30 ans d’injustice fiscale: l’impôt sur les successions

Depuis trente ans, les gouvernements se suivent et leur politique se ressemble : faire baisser les impôts sur les bases « mobiles » (capitaux, entreprises, riches), et relever ceux sur les bases « immobiles » : vous et moi. Cette orientation se vérifie pour toutes les taxes, et dans tous les pays du continent. C’est qu’une même logique est à l’œuvre : la concurrence fiscale.

Publié le 4 décembre 2013

C’est une manie chez Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa : l’ami des dynasties Bouygues, Lagardère, Bolloré, a la passion des héritages. Nommé ministre du Budget sous Balladur, qu’annonce-t-il au pays, lors de ses premiers vœux ? Qu’il compte  » faire de la réforme des droits de mutation une priorité de 1994 « , tout en conciliant, on s’en doute,  » la justice fiscale et l’efficacité économique «  (Le Nouvel observateur, 27/01/94). Dix ans plus tard, en 2004, il revient aux Finances, n’y reste qu’à peine huit mois, mais avec quelle priorité ?  » Héritage : la nouvelle donne de Sarkozy « , se félicite Le Point :  » 90 % des successions, la quasi-totalité des héritiers devraient être exonérés d’impôt « , tout cela, bien sûr, pour  » soutenir la reprise économique en favorisant la transmission «  (16/09/04). Il part en campagne pour la présidentielle, et avec quelle promesse ?  » Nicolas Sarkozy propose que demain 95 % de ceux qui déclarent des successions soient exonérés, énonçait son porte-parole Xavier Bertrand. Quand on croit au travail, quand on croit à la famille, il est cohérent de ne pas taxer une énième fois le fruit du labeur de toute une vie «  (La Tribune, 29/01/07).
Deux mois après l’élection, la mesure est emballée dans le paquet fiscal.  » En cinq ans, applaudit une notaire dans Le Figaro, on a fait plus d’avancées qu’en un siècle entier «  (30/11/07). Ou de  » reculs « , selon le point de vue. Car c’est un outil à rééquilibrer les fortunes, aussi, bâti avec patience, qu’on a liquidé à la hâte.


Hériter en paix

Cette casse aurait fait tonner Jaurès, lui qui voulait  » socialiser le capital en demandant davantage à l’impôt sur les successions « . Elle aurait scandalisé Léon Blum, lui qui, à la Libération,  » propose au Parti socialiste de s’attaquer à la notion de la propriété capitaliste dans son caractère essentiel, c’est-à-dire dans son caractère de transmission héréditaire indéfinie « . Jusqu’à François Mitterrand et son Programme commun qui regardaient  » les droits de succession comme un élément essentiel de redistribution «  (tout en exonérant les  » patrimoines modestes « ). Mais la gauche a, semble-t-il, renoncé à cette part de son héritage. Les héritiers peuvent hériter en paix.

Hériter plus pour…

L’impôt sur les successions est aujourd’hui quasiment supprimé : jusqu’à 3 767 376 € peuvent être transmis sans le moindre prélèvement du fisc. Résultat, d’après Philippe Bruneau, président du Cercle des fiscalistes :  » En France, un euro hérité est deux à trois fois moins taxé qu’un euro travaillé. « 

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