TotalEnergies condamné : eh ben, le greenwashing, ça paie plus ?

Enfin ! Le tribunal judiciaire de Paris a condamné, ce 23 octobre, TotalEnergies pour pratiques commerciales trompeuses. Parce que quand la firme assure « être un acteur majeur de la transition énergétique » alors qu’il s’agit d’une des entreprises en pointe dans la destruction de la planète, forcément, ça sonne faux. Et on ne vous parle même pas des dégâts environnementaux de Total en Afrique et ailleurs dans le monde… Bon, en fait, si, on va vous en parler.
TotalEnergies

Publié le 29 octobre 2025

« Un acteur majeur de la transition » qui a pour ambition la « neutralité carbone d’ici
2050. »
Et soucieux avec ça du développement des énergies renouvelables et du gaz, « énergie fossile la moins émettrice de gaz à effet de serre ». Ce n’est pas vraiment le portrait de TotalEnergies qu’on dresserait, spontanément. Pourtant, c’est de cette manière que la firme se présente aux yeux des consommateurs.

Et c’est du pipeau. La justice vient de le dire.

Le tribunal de Paris vient en effet de condamner le géant de l’énergie, en estimant que sa propagande sur le sujet, alors qu’il augmente en parallèle la production de pétrole et de gaz, est « susceptible d’altérer le comportement d’achat du consommateur » et de « l’induire en erreur ».

À l’origine de l’affaire, la campagne de greenwashing, cette technique pour repeindre en écologique ce qui détruit la planète, avait été dénoncée en 2022 par plusieurs associations environnementales : Les Amis de la Terre France, Greenpeace France et Notre Affaire à Tous, en pointant des « pratiques commerciales trompeuses ».

Et c’est vrai que les têtes pensantes des agences de com’ payées par la firme n’y sont pas allées avec le dos de la cuillère. D’après elles, TotalEnergies aurait une « ambition de neutralité carbone d’ici 2050 », et le groupe serait « un acteur majeur de la transition ». Bravo ! Le gaz fossile serait l’énergie « la moins émettrice » ainsi qu’un « complément indispensable des énergies renouvelables », et ses produits dérivés auraient une empreinte carbone « plus faible que celle des autres carburants fossiles ». Formidable. Mais encore mieux : TotalEnergies avait recours au champ lexical des énergies renouvelables pour désigner le gaz fossile, et faire croire aux consommateurs que le gaz fossile serait essentiel à la transition énergétique, ou à la décarbonation de l’économie – magnifique.

Les ONG, ces rabat-joie, remettaient elles sérieusement en doute l’ambition de neutralité carbone ou d’une énergie verte chez TotalEnergies. Elles témoignent pour contrer les affirmations de Total : « ces allégations sont fausses et susceptibles d’induire en erreur le consommateur sur la portée des engagements environnementaux… » Faut dire que la multinationale tape largement, et majoritairement encore, dans les énergies fossiles : plus de 97 % de l’énergie produite par TotalEnergies en 2024 est issue des hydrocarbures. Rien que ça. Et ça continue, encore et encore : la firme poursuit ses investissements dans des exploitations de ce type…

Sa défense ? Un consommateur « raisonnablement attentif » pouvait avoir accès à toutes les informations nécessaires pour comprendre la portée des ambitions affichées, a assuré , TotalEnergies, devant le tribunal. On décode, à la lettre : un consommateur qui n’écoute pas notre communication se doute bien qu’en fait, on est de gros, gros pollueurs.

Ils sont nés avant la honte, décidément…

N’empêche, ils s’en sortent bien. La firme n’aura à payer que des clopinettes en guise de réparation : le tribunal l’a condamné « à verser à chacune des associations demanderesses la somme de 8 000 € en réparation de leur préjudice moral », ainsi que 15 000 € au total au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Une goutte d’eau, ou de pétrole, quand on sait que Total a engrangé plus de 15,7 milliards d’euros de bénéfices l’an passé. Tout en versant 14,5 milliards à ses actionnaires ! Il ne reste pas grand-chose pour investir, et encore moins dans l’écologie…

Et encore.

Et encore, ces chiffres et jugement ne disent pas tout, loin s’en faut, des dégâts causés par la firme dans le monde entier. Tout ça, on vous le disait dans notre dossier La guerre des mondes (Fakir n° 92) quand, dans les couloirs de l’ONU, on avait rencontré Dickens, le responsable d’une organisation de paysans en Ouganda.

Il nous racontait les crimes de Total dans son pays, et c’était pas beau à entendre…

On vous remet un extrait ici.

L’envers de la carte postale

Palais de l’ONU. 9h30.

Le lendemain matin, on prend un moment, à la buvette de l’ONU, avec Dickens. Dickens est le responsable d’une organisation de paysans en Ouganda. Sa lutte, elle est dirigée contre les grands extracteurs de pétrole. Total en particulier. À la table des grands fauves, tous les convives ne sont pas Canadiens ou Australiens. Total, l’un de nos fleurons nationaux, figure en bonne place dans le palmarès des dépeceurs. « Ils sont en train de construire un pipeline dans une zone où vivent 50 000 personnes, dans le plus grand parc national du pays. Les gens y boivent l’eau des rivières, y pêchent le poisson pour manger. La forêt est ancestrale. Plusieurs milliers de personnes ont déjà été expulsées.

D’autres ont souffert de la famine. Mais de toute façon, on peut rester sur notre terre mais la perdre : toutes les ressources sont menacées par Total. Il faut aller loin, de plus en plus loin, à des jours de marche, pour pouvoir trouver à manger. » 1449 km, il fait, l’oléoduc, il faut dire. Et chauffé, avec ça, pour que le pétrole visqueux coule mieux. Les paysans concernés ont déjà essayé de traîner la compagnie en justice. Mais ça traîne, justement, la justice, au niveau local. « La seule possibilité, c’est qu’on ait accès à un tribunal en France. Il sera peut-être plus indépendant. Les tribunaux nationaux ne feront rien. On est obligés d’aller vers des cours internationales, mais tout dépendra de la qualité des traités. » Un espoir existe, en effet : Total en Ouganda, c’est le premier cas d’application de la loi sur le devoir de vigilance…

Pour retrouver l’article au complet, c’est ici.

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