L’art de la guerre : Sommes-nous prêts pour la bataille ? (2/5)

Les financiers ont déjà aiguisé les couteaux, lubrifié les canons, préparé les munitions. Et nous ?

Publié le 17 avril 2017


Pour connaître l’adversaire, sa feuille de route, recueillir des notes confidentielles est rarement nécessaire. C’est tous les matins que, dans la presse d’affaires, résonnent des bruits de bottes. Ainsi dans les “Echos” du 14 avril…

La fenêtre de tir

P. 15 :  » Lundi 7 mai, la France aura rendez-vous avec les marchés « , titre en  » point de vue «  Edouard Tétreau,  » conseil en stratégie «  (car eux en font, de la  » stratégie « ).  » A partir du lundi 7 mai, une splendide fenêtre de tir va s’ouvrir pour attaquer la signature de l’état français sur les marchés (…) Nos créanciers, excités par quelques médias et “hedge funds” bien organisés à Londres et à Wall Street, peuvent nous faire jouer une drôle de danse. En vendant massivement les obligations de l’état français, et en jouant la baisse des actions des banques françaises, ils peuvent envoyer un message très simple au nouveau président. « 

Une nouvelle arme

Pour parvenir à ses fins, p. 29 du même numéro, la finance a inventé une nouvelle arme :  » Un contrat à terme sur les emprunts d’état français sera lancé ce lundi 16 avril, sur Eurex, la Bourse de dérivés allemande. « 
Et sur BFM, l’analyste Marc Fiorentino commentait :  » Tout le monde ou presque pourra acheter ou vendre à découvert des emprunts d’état français. Facilement. Et en plus avec un effet de levier de 20. C’est-à-dire qu’avec 50 000 euros seulement vous pourrez vendre à découvert 1 million d’euros d’emprunts d’Etat français. C’est l’arme idéale pour attaquer la France. « 

Les conquêtes

Cette offensive, pour aboutir à quoi ? Le programme de la finance est publié p. 7 :  » Les recettes de l’OCDE pour réduire les dépenses de l’Etat français. « 
Et la très libérale Organisation pour la coopération et le développement économiques de recommander une  » compression des prestations familiales « ,  » ensuite la santé «  avec une réduction des dépenses de la Sécu,  » abolition du taux réduit de TVA «  et passage de tous les produits à 19,6 %, plus des  » réformes structurelles sur le marché du travail « . Le Medef aussi vote pour tout ça.

L’a-démocratie

Seul hic : ces mesures ne sont guère populaires – et dans notre pays, le président est élu au suffrage universel. D’où cette résolution, p. 15, d’Edouard Tétreau :
 » Il s’agit de nommer comme Premier ministre une femme ou un homme d’état dont le nom et l’expérience rassureront immédiatement nos créanciers, et nous éviteront le pire. Une personnalité, sans doute non élue pour être vraiment libre, capable de faire voter et d’exécuter un programme simple (…) Or, la France n’est pas dépourvue de tels profils venant du monde de l’entreprise comme des institutions mondiales.
N’est-ce pas le moment de les appeler, avant qu’une attaque sur la dette française n’emporte tout : l’économie, l’état ? Et in fine, car la France en est le cœur : l’Europe, sa monnaie, ses institutions et ses peuples. C’est maintenant que nous avons besoin d’un Monti français.  »


Avec des pratiques comme le vote, la démocratie vire vite au populisme. D’où le recours nécessaire à une  » personne non élue « .
Se révèle ainsi, au fil des articles et de leurs métaphores militaires, une feuille de route tout à fait cohérente. Qui est répétée chaque jour. Et qui est de fait instaurée à travers l’Europe, de l’Irlande à la Grèce, de l’Italie à l’Espagne.
Comment s’étonner, alors, de la crainte exprimée par l’ancien Premier ministre socialiste Michel Rocard ?  » Comment fait-on dans ce contexte pour maintenir des élections ? Il n’est pas possible de gouverner [le peuple grec] en lui disant qu’il va perdre 25 % de son revenu dans les dix ans si on tient à payer toutes les dettes. Personne ne le dit, mais il ne peut y avoir d’issue en Grèce qu’avec un pouvoir militaire. « 


C’est un jeu casse-gueule.
Mais l’économiste Jacques Sapir, de l’école des hautes études en sciences sociales, s’efforce de prédire (un peu) l’avenir…

 » François Hollande sera confronté à une crise financière, et donc économique, extrêmement importante à partir de la fin de cet été. Tout le monde sait que les questions de la Grèce ne sont pas réglées, tout le monde sait qu’il faudra un troisième plan de soutien à la Grèce entre le mois d’août et le mois de septembre, tout le monde sait que la crise de l’euro, qui est pour l’instant assoupie, va se réveiller de manière très forte…
La situation actuelle, je la compare à un feu de tourbe. Vous savez, dans un feu de tourbe, ça brûle sous la surface, alors vous allez dire
“bon oui ça va, on a éteint l’incendie”. Et puis tout d’un coup, vous avez une résurgence extrêmement importante du feu. C’est très exactement ce que nous allons connaître à partir de cet été, ou du début de cet automne.
Et à ce moment-là, François Hollande tranchera probablement dans un sens européen, et il dira
“il nous faut faire de nouveaux sacrifices pour pouvoir rester dans la zone euro”. Il va probablement essayer alors de déguiser ces sacrifices en disant “bon, nous ne faisons pas un démantèlement de notre droit du travail, nous allons faire une réforme, mais vous allez voir : si certains perdront un petit peu, d’autres vont y gagner…” Ce sont des foutaises. Pardonnez mon expression, mais tout ceci sont des foutaises, et en fait, nous allons aboutir à un démontage extrêmement rapide, et de notre droit social, et de notre droit du travail. « 

Voilà qui, d’après ce scénario, nous donnerait quelques mois, d’ici à l’automne, avant une confrontation sérieuse. Et le calendrier politique coïncide avec cette hypothèse : on voit mal Hollande à peine élu, la nouvelle Assemblée tout juste installée, se lancer dans une cure d’austérité avant ou durant l’été. Nous avons donc jusqu’à la rentrée, en gros, pour nous préparer.


Articles associés

Pour ne rien rater, inscrivez-vous à la

NIOUZLAITEUR

Les plus lus

Les plus lus

Retour en haut