Emmanuel Todd : « C’est impossible… mais c’est le meilleur moment ! »

Avant de plonger les deux pieds dans la bataille, j’ai sondé ma pythie préférée : Emmanuel Todd.

Publié le 23 novembre 2016

C’est le passage d’un portrait des Inrocks, sur ma pomme, parfaitement immodeste, limite mégalo :
Emmanuel Todd, qui avait prédit la chute de l’URSS et le déclin de la puissance américaine, voit en Ruffin l’homme qui peut réconcilier la gauche avec les classes populaires. “J’ai un espoir et une formule pour le résumer, explique Todd. Je la prononce quand j’essaie de me rassurer sur l’avenir : François Ruffin, c’est la vraie alternative de gauche à Marine Le Pen.”

Eh bien moi, les jours de doute, c’est-à-dire à peu près tous les matins, quand il crachine sur Amiens comme il bruine sur mon cœur, quand me saisit l’à-quoi-bon devant ma petitesse, eh bien, pour retrouver une fierté, et donc de la force, je me répète cette formule d’Emmanuel Todd :  » François Ruffin, c’est la vraie alternative de gauche à Marine Le Pen. « 

Avant de plonger, j’ai donc rencontré ma pythie préférée.
Pour le sonder.
Todd : Tu dois y aller, a-t-il aussitôt tranché, enchanté.
Ruffin : Mais pourquoi ?
Todd : Eh bien, tu vois, au début des Sept Mercenaires, y en a un qui raconte qu’il s’est jeté dans un cactus, qu’il est esquinté de partout. Et les autres lui demandent : ‘‘Mais pourquoi tu t’es jeté dans un cactus ? » Lui répond : ‘‘Je ne sais pas, parce que ça m’a tenté… »
Ruffin : Donc, je dois me jeter dans le cactus électoral ? C’est tentant !
Todd : Prends ça comme une expérience.
Ruffin : Ouais, je prends des notes, j’en ferai un bouquin, avec les coulisses, mes discussions avec les gens…
Todd : Voilà, extra. Dis-toi que tu vas en faire un grand livre, sur la société française, et comme ça t’es libéré des résultats…
Ruffin : Mais à part l’expérience masochiste, à quoi ça sert ?
Todd : Si j’essaie d’être sérieux, je dirais : c’est impossible, mais il n’y aura jamais de meilleur moment ! On ressent comme une apesanteur, une vie politique ridicule, comme un appel d’air. Il y a un sentiment de vide, de fin de cycle, dont témoignent Trump, Sanders, le Brexit, Corbyn… Mais même Macron : il n’existe que parce que tout le monde est désespéré, les gens sont prêts à prendre n’importe quoi.
Ruffin : N’importe quoi, donc pourquoi pas moi !
Todd : Oui, les gens peuvent se dire : perdus pour perdus, après tout, pourquoi pas lui. Au moins, on va essayer un truc nouveau. Même les pires des journalistes éprouvent cette fatigue : le retour de Sarkozy, ou alors c’est Juppé, face à Hollande, quelle usure.
Ruffin : Et à quoi ça servirait ?
Todd : Si tu gagnais, ce serait le signe d’une inversion, que ça peut repartir à gauche. Tu as passé je sais pas combien d’années à te bagarrer tout seul sur le protectionnisme, et ce thème a foutu en l’air la campagne électorale américaine. Donc, ça devrait te donner confiance. Aujourd’hui, du Brexit aux USA, la preuve est faite : la globalisation est fatiguée dans le monde qui lui a donné naissance. C’est ça ta question, c’est pas la victoire, c’est pas la défaite. Toi, tu dois te demander : comment aller plus loin ? Comment faire macérer les éléments idéologiques ?
Ruffin : Et tu verrais quoi, par exemple ?
Todd : L’axe de ta campagne, je pense, ça doit être de casser la fragmentation entre ‘rebeus’ et Picards. Il faut parler directement aux électeurs du Front National et aux gens d’origine étrangère, leur dire : ‘‘Vous êtes les deux groupes qui se font enculer. Vous, les prolos blancs, vous vous faites enculer par le FN. Vous, les prolos de couleur vous vous faites enculer par le PS. Tant que vous vous opposez l’un à l’autre, vous êtes cuits. Il faut la fraternisation de ces deux groupes… » Et tu refais la Fête de la Fédération à Amiens !

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