La bourgeoisie raconte 36

« Je veux absolument que tu rencontres ma tante. » C’est grâce à ma copine Hélène que j’ai croisé Emma, une vieille dame pétillante. Avec elle, en quelques heures, j’ai traversé le XXe siècle. Pour le regarder de l’autre bord, vu de la droite. À travers les lunettes de la bourgeoisie…

Publié le 3 juin 2011

" Un soir, papa n'est pas rentré. " En 1936, Emma n'était qu'une petite fille. Son père commandait, en banlieue parisienne, plusieurs ateliers d'une quarantaine de femmes. " Lorsqu'il s'était marié, il avait dit à ma mère : “Pendant mon travail, je refuse toute communication personnelle. Ce que vous avez à me dire peut attendre le soir.” Les trois seuls appels qu'il a reçus, cela a été pour ma naissance, celle de mon frère, et l'annonce du décès de son beau-père. Alors ma mère n'a pas téléphoné. Je la voyais inquiète, de plus en plus... Mon grand-père est parti se renseigner, et moi, on m'a dit d'aller me coucher. Le lendemain, j'ai appris que papa était parti en voyage, qu'il reviendrait bientôt. J'ai attendu. Tous les soirs, je voyais mon grand-père partir avec une serviette. J'ai su après qu'il partait à l'usine pour essayer de voir mon père, de lui donner un sandwich ou que sais-je – il n'y a jamais rien eu à faire. L'usine était barricadée, naturellement, et papa était séquestré par les ouvrières. Elles réclamaient des congés payés, qui, soit dit en passant, existaient déjà dans l'entreprise… Le portrait de mon père a même été brandi au bout d'une pique ! J'ai vu les photos… Toute la direction avait été enfermée, et la seule possibilité pour être libéré était de s'inscrire au Parti communiste. Ce n'était pas les idées de papa. On l'aurait découpé en tranches, il n'

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