Le colosse brisé

Il vit dans un brouillard depuis deux ans, Karim, au péril de sa santé, de sa famille, lâché de tous. Juste parce qu’il a cru utile de dénoncer un scandale environnemental.

Publié le 12 mars 2019

"“Connard ! Balance !” Des gens ouvrent la fenêtre de leur voiture, passent à côté de moi dans la rue et me crient ça. “Vermine !” C'est comme ça tout le temps, devant mon fils… “Vendu !” Tout ce qui peut détruire un type devant ses gosses, quoi. " Il ouvre ses grands yeux fatigués, Karim, vous regarde fixement. C'est un colosse, qui est là devant moi, il frise bien le mètre quatre-vingt‑dix, les kilos j'imagine même pas, vraiment costaud, mais on le sent fragile, et il tremble, il tremble, il tremble. Il s'excuse en tendant devant lui sa main flageolante, pour montrer. " Je suis désolé, je suis juste sorti y a deux jours. " Sorti ? " De l'hôpital. J'ai fait un burn out du 12 septembre au 30 novembre. Six jours au CHU de Thionville, puis l'hôpital militaire. Psychiatrique. J'aime pas ce terme. Avec ceux qui ont des problèmes d'alcool, ou font des dépressions. En psychiatrie. Même à ma femme, j'en ai pas parlé. C'est tabou. " On est assis à la table d'un café associatif. Karim est venu à Paris pour essayer de trouver du soutien, plaider sa cause, dans une réunion de lanceurs d'alerte. " ça fait un an que l'affaire est là. Un an que je déguste. "

Un an en arrière, alors, c'était fin mai 2016.

Tout se présentait plutôt bien. En Lorraine, Karim est chauffeur poids lourd, bosse en intérim. Il vit en couple, a trois enfants, le plus jeune de vingt mois, et deux grands, huit et douze ans. Juste avant les fêtes de fin d'ann

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