A peine président : le renoncement !

« Pas d’audace, pas d’audace, surtout pas d’audace … » Tel était le slogan du tandem Hollande-Ayrault. A peine élus pour renégocier avec l’UE que M. Gentil préférait sermonner les Grecs que chatouiller Merkel…

Publié le 30 juin 2016

 » Eh vous les Fakir, je vous connais… »

A Eaucourt, notre équipe venait de triompher au tournoi de foot (comme en témoigne la photo ci-contre). Le sandwich avalé, l’averse tombant, on allait s’éclipser dans la Polo à Chef.
 » Eh, vous, les Fakir, je vous connais… «  C’est un grand costaud qui nous hèle sous le barnum :  » Je me souviens, vous êtes venus chez Margot,  à Abbeville, y a quelques années… «  Oui oui. C’était une robinetterie de luxe, pour les riches, genre émirs, Chirac et Johnny Hallyday. Qui a fermé, en 2004 il me semble, comme tant d’autres boîtes de la métallurgie, après combien ? des jours, des semaines d’occupation ?
 » On travaillait à trois là-dedans. Ma femme, mon fils et moi.
– Et vous avez retrouvé du boulot ?
– Moi oui, dans le bâtiment, et puis je me débrouille.
– Et votre femme ?
– Elle fait des ménages, parfois, en remplacement dans les collèges. Et mon fils, ils l’ont repris à la COMAP, mais ça va pas fort non plus, là-dedans. L’industrie, c’est devenu une maladie. « 

On s’est mis à causer de nos amis, de Benoît, qui avait écrit le papier, de Bernard, notre photographe décédé depuis, de nos ennemis, Robien, qui faisait retaper son château au black, Sarkozy…
 » On a bien fait de virer ce pantin. Mais avec les autres, ça va pas aller loin… Vous avez vu ça : ils ont augmenté le SMIC de 26 euros ! Et à la radio, ils te causent d’un ‘coup de pouce’ !
– Faut voir si…,
allait raisonner un copain.
_ – C’est tout vu ! qu’il nous rétorquait, notre politologue. Hollande, c’est 26 euros ! Et encore, les trois quarts de ça, c’est juste pour suivre l’inflation. Ils vont t’augmenter le gaz cette semaine, ça va te les avaler, les 26 euros… « 
L’état de grâce élyséen, à Eaucourt, n’avait pas duré cent jours.

Vu d’Athènes

C’est le SMIC qui l’avait marqué, ce camarade.
C’est un autre signal, nous, qui d’emblée nous a alertés : la Grèce, d’abord.
Cette honte.
Que tout le gouvernement français sermonne les Grecs, de Jean-Marc Ayrault à Pierre Moscovici, de Laurent Fabius à François Hollande en personne, tous unis, avec le Financial Times, avec Angela Merkel, avec les conservateurs de tout le continent. Que ces socialistes à peine élus admonestent les électeurs, là-bas, les menacent en douceur, pour qu’ils votent comme il faut, pour qu’ils ne tentent rien, pour qu’ils obéissent à l’orthodoxie financière, pour qu’ils respectent la discipline budgétaire, pour qu’ils s’enfoncent dans la dépression, la résignation devant l’argent.  » Plutôt la droite que Tsipras «  : c’est sur ce mot d’ordre que, on s’en souviendra, s’est ouverte la nouvelle présidence.
C’est honteux, déjà, ce message venu de France à un peuple en souffrance. Mais c’est stupide, en plus. Si François Hollande se fixait comme ambition, pour de bon, de rouvrir en Europe le champ des possibles, quel choix valait-il mieux ? L’aventure d’une autre politique au Pirée, qui s’invente en allant, incertaine, trébuchant, mais forte d’une audace peut-être – et qui offre un autre chemin à ses voisins ? Ou un conformiste libéral, opinant à tous les mémorandums de la troïka, à toutes les folles prescriptions de ces médecins du FMI, de la BCE, de la Commission, qui aggravent le mal en prétendant le guérir ?
Ca le confirmait d’entrée : nous avons bien élu un disciple de Jacques Delors, prêt à sacrifier le socialisme, et même le social, à l’Europe de  » la concurrence libre et non faussée « .
C’est à Athènes, loin de Paris, que fut signée la capitulation. Avant même les législatives. Avant, surtout, la moindre bataille.

