Quel est ce fou qui, en 1919, prétend fermer les boulangeries la nuit ? Cet extrémiste qui veut mettre " la France au pain sec " ou " au pain rassis " ? Cet ennemi du goût qui déclare, eh bien tant pis, votre pain frais, vous l'aurez à midi ? C'est un député radical-socialiste bon teint, Justin Godard, un avocat – et qui plaide cette cause depuis dix ans maintenant. C'est qu'il n'est pas seul. C'est qu'il est porté par tout un mouvement, toute une histoire." Pourquoi est-on arrivé à établir ce régime scandaleux
qui maintient dans un labeur exténuant des milliers de travailleurs ? Tout simplement à cause de la concurrence : le boulanger de tel coin de rue a voulu commencer une demi-heure plus tôt pour livrer le pain avant son voisin et attirer chez lui la clientèle ; le voisin, voyant cela, ne s'est pas contenté d'une demi-heure, il a voulu offrir le pain une heure plus tôt, et ainsi de suite, on est arrivé à instaurer ce régime tout à fait anormal de la fabrication du pain la nuit. Nous nous trouvons donc en présence d'une conséquence de la concurrence. Le travail de nuit peut donc disparaître si la concurrence devient impossible et si une loi impose à tous les patrons boulangers de ne pas commencer plus tôt les uns que les autres. "
Travail de nuit : notre pain du matin
Fakir poursuit son dictionnaire des conquêtes sociales. Avec, cette fois, une non-conquête, ou une conquête avortée : l’abolition du travail de nuit.
Une bataille menée, en première ligne, par les ouvriers boulangers, au bord de l’emporter – « et tant pis si votre pain vous ne l’aurez que l’après-midi ! »

Publié le 21 juin 2016
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