Paul Jorion : « Il nous faut une économie dirigée »

Quand l’heure du confinement a sonné, je lisais justement Comment sauver le genre humain, le dernier essai de Paul Jorion et Vincent Burnand-Galpin. Des tas de passages faisaient écho à la crise que nous traversons. Aussi, depuis ma cuisine, pour ma radio L’An 01, ai-je appelé l’anthropologue de la finance.

Publié le 15 mai 2020

François Ruffin : Votre livre, c’est un éloge de l’« économie dirigée »Paul Jorion : Oui, c’est un coup d’État qui a eu lieu : l’économie dirige, et on ne dirige plus l’économie. D’un moyen, c’est devenu une fin. Du coup, on fait passer la vie des choses bien avant la vie des gens, la vie des rétroviseurs avant celle des gens qui font les rétroviseurs. C’est la grande bascule, que l’on peut situer au XIXe siècle. Nous sommes passés d’une rationalité des fins (mobilisons nos ressources pour réaliser tel objectif, pour obtenir tel résultat), à une rationalité des moyens : minimisons nos coûts et nous rebaptiserons ensuite « objectif » ce que nous constaterons avoir obtenu. Les objectifs qu’il aurait fallu atteindre « en y mettant les moyens » ont été, sinon entièrement mis entre parenthèses, du moins subordonnés aux seuls coûts. Il n’a plus été question de « ce qu’il faut impérativement faire », mais de comptes d’apothicaires, précisant « ce que cela coûte au centime près » : « Ceci est moins cher que cela, c’est donc ce qu’il nous faut : privatisons ! Sous-traitons au privé ! » Keynes l’avait dénoncé dans un discours sur « L’Auto-suffisance nationale ». Je le cite : « Le XIXe siècle a promu jusqu’à la caricature le critère que l’on appellera pour faire bref, ‘‘les résultats financiers’’, comme test permettant de déterminer si une politique doit être recommandée. Le d

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