Avant de l'inculper, notre Section Spéciale a tenté de recueillir la version du suspect. À plusieurs reprises, nous l'avons appelé au siège de son groupe. Nous lui avons adressé un courrier, puis un recommandé. En vain, jusqu'ici. A défaut, nous avons épluché tous les entretiens de M. Bernard Jean Étienne Arnault. Première remarque, troublante : le PDG choisit le plus souvent la diversion. L'omission. Et préfère évoquer son amour de Mozart que les licenciements dans la Vallée de la Nièvre.
Parfois, néanmoins, il est contraint de revenir sur la reprise – et la liquidation – de Boussac Saint-Frères : l'absence serait trop grossière.
Dans La Passion créative, son autobiographie, on lit ainsi : "Le succès de l'opération reposait sur notre capacité à limiter les pertes de la partie textile, pour faire sortir la vraie valeur des actifs, en particulier Dior". Puis : "J'ai toujours été extrêmement confiant dans notre capacité à redresser cette entreprise." Ou encore : "Nous en avions déduit qu'un certain nombre de mesures de gestion assez simples mises en place très rapidement réduiraient sensiblement l'hémorragie de trésorerie." "Limiter les pertes", "redresser cette entreprise", "mesures de gestion" : il le fit avec brutalité. Il le dit avec délicatesse. Bourrée d'euphémismes, de clichés, de termes techniques, cette langue est là pour voiler le réel, davantage que le révéler.
Cet homme a quelque chose à cacher, et il