuelle, 68 % des Français soutiennent même l’idée d’un référendum sur les retraites pour s’opposer à cette réforme jugée autoritaire.

« Avec 700 euros de retraite, tu ne fais rien ! Alors t’es obligé de travailler », m’explique Janine en buvant son café. C’est une ancienne Gilet Jaune, Janine. Et depuis 2015, le début de sa retraite, elle n’a jamais cessé de bosser. À 78 ans, elle estime avoir assez donné. « J’ai travaillé depuis mes seize ans. Je faisais des semaines de 72 heures. Je cumulais plusieurs jobs. Dans la même journée j’étais éboueuse, agent d’accueil chez Bouygues… » Et il y a encore quelques mois, elle se levait au milieu de la nuit pour distribuer le journal du coin dans les boîtes aux lettres. Dans sa poche : vingt centimes par journal déposé, le gasoil à ses frais. Épuisée, elle a décidé de tout arrêter.

Comme Janine, 78 % des Français sont pour l’augmentation générale des salaires qui augmentera mécaniquement les cotisations retraites.

Comme Janine et Jean-Pierre, ils sont 76 % des ouvriers à réclamer une retraite décente à 60 ans…

En février dernier s’ouvrait un fumeux « conclave » sur les retraites, à la demande du Premier ministre, François Bayrou. L’occasion de « remettre en chantier » la réforme contestée ? Non, puisque le Premier ministre avertissait, alors que les discussions avaient déjà débuté : « Pas question de revenir à l’âge de départ à 62 ans. » A quoi bon conclaver, alors ? Le 19 mars, la CGT claquait la porte, suivie par Force ouvrière et l’Union des entreprises de proximité. « le Premier ministre et le patronat ont malheureusement définitivement enterré ce conclave », soupirait Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT. « c’est très grave, parce que le Premier ministre s’était engagé à ce que ces discussions soient “sans totem et sans tabou”. » 

Depuis, rien. Enfin si : des menaces, comme la suppression de l’abattement fiscal de 10 % pour les retraités. C’est que Bayrou l’a annoncé, ce 15 avril : Bercy veut trouver 40 milliards d’euros d’économies pour le budget 2026. Mais pas question, bien sûr, d’aller voir du côté des 98 milliards de dividendes de CAC 40, ou des aides accordées aux (grosses) entreprises, sans contrepartie et largement sans effets (200 milliards par an). Non, continuons à gratter sur le dos des retraités, de Jean-Pierre et Janine…

50 % sont favorables à augmenter le montant des cotisations retraites payées par les employeurs et les salariés.
86 % sont pour l’alignement salarial entre les femmes et les hommes.
76 % des Français sont pour augmenter d’un point les cotisations patronales.
82 % sont pour taxer les dividendes pour financer les retraites.

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