Cette mort qu’il tutoie

Il m’a ému, pris aux tripes, ce tout jeune gars, à frayer avec la mort…

Publié le 1 octobre 2019

" Ah, monsieur Ruffin, vous, au moins, vous défendez les petits gars comme nous, qui trimons toute la journée, vous comprenez nos vies... " Un gars m'alpague, sur le trottoir, devant un bar. On est à côté de l'Assemblée, et je dois rentrer dans l'Hémicycle pour la séance de nuit. Mais y a un truc qui me plaît, chez lui, quoi ? je sais pas. Le blouson de cuir, peut-être, pas vraiment le look du quartier. Le visage tendu, les traits tirés, il ne sourit pas. Et sa diction, les mots qui s'arrachent comme une douleur, droit sortis du cœur. " Tu bosses dans quoi, toi ? - Moi, je suis dans les pompes funèbres... " Je lui ôte son perfecto, mentalement, je le rhabille dans son costume de croque-mort. Il a quoi, trente ans ? Même pas, peut-être. Et le voilà qui fraie au quotidien avec la mort, le destin scellé (j'espère pas, mais je crains) comme un tombeau. Je sens le peuple. Il incarne, un instant, une jeunesse populaire et malheureuse. Et quoi de plus important, pour un " représentant de la nation ", que de comprendre le Peuple ? Qui il est ? Comment il vit ? Et la curiosité, aussi, sans doute, de son boulot, le néant qu'il tutoie. " Ça me déprime, bien sûr, de me dire que je vais consacrer ma vie à la mort. Et en même temps, c'est contradictoire, parce que j'aime bien les gens. Y a un vieux monsieur, de 92 ans, qui a vécu avec sa femme pendant plus de soixante ans, un couple comme on n'en verra plus, tu imagines comme il se sent seul, ça

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