Une vie en pièces

Dans ma boite aux lettres, j’ai reçu la dernière pièce de Rachid Rouidjali. Il l’a photocopiée en vitesse au Centre médico-psychologique, puis l’a expédiée en « Courrier suivi – Distingo 500 » tant il tient, je présume, à son oeuvre et à mon avis sur elle. C’est un condensé de notre époque qu’offre ce manuscrit.

Publié le 8 décembre 2006

Dans les rues d'une ville imaginaire, des hauts parleurs hurlent: "Achetez! Entrez et achetez!" tandis que des policiers contrôlent les sacs des passants et sanctionnent les réfractaires à l'achat. En une seule métaphore, poussée à l'extrême, société de consommation et société de répression s'allient. Orwell croise La Décroissance. Ce dimanche, j'ai donc rendu visite à l'auteur, au Chemin de Milly à Doullens. Tout au ras du sol, autour, les champs, les maisons, et les cinq étages d'un HLM se dressent d'un coup. On déchiffre vite le paysage : des pauvres coincés en hauteur. "L'idée m'est venue pendant mes balades au centre-ville. Ma femme n'arrêtait pas de regarder les bijoux, les vêtements, mon fils c'était les jouets pour la Playstation... – Ça te frustrait? – Moi pas. Moi, les livres, un stylo, du papier, ça me suffit. Mais pour eux, j'avais honte." À la fin de sa dernière pièce, le héros, rebelle, se pend en prison. À la fin de sa pièce précédente, c'était toute une ville qui s'euthanasiait, avec des cadavres "par dizaines". Y a de la joie...

Radeau de désespérés

Les pupilles de Rachid se pressent contre sa rétine, elles vont jaillir, on croirait, comme un plomb, anxiété fébrile dans ses prunelles. Et le visage marqué, des lésions sur les joues. "Pourquoi tu déprimais? – La place. J'avais le sentiment que jamais je n'aurais de place... D'ailleurs, aujourd'hui encore, je n'ai pas tr

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