C’est une manie chez Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa : l’ami des dynasties Bouygues, Lagardère, Bolloré, a la passion des héritages. Nommé ministre du Budget sous Balladur, qu’annonce-t-il au pays, lors de ses premiers vœux ? Qu’il compte » faire de la réforme des droits de mutation une priorité de 1994 « , tout en conciliant, on s’en doute, » la justice fiscale et l’efficacité économique « (Le Nouvel observateur, 27/01/94). Dix ans plus tard, en 2004, il revient aux Finances, n’y reste qu’à peine huit mois, mais avec quelle priorité ? » Héritage : la nouvelle donne de Sarkozy « , se félicite Le Point : » 90 % des successions, la quasi-totalité des héritiers devraient être exonérés d’impôt « , tout cela, bien sûr, pour » soutenir la reprise économique en favorisant la transmission « (16/09/04). Il part en campagne pour la présidentielle, et avec quelle promesse ? » Nicolas Sarkozy propose que demain 95 % de ceux qui déclarent des successions soient exonérés, énonçait son porte-parole Xavier Bertrand. Quand on croit au travail, quand on croit à la famille, il est cohérent de ne pas taxer une énième fois le fruit du labeur de toute une vie « (La Tribune, 29/01/07).
Deux mois après l’élection, la mesure est emballée dans le paquet fiscal. » En cinq ans, applaudit une notaire dans Le Figaro, on a fait plus d’avancées qu’en un siècle entier « (30/11/07). Ou de » reculs « , selon le point de vue. Car c’est un outil à rééquilibrer les fortunes, aussi, bâti avec patience, qu’on a liquidé à la hâte.

Hériter en paix
Cette casse aurait fait tonner Jaurès, lui qui voulait » socialiser le capital en demandant davantage à l’impôt sur les successions « . Elle aurait scandalisé Léon Blum, lui qui, à la Libération, » propose au Parti socialiste de s’attaquer à la notion de la propriété capitaliste dans son caractère essentiel, c’est-à-dire dans son caractère de transmission héréditaire indéfinie « . Jusqu’à François Mitterrand et son Programme commun qui regardaient » les droits de succession comme un élément essentiel de redistribution « (tout en exonérant les » patrimoines modestes « ). Mais la gauche a, semble-t-il, renoncé à cette part de son héritage. Les héritiers peuvent hériter en paix.
Hériter plus pour…
L’impôt sur les successions est aujourd’hui quasiment supprimé : jusqu’à 3 767 376 € peuvent être transmis sans le moindre prélèvement du fisc. Résultat, d’après Philippe Bruneau, président du Cercle des fiscalistes : » En France, un euro hérité est deux à trois fois moins taxé qu’un euro travaillé. «