La bombe qui fait pschiiiit !

 » C’est une bombe ! «  Fin mai, j’ai passé un week-end aux Glières avec Gérard Filoche, l’inspecteur du travail cégétiste et socialiste, bien à gauche (peut-être plus que moi si ça se trouve). Et il a répété ça, deux jours durant :  » Quand Hollande dit que la BCE doit financer les états, discrètement, mais il met la bombe atomique au bon endroit ! C’est tous les traités, depuis Maastricht, qu’il fout par terre ! « 
Je l’écoutais avec mon sourire en coin. Je l’aime bien, Gérard, mais il est toujours prêt à diffuser de l’exaltation – quitte à semer quelques illusions. Je me taisais, néanmoins, parce qu’on verrait bien. Je tiens pas à jouer, à plein temps, les hyper-blasés gnagnagni-gnagnagna. Et puis, le candidat Hollande l’avait répété avec force, à plusieurs reprises, qu’on ne devait plus  » laisser la BCE prêter de façon illimitée aux banques à un taux de 1 % « , mieux valait  » plutôt prêter directement aux États, ce qui aurait évité que la spéculation ne reprenne « . Devenu président, il tempérait :  » nous aurons des discussions avec nos partenaires et particulièrement avec nos amis allemands, mais ils ne peuvent pas poser deux verrous à la fois, un sur les eurobonds et un autre sur le refinancement direct des dettes par la Banque centrale européenne « .
Finalement, au sortir du dix-neuvième  » sommet de la dernière chance «  depuis 2008,  » nos amis allemands «  ont posé les deux verrous : non aux eurobonds, et non au refinancement direct par la BCE. Après cette rencontre, François Hollande s’est pourtant dit ravi. Et Le Figaro applaudissait aussi :
 » Pourquoi les marchés ont-ils salué les résultats du sommet européen ?

Éric CHANEY, chef économiste d’Axa : Les marchés réclament de l’innovation politique en
 Europe, c’est-à-dire des abandons de souveraineté. La décision d’aller vers une union bancaire de la zone euro en est clairement une « 
(1/07/12).

Du simplisme !

Notre souci, maintenant.
C’est que, dans les mois qui viennent, on peut bien moquer les socialistes. Les rebaptiser  » sociaux-traîtres «  à longueur de tracts et de débats. Dresser, comme dans ce papier, la liste scrupuleuse de leurs reniements. Se lancer dans des logorrhées pamphlétaires.
Tout ça, on sait très bien faire.
Mais nous n’aurons pas avancé d’un pas. L’esprit critique est déjà là, partout dans le pays, le scepticisme instillé dans les esprits – et participe moins, peut-être, à la transformation qu’à la résignation.
Le fatalisme, voilà l’ennemi. A combattre sans répit.
Et contre lui, c’est de l’enthousiasme, aussi, qu’il faut diffuser. Mener des luttes  » contre « , soit, mais portées par l’espérance, souterraine, que leur vieux monde est à bout de souffle, que le  » consommer moins, répartir mieux «  s’impose, que c’est nous qui l’avons, l’allant. De l’avant, non pas vers une  » utopie « , refuge hors du réel, mais d’abord vers des décisions simples, simplistes même, radicales, concrètes, immédiates : contre les dettes ? Le défaut : nous ne paierons pas. Contre le dumping planétaire ? Des barrières douanières. Contre les richesses au sommet ? La taxation, voire la confiscation.
Des mesures d’autant plus dangereuses qu’à notre portée. Auxquelles ne manque qu’une volonté, la nôtre : la poussée et la puissance d’un peuple organisé.

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